Borne-Cresson, même combat
Ce sera officiel demain : la Première ministre Élisabeth Borne aura tenu aussi longtemps à Matignon qu’Édith Cresson, première femme à occuper ce poste en 1991. Avec autant de problèmes à gérer...
Dix mois et dix-huit jours. Demain, Élisabeth Borne égalera le record d’Édith Cresson à Matignon. « La méthode sera celle de la concertation et du dialogue pour rechercher les majorités les plus larges ». Ce n’est pas Élisabeth Borne qui prononce ces mots mais la socialiste Édith Cresson, nommée « Premier ministre » le 15 mai 1991. Car les deux femmes sont confrontées à la même difficulté : l’absence de majorité absolue à l’Assemblée nationale, même s’il ne manquait que quelques députés à Édith Cresson.
Pour faire passer des textes, elles doivent convaincre au-delà de leur camp ou, à défaut, utiliser le 49.3, qui permet l’adoption de projets sans vote. Édith Cresson a utilisé cette arme constitutionnelle 8 fois, Élisabeth Borne 11 fois, y compris pour faire passer la très contestée réforme des retraites. Demain, son bail rue de Varenne aura donc atteint celui d’Édith Cresson. Une échéance regardée de près par l’Élysée : envisager un remplacement avant ce terme aurait été « dramatique dans le souvenir que ça laisserait », note un conseiller.
« Certains disaient : Borne va être cressonnisée »
Contrairement à Édith Cresson, attaquée dans sa gestion y compris par les « éléphants » du PS sur fond de « machisme », Élisabeth Borne n’a pas déplu à sa majorité. « Certains disaient : Borne va être cressonnisée. Eh bien pas du tout, il y a zéro question sur sa dimension à gérer la fonction », saluait en février un proche d’Emmanuel Macron. Après le 49.3, l’ancien chef du gouvernement Édouard Philippe l’a même réconfortée : « Je sais ce que c’est d’être Premier ministre, une autre peut le dire aussi. Ce n’est pas facile, je suis admiratif ». Si Élisabeth Borne devait quitter Matignon, « il faudra la juger sur son action politique et pas sur son sexe », insiste un cadre de la majorité.
La sénatrice socialiste Laurence Rossignol considère qu’ «on a beaucoup progressé » depuis Édith Cresson, car « en tant que Première ministre, Élisabeth Borne peut être critiquée, mais elle est respectée en tant que femme ». En l’occurrence,
elle n’a pas été comparée à son arrivée à la marquise de Pompadour comme Édith Cresson, dont la nomination par François Mitterrand, pour remplacer Michel Rocard, avait été vue y compris au PS comme le fait du prince.
Quand Élisabeth Borne reçoit Édith Cresson à Matignon le 8 novembre, les deux femmes estiment que « les choses ont insuffisamment évolué » sur l’égalité, et qu’une femme à Matignon « ne devrait plus être une source d’étonnement ». En trente ans, le gouvernement est devenu paritaire mais seules 5 femmes sur 21 y sont ministres de plein exercice.
La colère « se cristallise sur Emmanuel Macron »
La fougueuse Édith Cresson multipliait faux pas et propos imprudents. Quand François Mitterrand s’en sépare le 2 avril 1992 pour nommer Pierre Bérégovoy, « c’est positif pour le président », explique l’historien Jean Garrigues.
Car le mécontentement la visait davantage que le chef de l’État qui « restait plus à l’abri ». Aujourd’hui, la colère des manifestants « se cristallise sur Emmanuel Macron » si bien que « la présidence jupitérienne pourrait valoir une plus grande longévité ».