Monaco-Matin

Le rock est-il (encore) mort ?

Manque de renouveau, absence médiatique notable, désintérêt des labels et des jeunes… Le rock, autrefois genre dominant, est-il dans le creux de la vague ?

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C’est un vieux serpent de mer, le genre de phrase qu’on entend régulièrem­ent. Décennie après décennie, la mort du rock a souvent été annoncée. Et puis, sans crier gare, sous des formes nouvelles ou en s’appuyant très fortement sur un héritage rempli de Perfecto, de Chelsea boots, de guitares saturées ou d’envolées progressiv­es, cette musique finissait à chaque fois par renaître de ses cendres.

Loin dans les classement­s

En décembre 2020, Gene Simmons, le chanteur de Kiss, était déjà prêt à refermer le cercueil. « Le rock est mort. Et c’est parce que les nouveaux groupes n’ont pas pris le temps de créer du glamour, de l’excitation et des trucs épiques. »

L’affirmatio­n du septuagéna­ire avait provoqué pas mal de dégoût. Chez les jeunes, mais aussi parmi certains « boomers » de la gratte, comme Dee Snider, du groupe heavy Twisted Sisters, ou encore Alice Cooper. Aujourd’hui ? Le patient respire encore, mais ce n’est pas la forme des grands jours. Dans le top 10 2023 des artistes les plus écoutés dans le monde de Spotify ? Aucun rockeur. En France l’an dernier, il fallait glisser vers la fin du top 20 des ventes d’albums publié par le Snep (Syndicat national de l’édition phonograph­ique) pour trouver la trace de rockeurs.

Les Italiens Måneskin, victorieux de l’Eurovision 2021, figuraient au 16e rang d’un classement dominé de la tête et des épaules par le rap et la pop urbaine, la variété à la papa s’offrant quelques apparition­s. Outre les mormons d’Imagine Dragons (17es), on trouvait les Rolling Stones, revenus en octobre dernier avec un nouveau disque, « Hackney Diamonds », au 20e rang.

Le regard dans le rétro

Bien plus loin, on trouvait la trace d’autres formations comme U2 et Depeche Mode, ainsi que deux compilatio­ns posthumes de Johnny Halliday. Autant dire que ça regarde pas mal dans le rétro. « On est dans une historisat­ion et une canonisati­on du rock. On est tellement dans une conception de la musique rock comme un classique que ça la fige », estime pour sa part Danick Trottier, professeur au départemen­t de musique de l’Université du Québec à Montréal, interrogé par le quotidien La Presse. Malgré cette dimension « patrimonia­le », l’écho médiatique est parfois

nd faible, comme lors de la disparitio­n de Shane MacGowan, chanteur des Pogues, en novembre dernier.

Moins présents en live

Si Louise Attaque, (18 festivals), Shaka Ponk, La Femme (16) ou Skip The Use (15) ont été largement programmés, les formations rock sont désormais reléguées à l’arrière-plan dans les festivals généralist­es de l’Hexagone. Dans une vidéo pour le média en ligne Néo, l’auteur-compositeu­r-interprète Hubert-Félix Thiéfaine, estime, lui, que le rock « est un petit peu en fin de parcours. Dans un festival, pour un concert de rock, il y a neuf concerts de rap. On voit qu’il n’y a plus le même appétit, notamment pour les gens de 20 ans. (...) Le rock, c’était la réclamatio­n d’un changement. C’est le rap qui a pris la relève. Et si ce genre marche, c’est parce que les jeunes en ont besoin aujourd’hui pour faire ce qu’on avait fait à 20 ans avec le rock. »

JIMMY BOURSICOT jboursicot@nicematin.fr

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(PhotoMike Coppola/Getty/AFP) Le groupe italien Måneskin est l’une des rares formations nées récemment à émerger dans le classement des meilleures ventes en France.

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