Comment l’Académicien français est devenu consul du Portugal
Le 9 mai 1949, Rainier III monte sur le trône. Sa toute première ordonnance est consacrée au dramaturge. Le 20 mai, le nouveau prince souverain l’autorise officiellement « à exercer les fonctions de Consul du Portugal à Monaco ». Nonobstant le document officiel, signé par le Prince lui-même, on pourrait croire à un canular. L’affaire est pourtant très sérieuse. Elle trouve son origine quelques semaines plus tôt, sur le Rocher, lors d’un dîner réunissant le couple Pagnol et l’écrivain Pierre Benoît.
Entre la poire et le fromage, l’auteur de L’Atlantide se penche vers Marcel : «Je vais donner une conférence à l’Institut français de Lisbonne. Pourquoi ne viendriez-vous pas avec moi ? » Le créateur de Marius hésite. Mais les yeux azur de sa jeune épouse brillent d’enthousiasme. Il cède : « Allez, c’est d’accord ! »
Dans la capitale portugaise, l’ambassadeur de France donne une réception en l’honneur des deux académiciens. Le ministre des Affaires étrangères du président Carmona participe aux agapes. Apprenant que Pagnol réside en Principauté, il le mitraille de questions. Puis confesse, en riant, qu’il « ignore le nom du consul du Portugal à Monaco ».
« C’est parce que nous n’en avons pas, souffle un conseiller. Le dernier a déménagé à Florence. Nous devons lui trouver un remplaçant. »
« Et pourquoi pas vous, Maître ? » s’enquiert le ministre. Marcel éclate de rire. Mais l’homme poursuit sans ciller : «Ce serait un honneur pour nous. Ce n’est pas une tache très absorbante : elle ne vous occuperait que cinq minutes par trimestre. » « J’aurais le panonceau du Portugal audessus de ma porte ? » s’amuse le cinéaste.
« Parfaitement, sourit le ministre. Et vous
pourrez afficher les lettres C.C. (corps consulaire) sur la plaque de votre voiture. Il faut seulement que le gouvernement monégasque soit d’accord. »
Informés, les médias rapportent l’événement sur un ton mordant. Pagnol luimême rigole sous cape. « Lorsqu’il a reçu les tampons officiels, il s’est empressé de les perdre, raconte Raymond Castans (*). Il expliquait : “Je ne peux pas prendre le risque, un jour, de tamponner le visa d’un type qui va aller assassiner Salazar !”» Marcel Achard, le meilleur ami du dramaturge, amusa le Tout-Paris en racontant qu’au-dessus de la porte de son domicile, Pagnol avait fait apposer une plaque en cuivre portant l’inscription suivante : « Consulat du Portugal – mission diplomatique ». Et, en plus petits caractères : « Pour tout renseignement ou service, s’adresser au consulat du Portugal à Nice. »