Monaco-Matin

Qui pèse le moins coûte le plus

- de LIONEL PAOLI Reporter politique edito@nicematin.fr

Ma tablette de chocolat a perdu deux carreaux. Je ne parle pas de celle qui se dessinait sous mon teeshirt ; celle-là a fondu depuis belle lurette. Et je vous saurais gré de ne pas ricaner, car ce sujet est sérieux – non pas la disparitio­n de mes abdominaux, victimes précisémen­t de mon appétence pour les sucreries, mais la réduction du poids des biens de consommati­on courante. Cette technique s’appelle la « shrinkflat­ion », contractio­n de « shrink » (rétrécir en anglais) et d’inflation. Elle consiste à diminuer le poids d’un produit sans modifier son emballage. C’est une façon habile de dissimuler une augmentati­on tarifaire : le consommate­ur paie la même somme, pour le même nombre d’articles, mais la quantité est moindre. Il faut vraiment avoir un oeil de lynx pour constater que le prix au kilo, lui, s’envole !

Cette pratique est aussi ancienne que les marchands du Temple de Jérusalem. Mais selon l’enquête de l’associatio­n Foodwatch, relayée par le magazine Challenges (1), elle devient monnaie courante. Certaines marques s’offrent même le luxe de diminuer les contenus tout en dopant les tarifs unitaires. Foodwatch épingle ainsi le sirop de grenadine Teisseire qui a perdu 20 % de volume en trois ans, alors que son prix au litre a bondi de 37 %. Ou l’eau gazeuse Salvetat de Danone, qui impose à ses bouteilles une cure de minceur de 8 % pour un prix au litre en hausse de 15 %. Kiri, St-Hubert, Saint-Louis et Lindt sont également pointées du doigt. Tant que ce phénomène ne concernait que la longueur des mini-jupes ou la taille des maillots de bain, nul ne s’en plaignait. Mais désormais, la volonté de tromper le chaland est manifeste puisque rien, bien sûr, ne vient signaler à l’acheteur que son contenant habituel a été « allégé ».

Olivia Grégoire, ministre déléguée au Commerce, a poussé un coup de gueule sur Twitter : «Onnejoue pas avec le portefeuil­le des Français ! » Elle aurait pu, tout aussi efficaceme­nt, s’insurger contre la chaleur persistant­e qui décourage l’achat des manteaux d’hiver. Car dès lors que le prix au kilo est affiché, la shrinkflat­ion n’est pas illégale. Juste moralement critiquabl­e.

Si les pouvoirs publics sont impuissant­s, il revient aux consommate­urs de se mobiliser pour dénoncer cette façon de duper la clientèle. Fustiger ceux qui se sucrent en limitant les morceaux de cassonade. Et fondre sur les carreaux en moins pour ne pas, in fine, se retrouver chocolat.

« Il faut vraiment avoir un oeil de lynx pour constater que le prix au kilo, lui, s’envole ! »

1. Challenges N° 759 du 20 octobre dernier.

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