Ce témoignage gênant pour un proche du terroriste
« Posé », « calme », mais « complotiste » et « paranoïaque » : au procès de l’attentat du 14-Juillet, un ex-ami de Walid brosse un portrait embarrassant de l’un des principaux accusés.
Cette fois, ça y est : les projecteurs se tournent vers les accusés. Au terme de la huitième semaine de procès dans l’attentat du 14 juillet 2016 à Nice, les débats s’orientent vers le rôle potentiel des huit accusés.
Hier, un témoin a livré un portrait paradoxal, sinon embarrassant, d’un proche du terroriste. Depuis le 5 septembre, la cour d’assises spéciale de Paris a retracé l’enquête, entendu les parties civiles, évoqué la sécurisation de la Prom’, plongé dans la tête du tueur. Désormais, les regards se tournent vers le box où sont détenus trois accusés, et les rangs de la défense, où quatre autres comparaissent libres. C’est le cas de Mohamed Ghraieb, alias Walid. Les apparences sont trompeuses. Walid est l’un des trois accusés poursuivis pour association de malfaiteurs terroristes. Il a nié toute implication dans l’attentat. Ce vendredi, il écoute l’audition de Saber. Ce Tunisien âgé de 38 ans a fréquenté Walid à M’Saken, puis à Nice. Tout comme Mohamed Lahouaiej-Bouhlel, le futur tueur au camion.
Un pistolet entre les mains
Ils avaient sympathisé «aubled», dans une salle de sport. Ils se retrouvent en France en 2012. Dès lors, ils se voient chaque semaine, y compris avec la femme de Walid. « C’est quelqu’un de calme, posé, sans problème. »
La cour d’assises spéciale de Paris a entendu un témoin de premier plan, ce vendredi.
Sans problème, mais pas tranquille. Walid est alors réceptionniste dans un hôtel proche de la gare Nice-Thiers. « Une fois, dans la voiture, il me dit qu’il possède une arme. Au cas où il y ait des problèmes. Elle était sur son siège. Et il me l’a montrée. »
Saber l’a touchée. « Elle était lourde... »
La voici, justement, placée sous scellé. « Vous pouvez la prendre », lui lance le président Laurent Raviot. L’huissier tend le pistolet automatique à Saber. Puis le chargeur. Puis les munitions. Le témoin confirme : c’est bien l’arme que lui avait montrée
Walid. L’arme que Walid aurait tenté de vendre à Mohamed Lahouaiej-Bouhlel – ce que conteste l’intéressé. Mais pas l’arme avec laquelle le terroriste tirera sur la police la Prom’.
« Instable comme Salmane »
En «2013ou2014» , Saber coupe les ponts avec Walid. Il est passé le voir sur son lieu de travail, l’a trouvé « très énervé ». Walid reprendra contact pour lui demander de l’argent, en 2016. L’année de l’attentat.
Le président Raviot trouve ce témoin « très neutre, par rapport à ce qu’ [il disait] sur Walid » .En garde à vue, Saber l’avait qualifié « d’instable comme Salmane [deuxième prénom de Mohamed Lahouaiej-Bouhlel], paranoïaque », en voulant à la Terre entière. Au point de « dresser le même portrait » des deux. Au point de « l’associer » implicitement à son crime. Embarrassé, Saber ne confirme qu’en partie. « Il était complotiste. Je dis qu’il était paranoïaque parce qu’il profite d’un système et le critique. » Le président Raviot le relance : « Est-ce qu’il parlait des attentats ? » Saber hésite, s’embrouille. Puis affirme que
Walid « était content », après Charlie et le 13-Novembre.
«Onvoussent malàl’aise»
Pour Saber, le réceptionniste tunisien était mécontent de son sort en France. Mais « rien à voir avec la religion. Ils ne parlaient pas religion, tous les deux ». Walid aurait-il néanmoins pu influencer Salmane ? « Peut-être ,répond Saber. Walid c’est quelqu’un qui a ses idées, et qui peut influencer les autres. Mais je pense qu’il n’était pas au courant des projets du terroriste. »
Après l’attaque, en revanche, Saber a aussitôt compris. « Quand j’ai vu le camion, que j’ai vu son attitude, j’ai dit à ma femme : Je pense que c’est Salmane qui a fait ça. »
Saber se présentera spontanément à la police, « pour éviter une perquisition » à ses proches. Saber a-t-il accablé Walid par jalousie, comme le soutenait ce dernier ? Ou à cause de bagarres anciennes, comme le rappelle Me Vincent Brengarth, avocat de Walid ? « On s’est disputés comme des gens normaux », relativise Saber, sous le regard de Walid, tout proche.
« Je vous sens un petit peu mal à l’aise, lui fait remarquer le président. Comment l’expliquezvous ? » Saber répond, en se tenant les côtes : « Depuis, je suis stressé. Je n’ai plus d’ami. Je ne fais plus confiance aux autres. »