« On a envie d’aller plus haut »
Dans le paddock de cette finale à domicile, Marc Fontan savoure le premier titre (Supersport 300) obtenu par la FT Racing Academy qu’il conduit depuis 2020. En lorgnant l’étage supérieur.
Dans le monde de la moto, sa seconde maison, il aura tout fait, hormis shampouiner la moquette et nettoyer les carreaux. Depuis le crépuscule d’une trajectoire longue et fructueuse, Marc Fontan change de casquette aussi vite qu’il négociait les virages jadis : éleveur de champions, organisateur de courses, patron d’écurie, commercial, communicant... Son énième défi : la FT Racing Academy mise en route début 2020 avec Sam Thomas, le copain de toujours. Une pépinière implantée dans le Var, à La Valette, qui a entamé la finale sur le circuit Paul Ricard hier avec le titre Supersport 300 déjà en poche. Couronné lors de l’étape précédente, l’espoir normand Enzo Dahmani ne roule ici que pour étoffer sa collection de victoires (voir le chiffre, ci-contre). Le coéquipier varois Evann Plaindoux, lui, espère engranger sur le fil les gros points indispensables pour finir vicechampion de France. Rencontre avec leur guide hors pair au carrefour entre bilan et perspectives.
Marc, à 65 ans, qu’est-ce qui vous fait courir d’un circuit à l’autre encore et toujours ?
La passion de la moto, de la course, tout simplement. J’ai croisé la route de mon ami Sam (Thomas) au tout début de ma carrière de pilote. Il avait 16 ou 17 ans. Depuis, on avance main dans la main. Un jour a germé l’idée d’aider des jeunes talents à grandir, à percer. Les succès rencontrés d’entrée avec des espoirs du guidon tels qu’Olivier Jacque, Régis Laconi, Sébastien Gimbert nous ont confortés dans cette voie. Personnellement, c’est la motivation qui donne un sens à ma vie. Couper le contact du jour au lendemain, se ranger dans une case, même si on a une belle famille, des enfants, petits-enfants, je trouve cela un peu triste. Quand on a une passion, il faut la vivre à fond, s’investir le plus longtemps possible.
Content de retrouver le circuit Paul Ricard ?
Ah oui, ça fait plaisir. À l’époque, on roulait beaucoup, énormément, sur cette piste. Pas juste en compétition. Entre les courses, durant l’hiver, il y avait des roulages, des entraînements, avec les Roche, Moineau, Sarron... Le Castellet, c’était le circuit phare de la moto en France. Quand j’y pense, il y a un tas d’images fortes qui jaillissent du fond de ma mémoire.
Votre souvenir numéro 1 ?
À vrai dire, deux courses m’ont marqué. D’abord le Moto Journal 200 que je
remporte après une bagarre acharnée contre des cadors, Marco Lucchinelli, Franco Uncini (en 1981, sur une Yamaha 500, ndlr). Cette grande épreuve internationale réunissait le gratin de la vitesse. Elle attirait plus de 40 000 spectateurs. Et puis impossible d’oublier le Bol d’Or 1980 couru en compagnie d’Hervé (Moineau), même si la victoire nous échappe après une chute. En course comme aux essais, je m’étais tiré une bourre phénoménale avec Freddie Spencer qui pilotait lui aussi une Honda officielle.
Ce week-end, la FT Racing Academy achève sa troisième saison sur le front du championnat de France Supersport 300. En 2020 et 2021, il vous avait manqué quoi pour coiffer la couronne ?
Il y a deux ans, Alexis Boudin prend le train en marche. Il intègre notre structure après la manche d’ouverture et enchaîne huit podiums sans gagner. De quoi finir vicechampion. La saison dernière, c’est lui le plus rapide. Mais la lourde chute survenue lors des essais qualificatifs, au Mans, brise son élan d’entrée. Contraint de mettre la ‘‘compète’’ entre parenthèses pour soigner son rein fracturé, il rate les quatre premières courses. Handicap insurmontable (finalement 4e avec 4 victoires au compteur).
Et en 2022, quand avezvous compris que le titre n’échapperait pas à Enzo Dahmani ?
C’est dur à dire. On a vu Enzo se détacher assez vite. Par rapport à Evann (Plaindoux), qui possède la même pointe de vitesse, son tempérament de guerrier a fait la différence, je pense. Il a hérité du mental de son père boxeur. À Carole, il plie l’affaire de manière très intelligente. Lors de la course 1, il assure des points importants (2e) .Etpuisilse lâche lors du second sprint et signe une victoire magistrale synonyme de titre avec 5 secondes de marge sur son plus proche poursuivant. Chapeau !
Et maintenant ? Quelle sera l’étape suivante en 2023 ?
Si Enzo est d’ores et déjà champion, il lui manque 3 points pour remporter le challenge Yamaha ouvrant les portes de la R3 bLU cRU European Cup. L’an prochain, il disputera donc en principe cette formule de promotion Yam’ au niveau continental. Evann et lui participeront d’ailleurs à une épreuve de sélection organisée par la marque les 7, 8, et 9 octobre au Portugal, sur le circuit de Portimao. Làbas s’affronteront les cinq meilleurs pilotes Yamaha des championnats nationaux Supersport 300. Et le vainqueur pourra prendre l’ascenseur, tous frais payés. Une chance à saisir pour Evann. Lui aussi mérite d’évoluer à l’étage supérieur.
L’un et l’autre peuvent-ils espérer rouler en Grand Prix un jour ?
Pourquoi pas ? Tout est possible. Si vous brillez en Europe ou en Mondial Supersport 300 à 15 ans, sûr que l’opportunité de bifurquer vers le PréMoto 3 se présentera. Un gars doué est capable d’aller vite sur n’importe quelle machine. Cela dit, on peut aussi vivre de sa passion sans atteindre le top niveau. Être pilote professionnel, faire carrière, en Endurance, en Superbike...
En France, au pied de la pyramide, l’Objectif Grand Prix et le Supersport 300 doublonnent, non ?
Pas vraiment, car la
Fédération (FFM) ne tient pas du tout compte des 300 ! Ils ne jurent que par l’OGP, un championnat racheté au promoteur qui l’a créé. Belles petites machines, d’accord, mais ils ne sont qu’une quinzaine en Pré-Moto3 et neuf en Honda NSF 250. Concurrence pas terrible. Ça limite la bagarre. Je trouve leur vision vraiment trop restrictive en matière de détection. L’entonnoir est trop étroit. Par conséquent, normal que personne ne sorte au bout !
Donc mieux vaut aller grandir à l’étranger comme l’ont fait Fabio Quartararo et Johann Zarco ?
Non, on peut débuter en championnat de France
Après la conquête de ce premier titre national, quelles sont les perspectives pour la FT Racing Academy ? Votre pépinière va-t-elle grandir, évoluer ?
La réflexion est en cours. Avec Sam, nous étudions plusieurs pistes. Peut-être que l’on va quitter le championnat de France. On a envie d’aller plus haut, plus loin. Poursuivre l’aventure avec Enzo et Evann, les accompagner aux quatre coins de l’Europe, ça ne nous déplairait pas, quand bien même il faudrait changer notre mode de fonctionnement. Histoire de montrer à certains que le Supersport 300 constitue un tremplin efficace, qu’il n’y a pas une seule et unique filière...
‘‘ Iln’yapas qu’une seule et unique filière ”