Monaco-Matin

« Venez vous soigner à Monaco ! »

Une grande campagne est lancée au milieu des années 1860 pour préférer Monaco aux autres stations thermales ou balnéaires comme Naples ou Madère.

- ANDRÉ PEYREGNE

C’est au cours de la décennie 1860 que Monte-Carlo a pris son essor. Le casino, les hôtels, le chemin de fer : rien n’était trop beau pour attirer les touristes ! Mais il y avait aussi un argument sanitaire. C’est à ce sujet que, dans son édition du 15 mars 1868, le Journal de Monaco lança une campagne publicitai­re, en développan­t des arguments propres à l’époque, dont certains font sourire aujourd’hui.

« Monaco sans rival »

Le premier attrait était celui du climat : « C'est un grave et sérieux sujet de préoccupat­ion pour les médecins conscienci­eux que le choix d'un climat favorable où les malades qui, pendant la saison d'été, ont fait une cure d'eaux minérales, puissent aller en recueillir le bénéfice à l'abri des atteintes de l'hiver. Les endroits consacrés par l'usage, ou plutôt par la routine, offrent tous plus ou moins d'inconvénie­nts. Naples est bruyant, Madère est bien loin, Pau trop souvent visité par le vent glacial des Pyrénées. La question de l'hivernage des valétudina­ires restait donc depuis, longtemps indécise. Une société intelligen­te s'est chargée de la résoudre en créant à Monaco un établissem­ent qui, désormais est sans rival en Europe. »

Végétation des tropiques

Autre attrait, la qualité de l’environnem­ent : « Monaco est un coin de terre privilégié que la nature a comblé de ses trésors, que les frimas n'ont jamais attristé. Rien de plus étrange que l'aspect de cette ville « incrustée » aux flancs d'un rocher surplomban­t la mer; où dans chaque crevasse fleurit un jardin, où de chaque trou s'élance un vieux figuier noueux, courbé sous ses fruits. Rien de plus délicieux que ce rivage embaumé, où les rosiers, les grenadiers, les lauriers-roses, les orangers et. les citronnier­s font étinceler en toute saison leur brillante parure de fleurs et de fruits.

Accoudé nonchalamm­ent à la fenêtre d'une de ces blanches maisons que l'humidité n'a jamais déshonorée­s de ses verts stigmates, vous laissez errer votre regard ravi sur le splendide paysage qui se déroule devant vous. On dirait que le souffle ardent et mystérieux de l'Afrique a fécondé cette plage fortunée où s'épanouit dans toute sa magnificen­ce luxuriante une végétation des tropiques : palmiers aux sveltes colonnette­s surmontées d'un verdoyant parasol, néfliers du Japon aux fruits jaunes et acidulés, azeroles et jujubes qui pleuvent à terre avec les fleurs d'oranger qui se dessèchent sur un tapis de violettes de Parme. »

Précieux farniente

Il faut ajouter à cela la quiétude du lieu : « Il n'est pas de spleen qui résiste à l'influence de ce doux climat. La nostalgie y est inconnue, et Mignon n'y regrettera­it pas la patrie absente.

Dans ce pays aimé du ciel on rêve peu et on pense encore moins; on y pratique dans toute sa réalité ce précieux farniente si salutaire aux malades ; on y vit un peu à la façon des plantes qui s'épanouisse­nt et prospèrent au soleil.

L'air est si pur, si sain, à Monaco, grâce à l'absence des marais, des brouillard­s et des vents froids, que les habitants y atteignent généraleme­nt la plus extrême vieillesse. La vie végétative qu'on y mène, en s'enivrant d'air, de soleil, de brise et de parfums, fait des centenaire­s avec des asthmatiqu­es et des poitrinair­es. »

Lieu de confort et de délices

Mais on apprécie surtout la qualité des établissem­ents de mer :

« La Société des Bains de Monaco s'est appliquée à réunir dans cette oasis tout ce qui peut en faire un lieu de confort et de délices. Bains de mer ouverts toute l'année, Casino somptueux, artistes d'élite de tous genres engagés pour se succéder, villas élégantes construite­s au milieu de bosquets d'orangers, tout

enfin a été combiné pour que, l'art aidant la nature, Monaco devienne un véritable Eldorado et le rendezvous de toute l'aristocrat­ie européenne. La partie sanitaire a été aussi l'objet des soins les plus attentifs. L'établissem­ent des bains, dirigé par M. le docteur GillebertD­hercourt, permet aux malades de commencer ou de continuer à Monaco leur traitement thermal. Ils pourront même, selon la nature de leur affection, la compléter par une médication particuliè­re appliquée souvent avec succès, la cure des oranges ».

Un pays à la mode

Enfin, la facilité des moyens d’accès : « Le voyage de Monaco, déjà très facile par le Charles III , steamer des mieux aménagés, va le devenir encore plus grâce au chemin de fer.

La foule se rend à Monaco comme on va à Bade, à Ems, à Hombourg. On y trouve les mêmes plaisirs, le même bien-être, et de plus, ce qui est inapprécia­ble, un climat enchanteur et vivifiant et une températur­e toujours égale. La Principaut­é est désormais un pays à la mode. Déjà plusieurs écrivains distingués, Mme Charles Reybaud, Prosper Mérimée, Alexandre Dumas, le marquis de Belloy, Alphonse Karr, Paul Lacroix, le baron de Bazancourt, Toppfer, Alfred de Musset, Théodore de Banville etc., l’ont tour à tour habité et visité. Tous en sont revenus charmés et avec le désir de le revoir, tous répètent à l’envi : c’est là qu’il fait bon vivre et finir ses jours, d’autant plus qu’on les y finit beaucoup plus tard que partout ailleurs. »

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(DR) Les Thermes de Monaco au XIXème

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