Grasse : cette artiste funéraire donne des couleurs à la mort
Dans le quartier de Magagnosc, Eva Pierrot, conseillère indépendante pour familles endeuillée, est devenue aussi artiste funéraire. Avec ses aquarelles, elle tente de rendre la mort moins sombre.
Parce que les mots ne suffisent pas à apaiser la douleur. Parce qu’un dessin est aussi un recours pour signifier l’inexprimable. Parce que la mort est suffisamment sombre, pour ne pas l’habiller de quelques couleurs.
C’est sans doute pour tout cela qu’Eva Pierrot est devenue artiste funéraire. Un intitulé qui peut rendre circonspect, alors que l’objet de ses inspirations est éternellement tabou. Mais avec son crayon et ses aquarelles, cette Grassoise tente de mettre du baume au coeur des proches, à défaut de ressusciter un défunt.
Des oiseaux sur fond de ciel illuminé, « pour la symbolique évidente de l’envol », la mer « pour son horizon infini », des fleurs pour « l’idée de la renaissance, du retour à la terre, et du cycle de vie », ou encore des bougies allumées pour « une lueur qui perdure. »
Douceur et poésie pour apaiser la douleur
Tels sont les thèmes qu’Eva explore pour les imprimer sur une plaque mortuaire. Avec une exigence éthique et esthétique. Des illustrations préconçues ou bien personnalisées à la demande, qu’un fabricant normand insère entre socle de granit et plexiglas de qualité. « Les gens apprécient
énormément les couleurs, la douceur et la poésie de mes créations. Ça change des plaques grises en granit, tristes et austères, et beaucoup éprouvent davantage
de plaisir à se recueillir, défend Eva, voix douce et regard bleu clair horizon. Les gens n’aiment pas évoquer la mort, mais parallèlement à la souffrance, on peut
essayer de mettre un peu de beauté sur le repos de nos défunts. »
La mort, Eva tente de l’apprivoiser. À tel point qu’elle en a même fait son métier. Après de nombreux voyages, de retour à Magagnosc, elle est devenue conseillère funéraire. Pour aborder l’ultime rivage à sa manière.
Une belle illustration malgré l’interrogation
« J’accueille les familles et je les aide à organiser les obsèques. Côtoyer la mort au quotidien, même s’il y a toujours la peur de l’inconnu, me permet sans doute de dédramatiser, de l’appréhender avec davantage de sérénité… »
De son besoin essentiel, quasi existentiel, de dessiner (« Je m’y suis mise dès que j’ai su tenir un crayon, c’est mon troisième poumon ! »), Eva a puisé l’inspiration pour célébrer la vie, même après la mort. « Être artiste funéraire me permet de lier ma créativité à mon activité. Quant à se dire qu’il n’y a plus rien après la mort, ce n’est pas possible pour moi. Il y a forcément quelque chose, même si ça reste un gros point d’interrogation. »
À sa façon, par ses illustrations, Eva apporte sa réponse à la question. Et pour sa propre disparition, quelle illustration ?
« Ah, ça demande réflexion… Je dirais peut-être des aurores boréales, pour le côté magique, mais aussi éphémère… »