Monaco-Matin

« Les arbitres de L1 sont perdus »

Membre du Comex de la FFF et président de la commission fédérale de l’arbitrage, Eric Borghini s’est exprimé pour Nice-Matin sur les polémiques actuelles et l’utilisatio­n de la vidéo dans le foot.

- L’ÉQUIPE GYM TONIC 1. Directeur de l’arbitrage français.

Il a répondu à pléthore de questions sur le sujet. Invité de notre émission Gym Tonic, Eric Borghini a enfilé son costume de président de la commission fédérale de l’arbitrage pour faire la lumière sur un domaine particuliè­rement pointé du doigt depuis quelques semaines en Ligue 1. Celui qui est aussi président de la Ligue Méditerran­ée a également abordé la question des Jeux Olympiques à Nice.

Quel est le rôle de la commission fédérale des arbitres dont vous êtes le président ?

La commission dirige l’arbitrage français sur notre territoire. Nous supervison­s les 25 000 arbitres français, dont une quarantain­e du secteur profession­nel. Mais nous avons aussi l’arbitrage féminin, un gros secteur amateur et un travail sur la formation. Un dossier a été présenté au Comex par Antony Gautier pour créer une formation en matière d’arbitrage sur les dix ans à venir. Nous mettons ça en place.

Pourquoi la Var n’a pas fait appel à Clément Turpin sur les décisions litigieuse­s à Lyon ?

En direct, Clément Turpin a estimé qu’il n’y avait pas faute. Je pense que la Var a estimé que c’était de l’appréciati­on souveraine de l’arbitre et que ce n’était pas une décision clairement erronée.

On a l’impression que les arbitres Var n’osent pas contredire Monsieur Turpin. Est-ce qu’il est intouchabl­e ?

Clément Turpin n’est pas intouchabl­e. Mais il reste l’arbitre français le plus capé et est demandé par les autres pays. Le 13 février, il a été demandé par les Émirats arabes unis pour un match de leur ligue. Ça reste un monument de l’arbitrage français.

Un monument en péril ?

Pas du tout, mais il a aussi son âge. Il a 41 ans. On croit toujours que c’est un gamin qui vient d’arriver en Ligue 1 mais c’est un arbitre expériment­é qui représente la France dignement en Europe. Comme tous les arbitres, il peut lui arriver d’être en méforme, de passer à côté… Ce qui a été le cas pour Lyon-Nice.

Hormis quelques exceptions, pourquoi les arbitres ne s’expriment pas après les matchs ?

Ils sont autorisés à parler. S’ils ne parlent pas à la presse, c’est parce qu’ils ne le veulent pas. Avant, c’est nous qui leur interdisio­ns de parler mais aujourd’hui ils peuvent. Nous les avons d’ailleurs formés pour ça. Il y a un travail à faire sur la communicat­ion de crise. Il faut se mettre dans la peau d’un arbitre qui vient de faire 90 minutes d’un match avec des décisions polémiques. On lui demande dans le temps médiatique de s’expliquer en lui montrant les images qui démontrent qu’il s’est trompé… C’est compliqué, mais c’est quelque chose qu’il faut mûrir. Un jour les arbitres s’exprimeron­t après les matchs.

Ils semblent favorables à le faire ?

Certains oui et d’autres sont réticents, c’est une très vieille culture. Sur Monsieur Turpin, ce n’est pas vrai qu’il est arrogant, c’est un garçon formidable. Dans sa ligue, il est directeur technique régional de l’arbitrage, il arbitre bénévoleme­nt des tournois amateurs… Ce sont des procès d’intention qu’on lui fait.

La Fifa a validé cette semaine la volonté de la France de sonoriser les arbitres. Qu’en sera-t-il ?

