Le carnaval de Nice CÉLÈBRE SES 150 ANS
On célèbre, cette année, le siècle et demi du lancement du grand événement niçois, le 23 février 1873. Coup d’oeil dans le rétro.
Soudain, sur la place de la Préfecture, apparut le char du Soleil. La foule, qui avait pris place sur des tribunes aménagées pour la circonstance, explosa en vivats. Des oriflammes étaient agitées aux fenêtres. Une pluie de confetti s’abattit sur le char. En ce 23 février 1873 le « nouveau carnaval » faisait son entrée dans sa bonne ville de Nice. C’était il y a cent cinquante ans. On célèbre cette année le siècle et demi de son lancement. La préfecture se trouvait alors dans le Palais Sarde. À cette époque, le corso carnavalesque suivait le cours Saleya, tournait sur la place de la Préfecture et repartait par la rue SaintFrançois de Paule. Il se déroulait dans ce qu’on appelle le « Vieux Nice ». Derrière le char du Soleil suivaient ceux de la « Marmite du Diable » et de l’ « Olympe » (avec Vénus et Jupiter en personne, s’il vous plaît !) ainsi que les quatre cavalcades des « Carabiniers d’Offenbach », des « Brigands », des « Mousquetaires » et des « Templiers ». On entendait le piétinement métallique des sabots ferrés des chevaux sur le sol. Les cavaliers étaient dotés d’uniformes et de bonnets carnavalesques. Les Niçois accueillaient leur nouveau carnaval, mais la fête, elle-même, était ancienne.
Dès le XIIIe siècle
On en trouve trace dès 1294 lorsque le comte de Provence Charles II, duc d’Anjou, vint y « passer des jours joyeux ». Des bals s’y déroulaient à tout va – bals de la noblesse, des marchands, des artisans, des pêcheurs et des ouvriers. L’Église interdisait aux prêtres « de danser, de regarder danser, de porter des cheveux longs, une barbe, des masques et des souliers rouges ou vert ! »
Peu à peu, avec le temps, des cortèges de voitures à chevaux apparurent. L’histoire de Nice se souvient de celui de 1821 lorsque la Cour de Sardaigne vint passer les fêtes à Nice ; de celui de 1830 qui se déroula en présence du duc de Savoie CharlesFélix ; de celui de 1856 qui eut lieu devant la mère du tsar de Russie Alexandra Feodorovna. Après l’annexion de Nice à la France en 1860, la fête fut encore plus belle. Mais la guerre de 1870 l’éteignit. De même, la période trouble qui suivit, au cours de laquelle Garibaldi voulut faire revenir Nice à l’Italie, lui fit perdre sa joie.
Il fallait redonner à Nice l’envie de la fête ! Un homme s’y employa. Ce fut Andriot Saëtone
Création du comité des fêtes
Il fallait redonner à Nice le goût de la fête ! Un homme s’y employa. Ce fut Andriot Saëtone. Ce responsable du secteur social et des orphelins à la Préfecture, qui fut par ailleurs consul de Grèce et consul d’Argentine mourut jeune, à l’âge de 49 ans. Il eut pourtant le temps de créer à Nice, en 1873, le comité des fêtes. Convainquant le maire Auguste Raynaud qu’il fallait « rendre à Nice son ancienne splendeur », il créa un « grand carnaval », ainsi que le raconte Annie Sidro dans ses indispensables ouvrages sur le sujet. Le comité des fêtes comprenait des nobles niçois et des membres de l’importante colonie étrangère : les comtes d’Aspremont, Arson de Saint -Joseph, Garin de Cocconato, Diesbach (dont la villa se trouvait à l’emplacement de l’actuelle Villa Masséna), le baron Roissard de Bellet, le banquier Avigdor (dont la splendide villa trônait au milieu de la Promenade des Anglais), le noble Léonard Rozy qui hébergeait la famille du tsar lors de ses séjours niçois dans sa Villa Peillon (actuelle clinique du Parc Impérial).
Pour faire vivre le carnaval, on fit aussi appel aux dotations étrangères. C’est ainsi que la Société des Bains de Mer de Monaco apporta une contribution financière qui devint, avec les années, aussi importante que celle de la Ville de Nice. Cela faisait dire au Journal de Monaco que « le carnaval était autant monégasque que niçois ». Cette participation financière faillit être compromise lorsqu’en 1877 François Blanc, créateur du Casino de Monte-Carlo, apprit qu’il allait être caricaturé sur un char de carnaval. On dut retirer le char pour ne pas perdre la subvention.
Toute allusion religieuse prohibée
En 1873, la municipalité niçoise, inquiète des débordements que pouvait susciter l’arrivée du nouveau carnaval, prit cet arrêté : « Les personnes qui prendront part aux amusements ne pourront lancer que des fleurs ou des dragées de petite taille... Il est interdit de lancer tout objet qui puisse blesser, endommager ou salir les vêtements tels que des oeufs remplis de quelque matière que ce soit... Toute allusion politique, religieuse ou militaire est rigoureusement interdite et tout déguisement qui pourrait blesser la décence ou les moeurs... » Le Journal de Nice du 24 février 1873 s’éblouit. Bien avant notre actuelle spécialiste du carnaval à Nice-Matin, Christine Rinaudo, le chroniqueur de l’époque raconte : « Les cavalcades ont fait dans la foule un merveilleux effet. On lance des fenêtres, des tribunes, des torrents de confetti, c’est une vraie bataille... Le soir, la ville et le château illuminé n’étaient qu’un ruban de feu. » Le nouveau carnaval de Nice était lancé !