Les étranges conversations entre Chafroud et Bouhlel
Près de 1600 pages de conversations Facebook entre l’accusé et le terroriste au camion du 14 juillet 2016 à Nice ont été versées au dossier et épluchées par le président de la cour d’assises spéciale. Interpellant.
V «ous entendiez quoi par “graaaaaaaaaaaaaaa and” camion, avec 16 “a”, Monsieur Chafroud ? 19-tonnes ? [Comme celui de la Prom’, ndlr] »... Me Samia Maktouf estelle en train de faire basculer le procès de l’attentat du 14 juillet 2016 à Nice ? « La première fois que vous évoquez un camion, c’est le 11 mars 2016 ; les premières recherches de Bouhlel pour en louer un, datent du 25 mars 2016. Je vais être cash : êtes-vous l’instigateur de cet attentat ? », assène encore l’avocate des parties civiles. Debout dans le box des accusés, Chokri Chafroud, collé à la vitre, écoute la traduction de son interprète. « Non, je ne lui ai pas mis cette idée dans la tête, je ne l’imaginais pas faire ça, je n’imaginais pas qu’il fasse une chose pareille », répond l’accusé.
« Un attentat place Masséna ? »
Mardi, en fin d’après-midi, la cour d’assises spéciale de Paris s’est penchée sur des pièces récemment versées au dossier. Près de 1600 pages de conversations sur Facebook entre Chafroud et le terroriste. Des messages qui, à la lueur des faits, «et si on les lit à la file sont effrayants », relève de son côté Me Chalus. Qui bombarde : « Votre intention était-elle de commettre un autre attentat place Masséna ? ». « Impossible », lance l’accusé. « Je suis convaincue du contraire », tranche Olivia Chalus.
Méticuleusement, le président Laurent Raviot a épluché les milliers de messages que se sont envoyés les deux amis. Dont certains, n’ont pas été relevés lors de l’enquête. À l’audience, il en a extrait des passages. Glaçant. « Dans plusieurs de vos échanges, vous faites référence à la place Masséna ? », interroge-t-il.
« Oui, c’est l’une des plus belles places du monde », sourit l’accusé. « Vous écrivez : j’ai envie de réaliser mon rêve et monter à bord du tram à Masséna, que voulez-vous dire ? ».
Chafroud baisse la tête : « Il y avait un chantier, ils payaient 100 euros, c’était un rêve. » Laurent Raviot enchaîne : « Plus tard vous dites : “J’aimerais travailler à Masséna un samedi soir”. Mais on ne fait pas de travaux le week-end, c’est plutôt un soir de fête, non ? ». L’étrange obsession de Chafroud pour la place Masséna interpelle les avocats des parties civiles.
« Vous comprenez que l’on peut faire un lien »
Comme « son obsession » pour les poids lourds... lancés sur des gens. « Ce n’est pas vous qui avez pris le camion, c’est Mohamed Lahouaiej Bouhlel, mais vous comprenez que l’on peut faire un lien, et que s’il y a quelqu’un à qui il aurait pu se confier, c’est bien vous... Alors, pourquoi vous parlez de camion et de foncer dans la foule à quatre reprises dans un court intervalle ? » Chokri Chafroud toujours calme, hausse les épaules. « Jamais je n’aurais imaginé qu’il pouvait un jour faire du mal aux gens ».