Le jeu fait école
Et si les jeux de société permettaient d’améliorer les apprentissages des élèves ? Alors que le Festival international des jeux se tient à Cannes, reportage dans une école niçoise qui mise sur cette pratique.
Compter, se repérer dans l’espace, dater des événements historiques, apprendre les règles du vivre-ensemble… Ce vendredi matin de février, voici quelques-unes des notions au programme pour des élèves de l’école Ronchèse, à Nice. Pour les travailler, pas de bureaux alignés, de polycopiés ni d’enseignant au tableau, mais une salle polyvalente où s’entassent des piles de jeux de société. « Cette année, on a sanctuarisé les vendredis pour que quatre classes puissent, à tour de rôle, profiter d’ateliers ludiques. Dans notre école, on pratiquait déjà les échecs, et nous sommes convaincus que de nombreuses compétences transversales sont mobilisées dans les jeux de société », explique Marie Grimaldi, directrice de l’établissement.
Au milieu des tables en plastique colorées, Cédric Pharisien, animateur et fondateur de la micro-entreprise « Jeux écologie éducation populaire », dispose les premières boîtes dont s’emparera dans quelques minutes une classe de « toute petite section » de maternelle, accueillant des enfants dès deux ans et demi. Une sélection méticuleusement chinée pour l’adapter aux âges des joueurs et aux objectifs visés.
« Souvent, les élèves ne jouent pas à la maison »
« Chez les petits, il s’agit avant tout d’apprendre à suivre une consigne, à attendre son tour, à compter jusqu’à quatre, à coopérer avec ses camarades », explique l’animateur. Pour l’aider à encadrer les jeunes joueurs, il peut compter sur quatre élèves de CM1, très motivés. Assise devant un quatuor de bambins en blouse jaune qui la dévore des yeux, Rosalie prend son rôle très à coeur. Pédagogue, elle explique les règles de Compte avec les oursons, un jeu qui combine calcul et motricité fine. « Combien de fraises tu vois sur la carte ? », lance-t-elle, décrochant un timide « cinq » à son interlocutrice. Rosalie encourage, montre le chiffre avec ses doigts. « Oui, prends cinq perles et passe-les dans le fil. Je t’aide… » A la table d’à côté, Anes, 9 ans, anime une partie de Bazar bizarre, un jeu d’observation et de rapidité où il faut associer des couleurs et des formes. « Hé, on fait attention au matériel, n’abîme pas les cartes », lance-t-il calmement à un garçonnet, plutôt agité, sous l’oeil attentif de sa maîtresse. « La fascination du plus grand fonctionne très bien, ils écoutent !, se réjouit Isabelle Blondeau. En novembre, la séance était très remuante. Là, nettement moins. C’est une vraie évolution, sachant que, souvent, les enfants ne font pas ce genre d’activité à la maison. »
Au bout de 30 minutes, on remballe. « Avec des petites sections, c’est la limite pour capter leur attention », souligne, lucide, Cédric Pharisien, content de l’évolution de ses jeunes joueurs. « Il y a quelques semaines encore, le “chacun son tour” n’existait pas. »
Plus de calme et de concentration en classe
La classe de CE2 qui prend le relais aura, quant à elle, une heure pour s’amuser. Cédric se joint à Camille, Priam, Enzo et Walid, qui entament une partie de Timeline, un jeu de cartes où il faut remettre des événements historiques dans l’ordre chronologique en devinant la date à laquelle ils ont eu lieu. Au centre de la table, la carte Inauguration du Colisée, datée à l’an 80, trône. Walid place l’apparition des abeilles juste après, le débat s’engage. « Je pense que tu t’es trompé », suggère un camarade. On corrige et on continue… Plus loin, un groupe a déplié la carte XXL d’une ville imaginaire sur laquelle il s’agit de se repérer pour résoudre une enquête. Pour indice : des points cardinaux, des détails à observer… Inès, 19 ans, en Service civique, aide les joueurs à comprendre les consignes. Tandis que quatre autres élèves classent tous azimuts des chiffres dans l’ordre croissant, en ligne et en colonne, le temps d’une partie de Lucky Numbers. « Maths, histoire-géo, acuité visuelle : on travaille plein d’éléments au programme, sans en avoir l’air », souligne leur enseignante, qui a remarqué un autre bénéfice insoupçonné de ces séances régulières. « Après une session de jeu, les élèves sont plus calmes et concentrés en classe ! » Au sein de l’école Ronchèse, c’est l’association de parents d’élèves qui finance cette activité hebdomadaire.