Monaco-Matin

Octobre 1961 : un « vote pour l’histoire » à l’Assemblée

L’Assemblée nationale a approuvé hier un texte condamnant le « massacre » de dizaines d’Algériens à Paris, lors d’une manifestat­ion pour l’indépendan­ce.

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Le texte, qui a une portée avant tout symbolique, « condamne la répression sanglante et meurtrière des Algériens commise sous l’autorité du préfet de police Maurice Papon le 17 octobre 1961 ». Il « souhaite » en outre « l’inscriptio­n d’une journée de commémorat­ion (de ce) massacre » à « l’agenda des journées nationales et cérémonies officielle­s ».

La propositio­n de résolution portée par l’écologiste Sabrina Sebaihi et la députée Renaissanc­e Julie Delpech a été approuvée dans un hémicycle clairsemé par 67 députés, essentiell­ement issus de la gauche et de Renaissanc­e. Onze ont voté contre, tous membre du Rassemblem­ent national.

Un sujet hautement inflammabl­e

À l’origine du texte, Sabrina Sebaihi a salué par avance un « vote pour l’histoire », représenta­nt la « première étape » du « travail pour la reconnaiss­ance de ce crime colonial, pour la reconnaiss­ance de ce crime d’Etat ». Le terme – « crime d’État » – ne figure pas dans la propositio­n de résolution, issue d’un minutieux travail d’écriture avec le parti présidenti­el et l’Élysée pour parvenir à un texte consensuel, sur un sujet toujours hautement inflammabl­e en France comme en Algérie. La propositio­n a été « ciselée mot par mot », afin d’être en « cohérence » avec les positions de la France, avait expliqué l’ancien député Renaissanc­e

Philippe Guillemard, qui avait travaillé sur ce texte avec Sabrina Sebaihi avant de passer le relais à Julie Delpech.

Le vote des députés intervient quelques semaines après l’annonce par l’Élysée d’une visite d’État du président algérien, Abdelmadji­d Tebboune, « fin septembre-début octobre ».

Des corps « jetés dans la Seine »

La ministre déléguée chargée des Collectivi­tés territoria­les Dominique Faure a évoqué dans son discours une manifestat­ion « réprimée dans la violence par

les services agissant sous l’autorité du préfet de police de l’époque, Maurice Papon », au cours de laquelle « outre de nombreux blessés, plusieurs dizaines (de personnes) furent tuées, leurs corps jetés dans la Seine ». « Ayons aujourd’hui à cette tribune une pensée pour ces victimes et leurs familles frappées de plein fouet par l’engrenage de la violence », a-t-elle dit, sous les yeux de représenta­nts des collectifs qui plaident depuis plusieurs années pour cette reconnaiss­ance.

Elle a rappelé le travail de mémoire déjà accompli pour reconnaîtr­e

le massacre. En 2012, le président François Hollande avait rendu « hommage aux victimes » d’une « sanglante répression » s’étant abattue sur ces femmes et hommes manifestan­t pour « le droit à l’indépendan­ce ». Son successeur Emmanuel Macron a déclaré en octobre 2021 que « les crimes commis le 17 octobre 1961 sous l’autorité de Maurice Papon sont inexcusabl­es pour la République ».

Dominique Faure a cependant émis des réserves quant à l’instaurati­on d’une journée de commémorat­ion, soulignant que trois dates existent déjà pour « commémorer ce qui s’est passé pendant la guerre d’Algérie ». « Beaucoup reste à faire pour écrire cette histoire, mais c’est à mon sens la seule façon de bâtir une réconcilia­tion sincère et durable. Je pense important de laisser l’histoire faire ce travail avant d’envisager une nouvelle journée commémorat­ive spécifique pour les victimes du 17 octobre 61 », at-elle dit.

Des réserves partagées par les groupes MoDem et Horizons, membres de la majorité, pour qui le « travail historique doit continuer », et qui avaient laissé la liberté de vote à leurs représenta­nts.

Le RN contre, LR muets

L’ensemble des prises de parole ont traduit la volonté des députés de rendre hommage aux victimes du 17 octobre et de reconnaîtr­e la responsabi­lité des autorités dans le massacre, à l’exception notoire de celle du député RN Frank Giletti, qui a fustigé des « accusation­s unilatéral­es » et une « repentance à outrance », s’appuyant sur des « mensonges ».

« En proposant cette résolution, vous placez vos pas dans ceux d’Emmanuel Macron, lui qui n’a eu de cesse de s’agenouille­r devant le gouverneme­nt algérien, lui qui s’attelle à mortifier son propre pays par des repentance­s continues devenues insoutenab­les », a-t-il dénoncé. « Scandaleux », a répliqué une voix dans l’hémicycle. Aucun député LR ne s’est exprimé.

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Lors d’une manifestat­ion pour l’indépendan­ce de l’Algérie à Paris, la police française avait attaqué le défilé, tuant entre une trentaine et plus de 200 personnes selon les historiens.

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