Monaco-Matin

Justice et injustices VUES PAR DEUX ROMANCIÈRE­S

Dans « Le témoin », Joy Sorman imagine un homme qui erre dans les salles d’audience et se confronte aux failles du système. Karyn Nishimura, elle, ausculte la société japonaise avec « L’Affaire Midori », l’itinéraire tragique d’une mère infanticid­e.

- JIMMY BOURSICOT jboursicot@nicematin.fr

En 2021, Joy Sorman se penchait sur l’univers de la psychiatri­e en France, avec une dimension presque documentai­re, dans « À la folie ». Trois après, la voilà immergée dans les arcanes de la justice avec « Le Témoin » (Flammarion, 288 pages, 21 euros).

Si elle a arpenté en long, en large et en travers le nouveau tribunal de Paris, l’écrivaine a choisi de raconter son expérience sous la forme d’une fiction, en plaçant un dénommé Bart au centre du récit. Un homme lambda, presque transparen­t, ayant décidé de disparaîtr­e, de larguer ses maigres possession­s pour se faire oublier, en dormant dans le faux plafond du palais de justice. Chaque jour, il choisit une nouvelle salle, observe comment les procès s’y déroulent, à quoi ressemblen­t les accusés, comment ils s’expriment, comment les garants de l’institutio­n judiciaire s’adressent à eux, comment les peines sont distribuée­s. Plus le temps passe et plus Bart est convaincu que les juges sont là pour « appliquer la loi plutôt que rendre la justice ».

Face aux rouages grippés de la machine, celui qui avait souhaité s’extraire de son monde, sans bruit ni fureur, va se retrouver dans une position étonnante, gagné par une forme de « résistance » inattendue.

Portrait mosaïque

Dans « L’Affaire Midori » (Picquier, 180 pages, 18 euros), Karyn Nishimura, correspond­ante au Japon pour Libération, Radio France et Le Point, après quinze années pour l’Agence FrancePres­se à Tokyo, nous assure que « presque tout est vrai ».

Midori Yamada, c’est une jeune femme issue d’un milieu défavorisé, désemparée après le tsunami et la catastroph­e de Fukushima, en 2011. Une épreuve de plus dans une existence déjà chaotique.

Midori, personnage-mosaïque inspiré de plusieurs femmes croisées par Karyn Mishimura dans des affaires judiciaire­s, a tué ses trois enfants et encourt la peine de mort. À partir de ce qui n’aurait pu être que la chronique sombre d’un fait divers de plus, l’autrice analyse les travers de sa profession. Mais surtout la manière dont une partie de la population touchée par l’accident nucléaire a été abandonnée, symptomati­que d’un certain manque d’empathie et d’indifféren­ce caractéris­tique du Japon, selon Mishimura. Tout en s’élevant contre l’absence de débat autour de la peine capitale et de la place des femmes dans cette société.

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Joy Sorman. (Photo Pascal Ito)
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Karyn Nishimura. (DR)

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