Citron pressé
CHRISTIAN HUAULT
Rédacteur en chef edito@nicematin.fr
Au pire, des laissés-pour-compte de l’emploi, au mieux, une sorte de variable d’ajustement noyée dans le maelstrom des réformes successives que décide le gouvernement : voici ce que sont peu ou prou aujourd’hui les seniors en France. Alors que devaient s’achever hier les négociations des partenaires sociaux initiées fin décembre
sur le sujet de l’emploi des seniors, rien n’est finalement définitivement acquis à l’heure où nous écrivons ces lignes, et c’est au final le gouvernement qui pourrait bien reprendre la main. Pas forcément une bonne nouvelle, tant le Premier ministre semble prévoir de la sueur et des larmes aux plus de 55 ans qui auraient l’outrecuidance de vouloir encore travailler ou qui ne seraient plus en mesure de le faire. Et il y a urgence, tant notre pays - comme dans de nombreux autres domaines -, a perdu pied sur la scène européenne. En 2022, avec un taux d’emploi des seniors
de 57 % dans la tranche d’âge des 55/64 ans, nous n’occupions en effet que le 17e rang de l’Union. Loin derrière la Suède (77,3 %), l’Allemagne (73,3 %) et les Pays-Bas (73,1 %). Trois pays qui ont depuis longtemps compris, eux, que la valeur marchande du « vieux » salarié, qui certes coûte toujours plus cher que le jeune embauché à l’entreprise, ne se calcule pas qu’à l’aune de son « prohibitif » salaire, mais bien aussi à celle de son expérience et de son savoir-faire. Alors nos chers dirigeants ont beau envisager de leur passer la pommade avec un « contrat de valorisation
de l’expérience » baptisé « CDI seniors » pour faciliter le maintien dans l’emploi des plus âgés, ils ne dupent personne avec ce qui est au final un CDD pour tempes blanches pouvant être rompu par l’employeur dès que le salarié a atteint l’âge légal de départ en retraite et peut partir avec une pension à taux plein... Pressé comme un vulgaire citron jusqu’à la dernière goutte, le senior français a intérêt à s’accrocher aux - vieilles - branches s’il ne veut pas être mis au rebut avant l’âge légal de départ à la retraite - étrange paradoxe - qu’on lui recule sans cesse !