Exemplaire
Après 48 heures de délibération, les magistrats de la cour d’assises spéciale de Paris, composée pour rendre la justice sur les attentats du 13 novembre 2015 (130 morts, 413 blessés dont 99 grièvement), ont donc définitivement clos les débats d’un procès hors normes qui aura duré pas moins de 9 mois, 2 semaines et 5 jours. Certains débattront des verdicts prononcés, il serait regrettable
cependant que l’on s’en tienne à ces seules décisions. Si souvent critiquée, la justice française a été exemplaire dans cette terrible affaire. Elle a offert une leçon de sérénité qui honore notre démocratie. Pour en juger, il convient de comparer l’attitude de notre pays avec celle des États-Unis après les attentats du 11 septembre 2001. Certes, il y eut alors beaucoup plus de victimes (2977) mais la justice ne se rend pas à l’aune du nombre de morts. Elle doit d’abord obéir au droit. Tous les auteurs arrêtés des attentats du 11-Septembre ont fini dans le centre pénitentiaire de Guantanamo, enclave américaine dans le sud-est de l’île de Cuba. Sous prétexte d’exterritorialité de cette base, aucun n’a été soumis au
système judiciaire fédéral américain.
Certes, il aura fallu 6 années avant que la cour d’assises de Paris voie comparaître les vingt personnes mises en cause dans les attentats de 2015 (14 présents, 6 jugés en absence). Le million de pièces réunies par les enquêteurs témoigne néanmoins de la méticulosité et du sérieux de l’instruction. Elle a contribué à l’exemplarité de ce procès. Son organisation a été tout autant remarquable avec cette salle spécialement conçue pour permettre aux
parties civiles (1800, représentées par 300 avocats) d’y assister si elles le souhaitaient. Cette présence était nécessaire pour aider victimes ou familles des victimes à poursuivre, dans la mesure du possible, leur travail d’apaisement. Certains y sont parvenus, d’autres non, nul n’a le droit de porter un jugement sur eux. La justice, en tout cas, a fait ce qu’il fallait pour les aider dans la reconstruction de leur vie.
Par sa maîtrise du dossier, sa fermeté sans jamais manquer de respect envers les accusés, son sens de l’humour et de la répartie, le président de la cour, Jean-Louis Périès, a été le personnage central d’un procès qui jamais n’a versé dans le drame ou le psychodrame. Le méticuleux réquisitoire prononcé par les trois avocats généraux a lui aussi été à la hauteur de ces neuf mois d’audiences. Tout comme les plaidoiries des avocats, dont celles de Maîtres Olivia Ronen et Martin Vettes pour la défense de Salah Abdeslam, contre la réclusion à perpétuité incompressible réclamée, et obtenue, par le Parquet. Quand la justice se hisse à ce niveau, elle fait écho à cette phrase de Montesquieu, qui toujours doit la guider : « La justice consiste à mesurer la peine et la faute, et l’extrême justice est une injure. »
« Si souvent critiquée, la justice française a été exemplaire dans cette terrible affaire »