Malaise à l’italienne
Malaise à l’italienne. Ce pourrait être le pastiche d’un titre de film des années 60 ou 70, l’âge d’or de la comédie italienne. Avec Alberto Sordi, Ugo Tognazzi ou Vittorio Gassman en haut de l’affiche. Ces décennies du miracle économique transalpin symbolisé par la réussite de Fiat. La croissance explosait les compteurs, les usines du Nord embauchaient à tour de bras ces migrants de l’intérieur venus du centre ou du sud de la péninsule. Pour la première fois de leur histoire, les Italiens n’avaient plus besoin d’aller chercher du travail en dehors de leur pays. Ce malaise à l’italienne frappe nos voisins, comme de nombreux pays européens, depuis de longues années déjà. La péninsule est devenue une terre d’immigration, symbolisée par sa tête de pont à Lampedusa, pour des cohortes de miséreux entassés sur des navires de fortune. À ce choc des cultures et des religions s’ajoute le poids de la mondialisation qui a fragilisé les entreprises, même si le pays garde un maillage de petites industries que pourrait lui envier la France. Ce malaise à l’italienne trouvera probablement demain sa traduction dans les urnes à l’occasion des élections législatives. Si les sondages se confirment, Giorgia Meloni devrait prendre la tête du gouvernement la semaine prochaine. Une double première : la première femme cheffe du gouvernement et la première responsable d’un parti, Fratelli d’Italia, dont l’ancêtre, le MSI, a été créé après-guerre par des héritiers de Mussolini.
De l’eau a coulé sous les ponts du Tibre depuis près de 80 ans. Le parti s’est apparemment débarrassé de ses oripeaux fascistes au profit d’une ligne « nationale conservatrice », même si ses adversaires du centre-gauche n’y voient qu’une « dédiabolisation » en trompe-l’oeil. En 2009, le parti
– qui s’appelait alors Alliance nationale – s’était même sabordé en se fondant avec Forza Italia de Silvio Berlusconi dans un nouveau mouvement, le Peuple de la liberté, avant de retrouver une existence propre en 2012 sous l’impulsion de Giorgia Meloni et de quelques autres.
Bien leur en a pris. Fratelli d’Italia, qui ne dépassait pas les 5 % jusqu’en 2018, est devenu en quelques mois le premier de la coalition qu’il forme avec Forza Italia et la Ligue, l’autre mouvement de droite radicale. Un ménage à trois qui, depuis un bon moment déjà, avait relégué la droite classique de Silvio Berlusconi au second plan derrière la Ligue de Matteo Salvini. Ce dernier se voyait déjà dans les habits de chef du gouvernement. Et voilà que, comme un défenseur de la Squadra Azzurra remontant en grandes enjambées le terrain pour filer au but, Fratelli d’Italia fait désormais la course en tête. La raison de cette incroyable percée ? En soutenant sans y participer, depuis un an et demi, le gouvernement d’unité nationale de Mario Draghi chargé de gérer les 200 milliards versés par l’Union européenne dans le cadre du plan de relance, la Ligue a brouillé son image de parti de rupture. Le signe du niveau de rejet d’une partie des Italiens vis-à-vis de « l’establishment ». Vous avez dit malaise ?
« De l’eau a coulé sous les ponts du Tibre depuis près de 80 ans. »