« La flamme de la résistance ukrainienne ne doit pas s’éteindre »

L’Ukraine entre dans sa troisième année de guerre. La plus délicate. La contre-offensive de l’été dernier a échoué parce que les Ukrainiens se sont déployés en quatre axes au lieu d’une seule poussée ; les batailles ont donné lieu à des boucheries à Bakhmut. Le populaire général Valeri Zaloujny, qui en a été rendu responsable, a été limogé le 8 février. Son successeur, Oleksandr Syrsky, a dû se résoudre – lui, le partisan de la défensive à tout prix –, à ordonner à l’armée ukrainienne de se retirer de la ville d’Avdiivka. Les vaillantes brigades ukrainiennes qui y ont été submergées par l’avancée russe souffraient d’un manque de rotation, d’une forte attrition, d’une pénurie de soldats, de difficultés à se déplacer la nuit, de problèmes de santé chroniques, d’une moyenne d’âge de 40-45 ans pour les soldats et du peu de protections restantes. Les Russes disposent de 10 fois plus d’obus. Ce deuxième revers porte à un millier de kilomètre carrés les territoires repris par la Russie, au total 17,5 % de la surface du pays : quelque 103 000 km². Depuis, le front qui s’étire sur 1 200 kilomètres reste pratiquement gelé : ce conflit de haute intensité s’est transformé en une guerre d’usure. L’insuffisance de munitions et l’extrême fortification des lignes russes obligent l’étatmajor ukrainien à se replier sur une stratégie essentiellement défensive. Faute d’accord au Congrès, les États-Unis ne livrent plus d’obus et de roquettes aux Ukrainiens depuis le début de l’année, et les Européens peinent toujours à relancer leurs usines d’armement. Pour pallier leur manque d’artillerie, l’armée de Kiev emploie bien massivement des drones dits « FPV » (First Person View), pilotés à distance avec des lunettes immersives et donc très précis, mais ils ne suffisent pas à combler la différence avec les Russes. Bien qu’ayant subi de très lourdes pertes à Avdiivka – les Ukrainiens parlent d’un millier de morts par jour (en tout 665 véhicules, dont 222 chars de combat, 365 véhicules blindés, 22 systèmes d’artillerie) – les forces russes cherchent, avant la réélection à la Maréchal de Vladimir Poutine, à reprendre le maximum de territoire. Elles continuent leur poussée en cinq points : Robotyne, où les forces ukrainiennes s’étaient avancées d’une vingtaine de kilomètres,

Marinka, Kremina,

Bakhmout et Avdiivka.

Mobilisation d’ampleur

En attendant que les engagements d’aide occidentale se concrétisent et que tout le matériel promis arrive sur le terrain et que le personnel prévu pour leur maniement ait été formé, l’Ukraine devra procéder à une nouvelle mobilisation d’ampleur. L’expérience de toutes les guerres montre qu’au bout de deux années et demie, les hommes s’épuisent. En recruter 500 000 sera un redoutable défi. En dehors du coût de leur formation, de leur équipement et de leur entretien, évalué à près de 19 milliards d’euros, c’est leur disponibilité qui risque de faire question, sachant que pour un guerrier sur le terrain, c’est quatre à cinq hommes en soutien qu’il conviendra de recruter. C’est dire qu’en attendant de pouvoir reprendre ses offensives à grande échelle en 2025, l’Ukraine devra tenir à tout prix et bénéficier d’une aide militaire accrue de la part de ses alliés

– ce qui est le voeu de 21 % des Français, alors que 32 % se prononcent pour une augmentation de la seule aide humanitaire. Dix ans après la révolution de la dignité de l’Euromaïdan, qui a chassé un pouvoir corrompu et exprimé la profonde aspiration de la population à rejoindre la famille euro-atlantique, même si personne ne pouvait penser que ce combat serait long et épuisant, la flamme de la résistance ukrainienne ne doit pas s’éteindre, à moins de nous plonger dans la nuit.

Les Européens peinent à relancer leurs usines d’armement”

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d’Ukraine, février 2023,