Les indépendantistes au pouvoir en Polynésie
Ils ont remporté les élections territoriales, ce qui leur garantit les rênes de la collectivité du Pacifique Sud pendant 5 ans et ouvre la voie à un référendum d’autodétermination.
La liste du parti Tavini huiraatira dirigée par l'ex-président du gouvernement Oscar Temaru a obtenu 44,3 % des voix au second tour et, grâce au mode de scrutin, une majorité absolue de 38 des 57 sièges de l'Assemblée territoriale, selon les résultats provisoires du Haut-commissariat de la République en Nouvelle-Calédonie. Elle a devancé celle du président sortant autonomiste Édouard Fritch, créditée de 38,5 % des suffrages (16 sièges) et de l'ancien vice-président autonomiste Nuihau Laurey (17,1 % des voix et 3 sièges), selon ces résultats.
En position de force
Le parti d'Oscar Temaru, 78 ans, doit présenter le 10 mai la candidature du député modéré Moetai Brotherson, 51 ans, au poste de président du gouvernement. Cette nette victoire place le camp indépendantiste en position de force face à l'État français pour négocier un référendum d'autodétermination de ce territoire, grand comme l'Europe, de cinq archipels éloignés de 17 000 km de Paris.
Vers un processus de décolonisation ?
S'ils ont surtout fait campagne sur le pouvoir d'achat, les indépendantistes ont aussi dit qu'ils souhaitaient lancer un processus de décolonisation.
« Nous n’allons pas être indépendants demain ni la semaine prochaine », a assuré M. Brotherson après sa victoire. « Je n’ai aucun problème à travailler avec l'État et ça ne va pas changer demain », a poursuivi l’élu, figure de l'aile modérée de son parti.
Darmanin prend acte de ce choix
« Les Polynésiens ont voté pour le changement. Le gouvernement prend acte de ce
choix démocratique » ,a réagi le ministre de l'Intérieur Gérald Darmanin sur Twitter. « Nous travaillerons avec la majorité nouvellement élue avec engagement et rigueur, pour continuer d'améliorer le quotidien de
nos concitoyens polynésiens ».
La France a toujours refusé d'organiser un référendum d'autodétermination dans cette collectivité ultra-marine.
C'est, du reste, la première fois que les indépendantistes disposent d'une majorité solide à la tête de la Polynésie. Renversés au gré des alliances et des ruptures entre 2004 et 2013, ils n'ont jamais conservé le pouvoir pendant un mandat complet.
Reports de voix bénéfiques
Depuis l'autonomie interne de 1984, les autonomistes ont exercé le pouvoir de manière quasi continue en dehors de ces neuf ans d'instabilité. Le sortant Édouard Fritch, 71 ans, en poste depuis 9 ans, était déjà ministre dans le gouvernement de 1984. Après avoir raflé les trois sièges de députés attribués à la Polynésie lors des législatives de 2022, les indépendantistes ont largement profité des reports de voix des partis éliminés au 1er tour du scrutin le 16 avril, qui ont tous fait campagne contre Édouard Fritch. Leur liste était arrivée en tête avec 34,9 %, contre 30,46 % à celle de M. Fritch et 14,53 % à celle de M. Laurey. Une partie des électeurs a imputé la forte inflation subie par la Polynésie en 2022 (8,5 %) à Édouard Fritch, qui a instauré une nouvelle TVA. Il avait joué son va-tout en s'alliant au lendemain du 1er tour avec Gaston Flosse, son ancien mentor et ex-beau-père, avec lequel il était brouillé. Condamné à de multiples reprises et inéligible, Flosse, 91 ans, longtemps considéré comme le maître incontesté de la Polynésie, n'a pu participer au scrutin. Mais la liste conduite par son parti (11,88 %) est passée tout près du score requis (12,5 %) pour se qualifier au second tour. « Notre pays est autonome et nous nous battrons pour qu’il reste ainsi au sein de la République, a commenté M. Fritch. L’indépendance, ce n’est pas l’avenir de ce pays ».