Monaco-Matin

Laurent Gerra COW-BOY À L’HUMOUR VACHE

Passionné de western, l’humoriste est venu aux Rencontres cinématogr­aphiques de Cannes présenter les films hommage au regretté Max von Sydow, mais aussi un documentai­re sur James Stewart, auquel il prête sa voix.

- ALEXANDRE CARINI acarini@nicematin.fr

Il a quitté la Normandie pour débarquer sur la Croisette par la première « diligence ». Laurent Gerra tournait là-haut dans « Un père idéal », pour France 2, aux côtés de son pote Eddy Mitchell. Deux « frères d’armes » amoureux fous du western. Dalton de la déconne !

Mais l’humoriste était prêt à se mettre en selle dans une nouvelle chevauchée fantastiqu­e pour répondre à l’appel des Rencontres cinématogr­aphiques de Cannes (RCC). D’abord pour rendre hommage à son regretté ami Max von Sydow, immense comédien dont il a présenté trois films. Mais aussi parce qu’il prête sa voix off au documentai­re sur James Stewart, « L’Ami américain », qui fut aussi bien l’antihéros de Capra ou Hitchcock qu’un cow-boy torturé chez Anthony Mann.

En pleine écriture de son prochain spectacle, celui qui, tel Lucky Luke, dégaine les vannes plus vite que son ombre sur RTL, ne rate jamais la dernière séance des RCC. Interview bang ! bang ! avec un imitateur wanted par certains bienpensan­ts, qui flingue à tout va pour nous laisser mort de rire.

Vous dites, ‘‘On aime James Stewart, mais aussi une certaine idée de l’Amérique...’’

James Stewart incarnait toutes ces valeurs que l’on retrouve dans les westerns : l’héroïsme, la famille, l’amitié, car c’était un vrai héros de la Seconde Guerre mondiale, avant d’être un cowboy chez Anthony Mann. Max von Sydow aussi cultivait de belles valeurs, et il aurait adoré jouer dans un western. C’est très émouvant pour moi de présenter à Cannes son dernier film, ‘‘Echoes Of The Past’’, en compagnie de son épouse.

Qu’est ce qui vous fascine tant chez James Stewart ?

Que ce soit avec Capra, Hitchcock, Anthony Mann, il a une palette très large, mais avec quelque chose de tout de suite identifiab­le dans son jeu. Sammy Davis Jr l’imitait bien avec cette espèce de maladresse et son petit défaut de prononciat­ion, mais son personnage me touche dans tous les registres.

« Dans mon chalet, un petit feu, un western, un whisky, et je suis le roi du pétrole ! »

À Hollywood, il est passé des comédies sociales ou romantique­s aux westerns violents et thrillers obsessionn­els. Comme vous qui jouez dans des films sombres, à contre-emploi comique ?

Ah, ça fait plus de trente ans que j’essaie de faire marrer, c’est peutêtre bien de changer un peu. Hélène Fillières m’a fait tourner dans ‘‘Confession’’, et maintenant dans ‘‘Un père idéal’’ pour France 2, où je joue un tenancier de bar accusé d’avoir tué sa fille. En réalité, je suis d’un naturel joyeux, mais comme acteur, on me propose toujours des rôles sombres, ambigus. J’aime ça, mais je ne cherche pas à tout prix à jouer mon ‘‘Tchao Pantin’’ ! (rires)

Et puis ce gendarme taciturne et pince-sans-rire dans ‘‘Noir comme neige’’ (2021, France 2) et ‘‘Morts au sommet’’, la suite (en octobre sur France 2) ?

Andreas Meyer, je l’aime bien. Il me correspond un peu par certains aspects. Comme lui, je n’aime pas trop la technologi­e, et d’ailleurs je n’ai pas d’ordinateur. Acteur, on est de la pâte à modeler, et j’aime bien être dirigé. L’essentiel, comme me l’a conseillé Max von Sydow, c’est de ‘‘toujours savoir où l’on en est du scénario’’.

Pourquoi cet amour du western ?

Jeune, c’était l’époque où l’on pouvait revoir des Sergio Leone au cinéma. Mais je n’étais pas fan du western du mardi soir à la TV, que je trouvais un peu trop propre. Je suis devenu collection­neur sur le tard [il cite notamment ‘‘La Chevauchée des bannis’’, ‘‘Le Retour du proscrit’’, ‘‘La Prisonnièr­e du désert’’, qu’il revoit une fois par an, mais aussi ‘‘Impitoyabl­e’’, ‘‘Salvation’’ ou ‘‘Dark Valley’’, ndlr]. Le western me conforte sur certaines valeurs universell­es mais aussi sur ce que je pense du genre humain, qui n’est pas toujours recommanda­ble. Je possède un chalet avec une salle de projection et un bar : un petit feu, un western, un whisky, et je suis le roi du pétrole ! (rires)

Au scénario de Lucky Luke (3 albums entre 2004 et 2014) avec Achdé au dessin, vous avez réalisé votre conquête de l’Ouest en BD ?

Ce fut un cadeau, avec des dessinateu­rs que j’adorais. J’ai essayé d’imiter le côté Goscinny d’Astérix, alors que Morris n’aimait pas les jeux de mots ! J’ai parlé de la francophon­ie et de Québec avec ‘‘La Belle

Province’’, rendu hommage à mon ami Lautner avec ‘‘Les Tontons Dalton’’. J’avais idée d’évoquer les frères Lumière dans un autre album, mais les gens de Dargaud ne se sont pas bien comportés.

Dans vos spectacles ou sur RTL, avec vos vannes, caricature­s et imitations, ce serait plutôt ‘‘Règlements de comptes à O.K. Corral’’ ?

Oh, c’est surtout un exutoire ! Mon prochain spectacle s’intitule ‘‘Laurent Gerra se met à table’’ et se passera dans un restaurant, pour une tournée en 2024. Il faut aller à l’encontre de la bienpensan­ce et rester soi-même. Mais faut le dire en rigolant, sans se poser en donneur de leçon. J’évoque notamment ce que j’appelle ‘‘les réseaux de cas sociaux’’, où il y a délation et fautes d’orthograph­e. Jadis, les mêmes auraient écrit à la Kommandant­ur...

Gerra... shérif ou hors la loi ?

Un peu les deux ! Je suis un bon citoyen, qui respecte la loi. Mais l’humoriste doit rester subversif, et bousculer les conscience­s.

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(Photo A. Carini) Laurent Gerra à Cannes.

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