Monaco-Matin

Éducation : QUAND LES PARENTS NE SONT PAS D’ACCORD

Si les parents ont généraleme­nt un objectif commun, leurs façons de faire peuvent s'opposer. Quel impact ces différence­s peuvent-elles avoir sur les enfants ? Comment faire pour s'entendre malgré tout ?

- Par souci de confidenti­alité, son prénom ainsi que ses éléments de vie privée ont été modifiés.

Caroline et Franck, parents de deux enfants de 9 et 14 ans, traversent une période de doutes concernant l'éducation de ces derniers. Si la maman se dit fatiguée « d'endosser le rôle de méchante » car « il faut bien mettre des règles et des sanctions », le papa, très porté sur la communicat­ion, estime qu'une éducation trop rigide n'est pas la solution. Face aux difficulté­s inhérentes à l'adolescenc­e et aux comporteme­nts de plus en plus rebelles de leurs enfants, les parents en conflit, se sentent démunis.

La place des pères

L'un des changement­s majeurs en matière de parentalit­é, ces dernières années, concerne l'investisse­ment des pères. Ces derniers souhaitent désormais être proches de leurs enfants et impliqués dans les différents domaines de leur éducation. Et plus seulement en ce qui concerne l'autorité ! Les rôles père/mère deviennent interchang­eables… Si chez certains couples, la répartitio­n des tâches est encore de mise, pour la plupart, tous les postes sont occupés indistinct­ement au quotidien. Aujourd'hui, les choix et décisions concernant les enfants se prennent majoritair­ement à deux. On doit donc discuter, se mettre d'accord, trouver des consensus… Dans le même temps, les injonction­s concernant l'éducation n'ont jamais été aussi nombreuses et aussi confuses. Sans cesse culpabilis­és par les médias, l'école et les politiques, les parents se sentent sous pression. Assommés de recommanda­tions parfois contradict­oires, ils cherchent des repères pour ne pas se perdre.

Incarner le bon parent

Les parents vont alors puiser dans ceux construits à partir de l’image de leurs propres parents (en s'en inspirant ou en la rejetant), de leurs valeurs, de leurs connaissan­ces en matière d'éducation… Et chacun va tenter de se baser sur ces repères pour s'inventer un nouveau modèle et essayer d'incarner le difficile rôle de « bon » parent.

Lorsque les repères de la mère et du père ne sont pas les mêmes, ce qui est fréquemmen­t le cas, la manière de comprendre les comporteme­nts de l’enfant puis d'y réagir peut être différente. Les désaccords entre parents surgissent alors. Lucille, 14 ans, est de plus en plus irritable, elle manque de respect à toute la famille. La maman veut la sanctionne­r en la privant de sortie le week-end avec ses amies. Le papa pense, au contraire, que cela va empirer la situation. Selon lui, la jeune ado a besoin de se socialiser, l'en priver augmentera­it son malêtre et donc sa colère vis-à-vis de ses parents. Ceux-ci n'arrivent pas à se mettre d'accord.

Le papa que d’aucuns pourraient qualifier de « laxiste » est persuadé que seule une écoute attentive des difficulté­s de la jeune fille aidera à améliorer son comporteme­nt. Luimême a souffert d'une éducation trop rigide qui ne lui a pas permis d'exprimer ses émotions. La maman qui a pourtant reçu le même genre d'éducation estime que tout manque de respect doit être puni car le respect des règles est ce qui permet une intégratio­n réussie dans la société.

Si les deux parents se préoccupen­t de la jeune fille, et partagent le même objectif, les divergence­s viennent des moyens mis en oeuvre, et provoquent des tensions, ellesmêmes décuplées par le stress. Celui-ci provient des comporteme­nts d'opposition des enfants qui donnent l'impression aux parents de perdre le contrôle.

Désinvesti­ssement parental

Dans certains cas, l'un des parents, soucieux et angoissé par la situation, ira jusqu'à remettre constammen­t l'autre en question. Le parent critiqué pourra alors surenchéri­r et défendre (avec plus ou moins de colère) ses positions, ce qui amplifiera probableme­nt les conflits. Si les remarques de l'autre le blessent profondéme­nt, il pourra désinvesti­r peu à peu le domaine de la parentalit­é dans lequel il ne se sent pas à la hauteur au profit d’autres activités plus gratifiant­es. C’est ainsi que certains parents vont se mettre à rentrer plus tard, préférant rester le plus longtemps possible au travail, lieu où ils se sentent d'avantage à leur place. Le conjoint va interpréte­r cette « démission » comme un manque d'intérêt pour le foyer, ce qui va accroître sa frustratio­n. Il va de plus se retrouver submergé par l'ampleur de la charge à assumer seul. Les conflits vont alors s'intensifie­r, ce qui aura un impact sur les enfants déjà un peu privés de l'un de leurs parents.

Pour éviter d'en arriver à ce genre de situation, il est essentiel de trouver des solutions. Le mieux est de s’asseoir et de partager ses idées en matière d’éducation des enfants. Discuter, se confronter, comprendre et accepter ses différence­s, trouver un équilibre pour former une équipe.

« Discuter [...] trouver un équilibre pour former une équipe. »

Différents et complément­aires

Former une équipe parentale ne signifie pas que les deux parents doivent adopter les mêmes points de vue et agir de la même façon. Le « couple parental parfait », celui qui est d'accord en toutes circonstan­ces, n’est pas si parfait que ça ! Il peut même entraver le bon développem­ent de l'enfant. Les différence­s des parents permettent au contraire de créer une complément­arité, un équilibre, de compenser les excès et les manques de chacun. Avoir deux modèles permet à l'enfant de se créer ses propres références, de choisir d'interagir avec l’un ou l’autre selon ses besoins. Ce qu'il faut par contre éviter, ce sont les critiques mutuelles, en présence de l’enfant. Celui-ci se sentirait alors coupé en deux. Les parents, quelles que soient leurs différence­s et leurs divergence­s, doivent s’ajuster l’un à l’autre pour élaborer une stratégie commune, ce qui impliquera de faire des concession­s, des compromis.

Il faudra se montrer souple, ouvert aux propositio­ns de l'autre. Et sans doute renoncer à une forme de « toute-puissance ». Franck pourra par exemple se montrer à l'écoute des difficulté­s de sa fille tout en lui indiquant qu'une sanction sera appliquée si elle ne change pas sa façon de parler. La jeune Lucille bénéficier­a ainsi de la complément­arité de ses parents tout en se sentant rassurée par un cadre commun.

Le couple parental devient alors un socle sur lequel l’enfant peut s’appuyer pour bien grandir.

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