Le procès de Pinar Selek à Istanbul renvoyé
La sociologue et écrivaine Pinar Selek, enseignante à Nice, réfugiée en France depuis 15 ans et quatre fois acquittée, a vu son procès renvoyé au 29 septembre.
La justice turque, qui s’acharne à vouloir rejuger la franco-turque Pinar Selek, a renvoyé hier son procès au 29 septembre et réclamé son extradition.
« Nous avons demandé son extradition aux autorités françaises, c’est à elles de la faire respecter », a déclaré le juge du tribunal d’Istanbul au terme de trois heures d’audience, en l’absence de l’intéressée mais devant un prétoire comble, où l’important comité de soutien à la chercheuse avait pris place. D’ici au 29 septembre, les élections présidentielle et législatives prévues le 14 mai risquent néanmoins de voir une nouvelle équipe portée au pouvoir en Turquie.
Infatigable militante féministe et défenseure des droits humains
Depuis un quart de siècle, l’infatigable militante féministe et défenseure des droits humains et des minorités est réfugiée en France pour échapper à l’insistance judiciaire qui la cible dans son pays. Pinar Selek, qui suivait l’audience depuis le siège de la Ligue des droits de l’Homme à Paris, a de nouveau dénoncé par visioconférence « le caractère politique » de ce procès.
« Cette décision (du tribunal) met la responsabilité sur les épaules de la France et de l’Europe en demandant mon extradition. L’acharnement continue, la France et d’autres pays européens doivent prendre une position très ferme sans attendre que les choses s’aggravent » a-t-elle ajouté en demandant à Paris « d’affirmer une position nette et ferme dans cette affaire ».
Des travaux sur les Kurdes
La chercheuse de 51 ans, arrêtée en 1998 pour ses travaux sur la communauté kurde, a été ensuite accusée de liens avec le Parti des Travailleurs du Kurdistan (PKK, considéré comme organisation terroriste par Ankara et ses alliés occidentaux) puis d’avoir participé à un « attentat » – en réalité une explosion accidentelle qui avait fait sept morts en 1998 sur le marché aux épices d’Istanbul. Son père, avocat âgé de 93 ans, et sa soeur Seyda Selek, devenue avocate pour la défendre, étaient présents sur les bancs de la défense au côté d’avocats venus de France, de Paris et de Marseille.
« Nous pensons que l’acquittement déjà prononcé à quatre reprises par le passé le sera de nouveau », assène tout d’abord Me Akin Atalay notant qu’une « telle affaire est exceptionnelle dans une carrière ». Mais le procureur n’en démord pas et demande au tribunal de respecter la décision de la Cour suprême qui avait annulé le quatrième acquittement prononcé en 2014.
« Nous souhaitons vivement que ce
parcours judiciaire, cette traque judiciaire depuis 25 ans, un quart de siècle, cesse... On n’est pas quatre fois déclaré innocent par hasard, Pinar Selek a été par quatre fois déclarée innocente. Il faut aujourd’hui que tout cela cesse », a plaidé l’avocate française, Françoise Cotta.
Mandat d’arrêt international
Une centaine de personnes venues de France, Suisse, Belgique, Allemagne, Italie, Norvège – parlementaires, élus, avocats, représentants d’organisations de défense des droits humains,
universitaires – ont fait le voyage d’Istanbul en soutien à l’universitaire et romancière. Après deux ans et demi de prison, maintes fois condamnée et quatre fois acquittée – en 2006, 2008, 2011 et 2014 – Pinar Selek ne s’attendait pas à ce que son cas revienne une fois de plus devant la justice. Mais en juin l’année dernière, la cour suprême a annulé la totalité des acquittements, puis un nouveau mandat d’arrêt international a été lancé en janvier, assorti d’un mandat d’emprisonnement immédiat.