La semaine vagabonde de Denis Carreaux
Lundi
Père la rigueur. Attention, mauvaises nouvelles en vue ! Dès que le visage de Bruno Le Maire apparaît au « 20-heures » de TF1, les Français se disent qu’il va leur faire les poches. Notre nouveau « père la rigueur », c’est lui. Quand Emmanuel Macron et ses collègues du gouvernement distribuent à tout-va promesses, millions, chèques, et subventions, le patron de Bercy serre les cordons de la bourse. Fossoyeur du « quoi qu’il en coûte », il réduit, coupe, supprime tout ce qui ressemble à une dépense supplémentaire. Lui qui avait déjà annoncé sur TF1 la hausse du prix de l’électricité nous prévient : il va falloir aller chercher 10 milliards d’euros d’économies. Une paille ! Du haut de sa citadelle de Bercy, Bruno Le Maire est convaincu que son sérieux et sa crédibilité en France comme sur la scène internationale rassureront les Français le moment venu. Pour cela, il doit rapidement démontrer sa capacité à juguler la dérive budgétaire insensée d’un État qui accuse plus de 3 000 milliards de dettes.
Mardi
Ennemis de la France. À l’en croire, l’imam tunisien de Bagnols-sur-Cèze serait une sorte de Gaston Lagaffe des mosquées. La main sur le coeur, Mahjoub Mahjoubi invoque «un lapsus », « une méprise » et « une maladresse » au sujet des prêches qui lui valent une menace d’expulsion de la part du ministre de l’Intérieur. S’il a fustigé « les drapeaux tricolores qui nous gangrènent », ces étendards « sataniques », ce n’est pas pour attaquer la France, mais pour évoquer les bannières des supporters de foot de la Coupe d’Afrique des nations… Idem pour ses saillies sur les femmes, inférieures et vénales, ou sur sa haine des Juifs. Au-delà des justifications risibles d’un imam qui crache sa haine de la France, cette affaire marque un tournant. Désormais, c’est tolérance zéro, y compris pour un imam installé dans notre pays depuis 35 ans, marié à une Française et père de onze enfants scolarisés. Le message est on ne peut plus clair : les ennemis de la France n’y ont tout simplement plus leur place.
Mercredi
À vous dégoûter du train. Entre grèves à répétition, billets hors de prix et conditions drastiques imposées aux usagers, la SNCF a de plus en plus de mal à nous faire préférer le train. Sa dernière idée de génie, mise en oeuvre en toute discrétion : limiter le nombre et la taille des bagages à bord, comme sur les compagnies aériennes low-cost. Dans les TGV Inoui et les Intercités, il faut dorénavant s’en tenir au strict minimum : un bagage cabine et un bagage à main. Si ce n’est pas le cas, une amende de 50 euros sera appliquée à partir du 15 septembre. De nouvelles dispositions qui devraient conduire certains à préférer à nouveau la voiture. Un sacré progrès.
« Le message est on ne peut plus clair : les ennemis de la France n’y ont plus leur place. »
Jeudi
Juppé tout en sagesse. Retrouvailles avec Alain Juppé sur le plateau de « Face aux territoires » sur TV5 Monde. Notre dernière rencontre, c’était en 2016 à l’occasion d’un « Face aux lecteurs » à Toulon, pendant la campagne pour la primaire de la droite. À l’époque, devancé par François Fillon, l’ex-Premier ministre nous était apparu désabusé, avec le petit air triste de celui qui sent poindre la défaite. Huit ans après, l’échec n’est pas tout à fait digéré. « Si j’avais gagné, je serais président de la République », lâche Alain Juppé, qui n’en « veut à personne » mais a préféré tourner la page de la politique. Membre du Conseil constitutionnel depuis cinq ans, l’ex-maire de Bordeaux est maintenant sage à plein temps. Une fonction qui va comme un gant à celui qui confie, avec une once de regret, avoir « occupé à peu près toutes les fonctions de la République ».
Vendredi
La presse, nid d’espions. Apprendrat-on bientôt que Pascal Praud est une taupe du régime de Xi Jinping ? Que Léa Salamé travaille pour la Corée du Nord ? Ou que Christophe Barbier, espion de Poutine, porte une écharpe rouge par nostalgie de l’URSS ? À la lumière des révélations de ces dernières semaines au sujet de journalistes français, on peut s’attendre à tout. Il y a quelques jours, L’Express admettait que son ancien directeur Pierre Grumbach avait renseigné les services secrets soviétiques pendant trente-cinq ans. Cette semaine, Le Point publie les bonnes feuilles du livre de Vincent Jaubert, À la solde de Moscou.
On y apprend que Paul-Marie de La Gorce, ancien de Radio France et du Figaro, a participé en 1973 à une campagne de désinformation orchestrée par le KGB, et que Jean Clémentin, rédacteur en chef au Canard enchaîné, alimentait les services de renseignements tchèques, tout comme Gérard Carreyrou, ex-patron des rédactions d’Europe 1 et de TF1. L’intéressé s’étrangle face à ces accusations, arguant de sa « profonde aversion » pour « les stals » et « les cocos ».
On ne peut vraiment faire confiance à personne…
Samedi
Le petit débat. Les scènes de chaos façon mêlée de rugby observées au Salon de l’agriculture résument parfaitement la situation du moment. Celle d’un exécutif au bord de l’abîme, canard sans tête débordé par la situation, victime des errements du « en même temps ». Pour la première fois, le Président lui-même semble au bord de la rupture. Pour preuve, sa colère noire, proche de la fureur, à l’évocation du pataquès autour des « Soulèvements de la terre ». Que des conseillers de l’Élysée aient eu l’idée abracadabrantesque de convier à un grand débat des activistes qui haïssent et méprisent les agriculteurs en dit long sur le niveau de déconnexion au sommet de l’État. Privé de grand débat, Emmanuel Macron, a fini par tomber la veste et en improviser un petit avant de déambuler sous les huées. Les apparences sont à peu près sauves, mais rien n’est réglé.