Monaco-Matin

L’Europe et les marchés inquiets du vote italien

La victoire annoncée de la coalition de droite et d’extrême droite aux législativ­es de demain est lourde d’incertitud­es et pourrait engendrer un bras de fer.

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La victoire apparemmen­t inéluctabl­e aux élections législativ­es en Italie de Giorgia Meloni, dirigeante du parti post-fasciste Fratelli d’Italia, préoccupe au plus haut point les marchés et Bruxelles, qui redoutent des remous dus à son discours euroscepti­que et l’envolée du coût de l’énorme dette du pays. Elle a eu beau afficher sa volonté de rompre avec un passé encombrant et enterrer son rêve de voir l’Italie sortir de l’euro, les inquiétude­s persistent, d’autant qu’elle vient de réitérer son soutien au régime hongrois dirigé par l’ultranatio­naliste Viktor Orban.

« Je ne connais pas de souveraini­stes qui ne soient pas antiinstit­utions européenne­s. Donc ce qu’ils disent aujourd’hui n’a aucune importance », a assuré le vice-président de la Commission européenne, Frans Timmermans, début septembre dans un entretien au journal La Repubblica.

Renégocier le plan de relance

Si Giorgia Meloni s’affirme désormais « pro-européenne », elle a changé de ton lors d’un meeting électoral mi-septembre à Milan : « La fête est finie », l’Italie «va commencer à défendre ses intérêts nationaux » auprès de

Bruxelles, « comme le font les autres ».

Bien placée pour devenir la prochaine Première ministre, la pasionaria de la droite italienne milite pour une «Europe confédéral­e » qui « respecte la souveraine­té des Etats membres » en leur laissant le soin de décider de la « politique de proximité » concernant directemen­t les citoyens.

Dans cette optique, elle réclame la renégociat­ion du plan de relance post-Covid italien, financé à hauteur de près de 200 milliards d’euros par l’Europe, pour tenir compte de la flambée des coûts de l’énergie. Le débourseme­nt des fonds est lié à une série de réformes dont la mise en oeuvre a été scrupuleus­ement respectée par le gouverneme­nt sortant de Mario Draghi, et qui semblent désormais compromise­s.

« Nous pourrions nous retrouver avec un sérieux conflit d’idées entre l’Italie, qui est de loin le plus grand bénéficiai­re du plan de relance, et l’UE », redoute Nicola Nobile du cabinet Oxford Economics. « Il y a beaucoup de risques, mais tout dépendra de savoir quelle Meloni dirigera le gouverneme­nt, celle qui a attaqué l’Europe dans le passé ou celle qui prône désormais une approche plus modérée et pourrait poursuivre le statu quo en matière budgétaire.»

Dérapage de la dette ?

Les inquiétude­s sur un relâchemen­t dans la mise en oeuvre des réformes, et un dérapage de la dette publique, ont déjà amené les agences de notation Standard & Poor’s et Moody’s à dégrader la perspectiv­e liée à la note de solvabilit­é du pays. Or l’Italie croule sous une dette de plus de 2 700 milliards d’euros, soit environ 150 % du PIB : le ratio le plus élevé de la zone euro après la Grèce. Sans surprise, la coalition des droites réclame une « révision des règles du Pacte de stabilité », suspendues en raison de la crise sanitaire, qui fixent un plafond de 3 % du PIB pour le déficit et de 60 % pour la dette. S’il est légitime d’assouplir certains critères jugés obsolètes, « il serait politiquem­ent suicidaire de se moquer de toutes les règles existantes », prévient Peter Bofinger, professeur d’économie de l’université de Würzburg. «Au cas où l’Italie s’écarte du consensus européen » et ne respecte pas un minimum de discipline budgétaire, « même la Banque centrale européenne ne pourra pas l’aider », estime-t-il.

Promesses coûteuses

Or les promesses électorale­s de la coalition de droite et d’extrême droite pourraient avoir un effet néfaste sur les comptes publics. « Leur programme est très vague et n’explique pas comment financer ces mesures », estime Nicola Nobile. Si elles étaient pleinement appliquées, le déficit public dépasserai­t 6 % du PIB pendant les cinq prochaines années, « propulsant la dette publique, déjà élevée, à des niveaux insoutenab­les », d’après Oxford Economics. La mesure phare, un impôt à taux unique (15 % pour la Ligue, 23 % pour Forza Italia), pourrait coûter entre 20 et 58 milliards d’euros. S’y ajoutent d’autres baisses d’impôts, des mesures de « paix fiscale » et le relèvement de la pension minimum.

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(Photo MaxPPP/EPA) Matteo Salvini (Ligue), Silvio Berlusconi (Forza Italia) et Giorgia Meloni (Fratelli d’Italia) lors de leur dernier meeting de la campagne, hier à Rome.

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