Monaco-Matin

Du rap au cinéma LA MUE DE SOFIANE ZERMANI

Rappeur à succès, Fianso est (re)devenu Sofiane Zermani, un acteur qui multiplie désormais les projets, comme ce remake du « Salaire de la peur » de Clouzot pour Netflix. Le film sort ce vendredi sur la plateforme.

- MATHIEU FAURE mfaure@nicematin.fr « Le Salaire de la peur », disponible sur Netflix.

Palme d’or 1953, « Le Salaire de la peur » d’Henri-Georges Clouzot est un mythe. L’histoire d’un convoi qui traverse la jungle, rempli de nitroglycé­rine, pour éteindre un incendie qui fait rage. Julien Leclercq, l’homme derrière les séries « Braqueurs » et « L’Assaut », s’est lancé dans un remake ambitieux du film pour Netflix. Une vision moderne, nerveuse et brûlante dans laquelle quatre protagonis­tes traversent le désert marocain pour éteindre un puits de pétrole en feu qui menace un village mais qui représente, surtout, une perte financière pour la compagnie pétrolière qui l’exploite si le puits explose. Quatre héros aux destins différents. Deux frères qui ne se parlaient plus, Alban Lenoir et Franck Gastambide, une responsabl­e humanitair­e, Ana Girardot, et un homme appâté par l’argent promis en cas de succès, incarné par Sofiane Zermani. Sofiane, c’est Fianso, plume du rap et homme de scène qui, après avoir fait danser la France entière à coups de rimes aiguisées, s’attaque à une nouvelle carrière : acteur. À son palmarès, « Les Sauvages », « Alger confidenti­el », « Hors-Saison » ou encore « Sous emprise »...

Nous sommes allés le rencontrer, lui le nouvel acteur, dans une chambre spacieuse d’un Palace parisien. Café à la main, détendu, humble mais déterminé, c’est un artiste heureux de se raconter que l’on a découvert. Qu’on se le dise, Sofiane Zermani n’est pas venu dans le septième art jouer les touristes.

Aviez-vous vu le film d’HenriGeorg­es Clouzot avant de vous lancer dans cette aventure ?

Je l’avais vu mais je n’ai pas voulu le revoir avant le tournage afin de ne pas me pourrir la tête et ne pas tomber dans une forme d’imitation mais, en revanche, ça m’a fait découvrir ‘‘Sorcerer’’ de William Friedkin, le remake sorti en 1977. On avait un peu peur d’imiter le film original mais, finalement, Julien Leclecrq était tellement clair, avec ses idées, qu’on a réussi à faire un truc à nous.

Votre personnage est le seul à être animé par l’appât du gain, comment l’avez-vous préparé ?

Ce n’est pas le mec le plus sympa du monde, c’est un animal à sang froid, un gars qui ne perd pas le Nord. Son regard, un peu prémonitoi­re, c’est un peu moi. Je ne sais pas si j’aurais fait les mêmes choix mais j’ai beaucoup d’empathie pour lui.

Le tournage a duré dix semaines au Maroc, ce fut assez dense, physique, quels souvenirs en gardez-vous ?

Depuis le film ‘‘Sous emprise’’ pour Netflix, j’ai gardé une certaine forme physique. Pour ce projet, j’ai gonflé un peu car il fallait tenir des armes, c’était plus esthétique que de la force pure mais il fallait une vraie condition physique. C’est un film tourné dans le désert, avec beaucoup de courses, beaucoup de rythme, il fallait être capable d’encaisser le coup.

Votre carrière d’acteur a débuté il y a peu et, pourtant, elle est déjà conséquent­e, est-ce que vous vous considérez comme un acteur aujourd’hui ?

J’ai essayé d’envoyer un message à ce métier qui est l’inverse du regard que l’on a déjà sur moi, donc je n’ai pas fait de projets sur l’univers du rap ou autour de la cité et de la banlieue. Ce sont des sujets que j’ai envie de traiter mais plus tard. Avant, je voulais montrer qui j’étais avec le théâtre, des films d’auteur. Il a fallu publiqueme­nt créer Sofiane Zermani. Certains me découvrent en tant qu’acteur et ne savent pas que j’ai été chanteur. Je suis un chanteur à part entière et la schizophré­nie galopante dans mon cerveau fait que je me sens un acteur à part entière. En tout cas, j’aime qu’on le dise. (rires)

Dans une interview accordée à ‘‘Madame Figaro’’ vous avez dit que votre ‘‘réalisateu­r de rêve est celui avec qui vous vous embrouille­z tous les jours’’,

c’est-à-dire ?

Je me rends compte qu’avec le temps, je ne suis jamais aussi bon que lorsque l’on doute de moi. C’est assez caricatura­l mais j’ai besoin d’être challengé. J’aime le rapport avec un réalisateu­r où l’on danse ensemble, on est raccord sur tout mais j’aime aussi le conflit, la confrontat­ion, qu’on se heurte, car cela crée des accidents qui peuvent être gravés sur pellicule.

Vous ne vous mettez pas beaucoup de limites, vous ambitionne­z un César, une Palme d’or, et vous le dites publiqueme­nt...

On n’est pas venu pour tricoter. J’arrive de la musique et, toute humilité posée, on y a tout gagné. Le jour où le cinéma m’invite, je ne viens pas pour faire un seul tour mais pour marquer le truc. J’aime ce côté ambitieux. Je viens de trop loin pour m’arrêter à ça, je n’ai aucune honte, aucune pudeur, pour dire que si je joue au football, c’est pour gagner la Ligue des champions. C’est une autre manière pour moi de faire partie de la vie des gens.

Être acteur, c’est un rêve de môme ou un accident ?

Une porte s’est ouverte avec la série « Les sauvages » de Rebecca Zlotowski et j’ai pris goût à ça. Jusqu’à la série, je n’ai pas d’agent, je n’en avais pas besoin. Et puis on m’invite au cinéma, on m’y fait croire… Ce n’était pas un plan de carrière au départ mais c’est addictif de fou. J’ai eu la chance de donner la réplique à des gens passionnés à mes débuts et c’est comme ça que je prends mon pied. Depuis ‘‘Le Salaire de la peur’’, j’ai tourné cinq longs-métrages. On me propose des projets qui ne sont pas refusables…

« J’ai essayé d’envoyer un message à ce métier qui est l’inverse du regard que l’on a déjà sur moi »

« Je ne viens pas pour faire un seul tour mais pour marquer le truc »

Est-ce que cela veut dire que Fianso, c’est fini ?

Sofiane le rappeur a fait ce qu’il avait à faire. C’était un cheminemen­t. Et si le cinéma ne s’était pas mis sur ma route, j’aurai quand même basculé sur la production, l’édition et peutêtre regagné une forme d’ombre mais le cinéma me remet devant. C’est une deuxième vie artistique qui s’offre à mois. On passe des émotions, des sensations, des messages avec des films et des chansons, c’est juste que ce n’est pas le même sport… Je n’ai pas fait d’école d’acting alors je me suis frotté au monde exigeant et sans filet du théâtre pour faire mes classes, mais également aux acteurs. C’était mon école, je suis encore à l’école et elle est publique, en fait.

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(Photo Netflix) Sofiane Zermani a tourné cinq longs-métrages depuis ce remake du « Salaire de la peur ».

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