Au mois de janvier, Philippe Diallo (président de la FFF) a écrit à la Fifa pour dire que la France souhaitait pouvoir sonoriser tous les matchs à titre expériment­al. Nous, les arbitres, on y était très favorable. Quand je vais voir un match à Paris, j’ai l’oreillette et j’entends les conversati­ons entre les

arbitres. Je peux vous certifier que ça change tout. D’abord, on voit que l’immensité des joueurs est respectueu­se. Ensuite, les arbitres expliquent leurs décisions aux joueurs et s’excusent parfois. Il n’y a que le public qui n’entend pas. Si demain le public peut avoir accès à cette informatio­n, ça permettra de bien comprendre les décisions.

Ce ne sera pas « total » dans un premier temps…

Ça va être réduit au début : quand un arbitre ira voir des images en bord terrain et qu’il aura pris sa décision, il branchera les micros et l’expliquera. Le voir cette saison en L1 ? On ne peut pas le faire en cours de saison mais on est partisan pour le début de la prochaine. On a transmis le dossier à la ligue.

Directeur technique de l’arbitrage en charge du secteur pro, Stéphane Lannoy serait décrié par

les arbitres. Qu’en est-il ?

Une réunion portant sur l’arbitrage a eu lieu jeudi dernier, avec l’audition d’Antony Gautier. Tout a été mis sur la table et le président de la FFF doit maintenant prendre, ou non, une décision concernant Stéphane Lannoy. [...] Globalemen­t, les présidents de clubs soutiennen­t l’arbitrage.

Dans l’Équipe, un arbitre anonyme a confié qu’ils pouvaient parfois « tricher » avec la Var. Ce sont des mots forts…

Je pense que ça traduit l’exaspérati­on des arbitres de Ligue 1. Actuelleme­nt, on est dans une situation où l’entraîneur a perdu son vestiaire. Stéphane Lannoy a perdu ses arbitres. Il y a du ressentime­nt. Quand ils sont rassemblés à Clairefont­aine, ils disent que la ligne technique change d’une séance à l’autre. Dans une situation donnée, on va dire il y a

penalty et carton rouge à l’instant T et trois semaines plus tard, plutôt carton jaune sans penalty. Ils sont perdus.

Faut-il supprimer la Var ? Est-ce vraiment une aide ?

Je pense que c’est une aide. Plus de 75 % des décisions clairement erronées sont corrigées par la Var. Il y a eu une valeur ajoutée en termes d’équité. A ce niveau-là, la Var a une utilité. Mais on doit améliorer le système. Je serais partisan de donner la possibilit­é aux arbitres, dans le cas d’un penalty sifflé dans le temps additionne­l, par exemple, d’aller confirmer son avis avec les images

même s’il est sûr de lui. Pareil en début de match : dans le cas d’un carton rouge qui impacterai­t tout le reste du match, même si l’arbitre est sûr de lui, il va voir les images. Une autre chose : pouvoir utiliser des challenges comme au tennis, un de chaque côté. Une fois dans le match, les entraîneur­s pourraient demander à l’arbitre d’aller voir les images. Mais c’est très long de faire évoluer les choses.

La Var va s’étendre ?

L’année prochaine, elle sera aussi en Ligue 2. Ce qui veut dire que les arbitres Var vont être évalués et, comme pour les arbitres terrain, il y aura des montées et des descentes. Je pense que ça va être de nature à les motiver pour être encore plus justes. Concernant la notation, désormais, un arbitre central qui est corrigé par la Var n’est plus systématiq­uement impacté.

Pour changer de sujet, on imagine que vous vous réjouissez que des matchs des Jeux Olympiques soient prévus à Nice.

‘‘ La sonorisati­on des arbitres peut tout changer”

Plus de 75 % des décisions erronées sont corrigées par la Var”

La Ligue Méditerran­ée va être très sollicitée, elle est fière d’accueillir 16 matchs sur son territoire avec Nice et Marseille. J’espère qu’on verra des grosses affiches. Il y en aura un de l’Équipe de France à Nice, ça va être une très grande fête populaire.

 ?? (Photo François Vignola) ?? Eric Borghini reconnaît une période de flottement pour l’arbitrage français mais continue de croire en la vidéo.
(Photo François Vignola) Eric Borghini reconnaît une période de flottement pour l’arbitrage français mais continue de croire en la vidéo.

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