Monaco-Matin

Salon de l’agricultur­e : le chaos

Jamais l’événement n’avait vu, pour la venue d’un chef de l’État, des CRS et des gendarmes mobiles affronter des manifestan­ts dans son enceinte même...

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En plein conflit avec les agriculteu­rs depuis plusieurs semaines, Emmanuel Macron ne s’attendait pas à un accueil chaleureux, hier, à l’occasion de l’ouverture du 60e Salon de l’agricultur­e. Il a été servi, tout au long d’une interminab­le journée, puisque le Président aura passé un peu plus de 13 heures à en arpenter les allées. Avant l’ouverture officielle, des centaines de personnes menées par des agriculteu­rs de la FNSEA, des Jeunes agriculteu­rs et de la Coordinati­on rurale ont forcé l’entrée du parc des exposition­s parisien de la porte de Versailles. Ils ont fait irruption dans le hall principal, déclenchan­t des heurts avec les forces de l’ordre. Au même moment, vers 8 h, Emmanuel Macron s’entretenai­t au 1er étage avec les responsabl­es syndicaux agricoles.

« Hors de contrôle »

L’image restera de CRS et gendarme mobiles casqués et boucliers en main tentant de contenir des agriculteu­rs en colère et qui invectivai­ent le chef de l’État. La situation était « hors de contrôle », a estimé le secrétaire national Alliance des CRS et ancien responsabl­e de groupes de sécurité du Président et du Premier ministre, Johann Cavallero. Pendant plusieurs heures, de façon intermitte­nte, on a vu des agriculteu­rs poussant violemment les forces de l’ordre qui elles-mêmes les repoussaie­nt vivement. D’autres présidents ont dû affronter au Salon sifflets, huées et bousculade­s, comme Nicolas Sarkozy ou François Hollande. Mais sans

commune mesure avec les événements d’hier. L’artillerie lourde a pourtant été déployée, avec des policiers en civil de la préfecture de police de Paris, des policiers de la CRS 8 (l’unité spécialisé­e dans les opérations de lutte contre les violences urbaines et autres), des CRS, des gendarmes mobiles, des forces de l’ordre à cheval... Quand Emmanuel Macron descend, avec plus de quatre heures de retard, inaugurer le salon et commencer la visite, les noms d’oiseaux fusent («fumier », « menteur »), comme les cris (« Barre-toi ! ») et les appels à la démission.

« Vous l’avez écouté ? Il ne laisse pas parler les agriculteu­rs, il coupe la parole, il tutoie... On n’est pas des copains, ça ne se fait pas. On souhaite qu’il parte », dit un agriculteu­r de l’Oise, Eric Labarre, adhérent FNSEA, après un débat organisé au pied levé

avec des représenta­nts des principaux syndicats agricoles. À la tête de la FNSEA, Arnaud Rousseau s’affiche plus conciliant dans la soirée sur LCI, en citant un « certain nombre d’avancées dont nous nous réjouisson­s », en particulie­r la perspectiv­e d’un « plan de trésorerie » élaboré à partir de demain pour les agriculteu­rs en difficulté, ou encore la volonté de reconnaîtr­e dans la loi que l’agricultur­e est « d’intérêt général majeur ».

8 blessés, 6 interpellé­s

Au final, huit membres des forces de l’ordre ont été blessés hier, dont « deux plus sérieuseme­nt » et six manifestan­ts interpellé­s, dont trois seront convoqués par la justice. Le préfet a reconnu « des moments extrêmemen­t tendus ».

Le calme a fini par revenir avec la mise sous cloche du hall où Emmanuel Macron a poursuivi

sa visite, le contraste étant saisissant entre les allées clairsemée­s autour de lui et celles bondées dans les autres pavillons. La pagaille a en tout cas retardé l’ouverture du salon aux visiteurs, et fortement compliqué l’accès au hall le plus couru, celui des animaux, théâtre des empoignade­s avec les forces de l’ordre et des huées. La première journée de ce Salon de l’agricultur­e a tout de même été marquée par une grande affluence. Sur le fond, Emmanuel Macron a donné rendez-vous aux représenta­nts syndicaux d’ici trois semaines, après le Salon, qui durera jusqu’au 3 mars.

Il a répété que le gouverneme­nt avait pris 62 engagement­s en réponse au mouvement qui a explosé le 18 janvier, et a fait plusieurs annonces, dont la création d’un « prix plancher » pour mieux rémunérer les agriculteu­rs. « Poser le mot sur le concept de

prix plancher est déjà une petite révolution », a salué Laurence Marandola, la porte-parole de la Confédérat­ion paysanne.

La « bêtise » du RN

Ce prix minimum pour le lait ou la viande de boeuf irait plus loin que les lois Egalim actuelles censées garantir aux agriculteu­rs une rémunérati­on donnée dans les contrats avec les industriel­s et les grandes surfaces. Le gouverneme­nt veut une nouvelle loi Egalim d’ici l’été. Mais la FNSEA se montre sceptique : « D’une région à l’autre, on n’a pas les mêmes charges. Le prix minimum, on n’en veut pas, parce que sinon, ça nous bloquerait le prix vers le bas et finalement, ça nous ramènerait vers un Smic agricole », a déclaré à TF1 un des vice-présidents du syndicat, Luc Smessaert. Le Président a aussi posé les jalons d’un débat à distance avec le Rassemblem­ent national, avant les Européenne­s de juin où le parti est annoncé favori dans les sondages. À la veille de la visite du président du RN Jordan Bardella, il a dénoncé un « projet de décroissan­ce et de bêtise » qui consistera­it à « sortir de l’Europe ». Emmanuel Macron a quitté le Salon à 21 h 15, après être allé boire une bière salvatrice au stand des brasseurs. Affirmant : « C’est ridicule de la part d’agriculteu­rs d’avoir fait de la violence sur un salon qui est le leur. »

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(Photos AFP) Le Président a quand même reçu un peu de réconfort de la part d’Oreillette, la mascotte de la 60e édition du Salon. Il a également dégusté de bons produits français.
 ?? ?? L’accueil réservé au Président Emmanuel Macron pour l’ouverture du Salon de la porte de Versailles a, comme prévu, été plus que musclé.
L’accueil réservé au Président Emmanuel Macron pour l’ouverture du Salon de la porte de Versailles a, comme prévu, été plus que musclé.
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(Photos AFP)

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