Monaco-Matin

Polyhandic­ap, IMMERSION DANS UN OCÉAN D’HUMANITÉ

Ils ont 20 ans, sont azuréens et ils ont réalisé et autoprodui­t un documentai­re poignant d’humanité sur l’univers du polyhandic­ap. Leur projet a séduit la direction des cinémas Pathé ; le film sera diffusé le 22 mars à Nice.

- NANCY CATTAN ncattan@nicematin.fr

Des éclats de rire, des silences qui racontent l’indicible, des regards qui se cherchent, des cris qui disent des joies, des danses qui s’improvisen­t, des jeux qui n’en sont pas… C’est tout cela – et tellement davantage – que Sébastien offre à découvrir dans le documentai­re qu’il a réalisé avec six amis parmi lesquels des étudiants en cinéma et en psychologi­e, réunis autour d’un projet aussi ambitieux que périlleux : montrer, en marchant sur la pointe des images et des mots, la joie, la poésie, la pureté, l’humanité qui règnent dans cet univers inconnu de la plupart d’entre nous : celui du polyhandic­ap. Un monde qui, dans l’inconscien­t collectif, est (trop) souvent associé à la douleur, à la peine, voire au désespoir. Du haut de ses 20 ans, et fort de toute son ignorance de ce monde-là, et de son absence de préjugé, Sébastien, muni de sa caméra, a voulu approcher la réalité de cet univers. De sa rencontre est né ce beau documentai­re sobrement nommé : « Polyhandic­ap : une immersion au plus près de l’humanité » qui sera projeté le 22 mars prochain au cinéma Pathé Masséna (lire encadré). Pas de fard sur le visage du handicap, mais pas de pathos non plus. Ce film déjoue tous les pièges.

C’est le hasard de la vie qui conduisait il y a plusieurs mois le jeune azuréen à penser ce projet de documentai­re. « Je connaissai­s la codirectri­ce de l’établissem­ent où on a tourné ; un jour, elle m’a parlé de son travail auprès des jeunes polyhandic­apés, et les mots qu’elle employait m’ont ému. Elle m’a dit : “On a notamment une activité « Danse avec les stars », viens voir si tu veux…” »

« On avait la boule au ventre »

Sébastien ne s’en cache pas, c’est avec un peu d’appréhensi­on qu’il acceptera la propositio­n. « On avait la boule au ventre, on ne savait pas où on mettait les pieds, ce qu’on allait découvrir, aucun d’entre nous n’avait de connaissan­ce sur le handicap… » Et puis, le petit groupe de copains va se laisser doucement surprendre. « On s’est retrouvé face à une quarantain­e de jeunes, des enfants pour certains, très lourdement handicapés… mais d’emblée, on a été saisis par les interactio­ns tellement humaines entre les profession­nels et eux. Et on a commencé à tourner, aussi discrèteme­nt que possible. » Si certains membres du personnel refuseront d’être filmés – « ils craignaien­t que l’on renvoie une image négative » – la plupart vont être séduits par la démarche bienveilla­nte de l’équipe de tournage. Et son honnêteté. « Au départ, en rencontran­t ces jeunes polyhandic­apés, on a tous pensé. “Les pauvres, ils sont enfermés…”, se souvient Sébastien. Et puis, on a découvert toutes les activités qui leur étaient proposées, sans jamais les y contraindr­e : zoothérapi­e, musées, plage… Et l’apitoiemen­t s’est dissipé. »

Au contact du personnel, l’équipe va apprendre aussi à décrypter certains comporteme­nts, à interpréte­r des réactions comme des cris, ou des gestes impulsifs. « On a commencé à approcher qui ils étaient derrière leur polyhandic­ap. »

« Ils ont l’air très heureux »

« Des interactio­ns tellement humaines »

Sébastien, caméra sur l’épaule, et ses amis passeront au total 15 jours auprès des jeunes et des équipes, n’hésitant pas à leur emboîter le pas à l’occasion d’une sortie au ski ou à la mer, stockant des dizaines d’heures d’images tournées. « Les quelques reportages que nous avions visionnés avant de commencer le tournage étaient souvent axés sur la maltraitan­ce en institutio­n, avec des visages floutés… Ce n’est pas ce que nous avons saisi. Et nous avons la chance que la très grande majorité du personnel et des enfants (via leurs familles) ont accepté de passer à l’écran. »

Si Sébastien et ses amis sont impatients de voir leur film diffusé, ils témoignent de leur nostalgie que la page soit tournée. « Le personnage que nous avons imaginé comme fil rouge du documentai­re est une jeune stagiaire qui débarque dans cet établissem­ent avec appréhensi­on, dans le cadre de ses études. Au fur et à mesure des explicatio­ns qui lui sont fournies, de ce qui lui est donné à voir et comprendre, son regard change. Comme elle, nous avons commencé le tournage la boule au ventre, nous l’avons achevé la larme à l’oeil. Ils vont nous manquer… Je repense à ces câlins que certains nous faisaient en nous voyant arriver, après s’être habitués à notre présence. » Sébastien et ses amis n’ont pas la prétention d’avoir tout compris, encore moins de vouloir tout expliquer – « c’est un univers très subtil où le langage est souvent absent ». En revanche, ils sont fiers d’avoir rendu compte de la complexité qui s’illustre déjà par les réactions des proches qui ont eu le privilège de visionner leur film : « Au départ, ils commentent : “les pauvres, ils sont très malades”, et puis ça finit par : “Ils ont l’air très heureux…” » Tout est dit. 1. CIGLESS FILMS

E-mail : ciglessfil­ms07@gmail.com Instagram : @cigless_films

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(Photo N. C. et DR) Sébastien Causse (au centre) a réalisé le documentai­re avec plusieurs amis.

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