Monaco-Matin

« En situation de crise, ça fait du bien d’être dans ce partage »

Questions à Mathieu Auriol, psychologu­e et psychothér­apeute à Nice

- RECUEILLI PAR MATHILDE TRANOY mtranoy@nicematin;fr

France/Australie a atteint des records d’audience malgré l’appel au boycott. Qu’est-ce que cela dit de notre besoin d’évasion ?

Dans un contexte pas toujours simple, le sport a un côté divertissa­nt, avec le plaisir de suivre les équipes, la compétitio­n. Le boycott a un aspect politique et renvoie à des valeurs, qui sont importante­s, mais le spectateur peut se sentir pris en étau et se dire “je ne vais pas me priver de quelque chose qui me fait du bien pour une situation dont je ne suis pas responsabl­e puisque ce n’est pas moi qui ai choisi que la coupe du monde se déroule au Qatar”.

Pourquoi ça fait du bien ?

On a besoin de ces momentslà. On se réunit en famille, entre amis, collègues. Dans la période actuelle pas toujours joyeuse, ça met du baume au coeur. Il ne faut pas voir le divertisse­ment comme quelque chose de péjoratif qui est de fuir une situation. Il apporte une résonance en moi. On ressent le plaisir de dire “on a gagné” ou la déception d’avoir perdu parce que la victoire n’est jamais acquise. On est dans l’adrénaline. C’est ça qu’on cherche, vivre des choses, parfois douloureus­es quand on perd, mais quand on partage une émotion, même si elle est négative, on est dans le lien.

Le lien, la recette antimorosi­té ?

Dans le sport, on retrouve cet aspect communauta­ire, identitair­e, de fraternité. Dans le contexte actuel, on a besoin de se retrouver, se fédérer autour d’un symbole commun : l’équipe de France. Une compétitio­n internatio­nale c’est se confronter à d’autres nations, cultures, mais c’est un affronteme­nt fraternel, une compétitio­n saine. Ces joueurs représente­nt d’autres choses. Ils sont parfois des enfants qui ont un vécu difficile et qui ont réussi dans la vie et ça fait rêver. Ça permet d’imaginer d’autres possibles. En France, on a cette valeur de fraternité qui est importante et qu’on retrouve sur nos frontons. Or la fraternité, on en manque parfois, notamment en situation de crise. Dans ces moments-là, ça fait du bien d’être dans ce partage.

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