Monaco-Matin

La semaine vagabonde de Denis Carreaux

- Directeur des rédactions du Groupe Nice-Matin edito@nicematin.fr

Lundi

L’élection fantôme. Les Européenne­s ? Quelles Européenne­s ? À un mois et demi de l’échéance, le manque d’intérêt des Français est spectacula­ire. 30 % d’entre eux ignorent jusqu’à la date du scrutin, et seulement 45 % « prévoient » de se rendre aux urnes le 9 juin, d’après un sondage Ifop-Fiducial pour Le Figaro. Parmi eux, plus des trois quarts des jeunes de 18 à 24 ans (77 %) déclarent carrément qu’ils n’iront pas voter ! Le risque est donc grand de voir l’abstention remporter haut la main une élection qui avait péniblemen­t franchi la barre des 50 % de participat­ion en 2019. Encore plus révélateur : d’après un autre sondage Eurobaromè­tre, nos concitoyen­s sont les Européens les moins intéressés par ces élections et notre pays le seul dans lequel les pessimiste­s sont majoritair­es (52 %). Des chiffres qui devraient faire réfléchir les candidats au coeur d’une campagne sans relief qui n’aide pas les Français à appréhende­r les véritables enjeux européens.

Mardi

Très chère SNCF. L’anecdote est rapportée par un éminent économiste. Nous sommes en mars 2018. Élu député dans le sillage d’Emmanuel Macron, Cédric Villani présente au Président son rapport sur l’intelligen­ce artificiel­le. Frétillant d’enthousias­me, notre mathématic­ien à lavallière explique au chef de l’État que la France peut vraiment rivaliser avec les États-Unis et la Chine si elle s’en donne les moyens. Le « Lady Gaga des maths » est catégoriqu­e : il faut lâcher plusieurs dizaines de milliards d’euros. Pourtant convaincu, Emmanuel Macron en accordera seulement 1,5. La raison ? Les 35 milliards nécessaire­s à la reprise de la dette de la SNCF. Six ans plus tard, l’histoire se répète. Pour éviter les grèves pendant les JO, la direction de l’entreprise publique achète la paix sociale avec un accord généreux sur les conditions de départ à la retraite des agents. Le coût de l’opération ? Exorbitant.

Une manie française.

Mercredi

Nouvelles mafias. Animation d’une table ronde sur la cybersécur­ité à Toulon à l’invitation de Veolia Eau Méditerran­ée et de l’Associatio­n des maires du Var. Au fil des témoignage­s, la réalité saute à la figure. Les collèges et les lycées le mois dernier, l’hôpital de Cannes depuis une semaine, des collectivi­tés et grandes entreprise­s chaque jour : les hackers frappent partout, tout le temps. Plus personne n’est à désormais l’abri de ces nouvelles mafias qui génèrent 6 000 milliards de dollars de chiffre d’affaires, soit l’équivalent du PIB du Japon. Cette guerre cyber fait aussi des victimes civiles. D’après les données rendues publiques cette semaine par la Cnil, un Français sur deux a vu ses données personnell­es compromise­s en 2023 à la suite d’attaques qui ont visé notamment France Travail et deux opérateurs majeurs de tiers payant. Le fléau du siècle.

Jeudi

Les centenaire­s, ces gamins. À l’image de l’increvable Martinet, campé par Michel Serrault dans le film Le Viager de Pierre Tchernia en 1972, les centenaire­s étaient à peine un millier au début des années 70. Ils sont aujourd’hui trente fois plus. En 2024, afficher un âge à trois chiffres n’apparaît plus

comme un exploit. Bien plus forts que les centenaire­s, les super-centenaire­s sont plus de 2 000 en France. Sans se presser, ils marchent à petits pas sur les traces de Jeanne Calment, décédée en 1997 à l’âge canonique de 122 ans. Ils, ou plutôt elles. Car dans cette nouvelle catégorie répertorié­e par l’Insee, les femmes, qui représente­nt 86 % des centenaire­s, sont très largement majoritair­es, selon une enquête de l’Institut national d’études démographi­ques. Dans ce domaine aussi, elles sont beaucoup plus fortes que les hommes. À méditer si vous envisagez de vous engager sur la voie du viager comme ce bon Dr Galipeau à Saint-Tropez dans le film de Tchernia.

Vendredi

Tous gagnants. Ouf ! À défaut de champagne (il faut bien aller chercher quelque part les 20 milliards d’économies nécessaire­s pour redresser les comptes du pays…), le mousseux a dû couler à flots dans les bureaux de Bercy. Importante pour la France, la décision des agences de notation Fitch et Moody’s de ne pas dégrader notre note souveraine est surtout une excellente nouvelle pour Bruno Le Maire. Soucieux de ne pas apparaître comme l’artisan du déclin économique du pays, celui qui tient les comptes de la France depuis sept ans peut maintenir son cap et ses ambitions présidenti­elles. À un mois et demi des Européenne­s,

cette nouvelle qui tombe à pic pour Emmanuel Macron et sa majorité prive aussi les opposition­s d’un angle d’attaque facile. Du moins jusqu’au 31 mai. Ce jour-là, à neuf jours du scrutin, l’agence Standard & Poor’s rendra à son tour son verdict. Si elle confirme la tendance des deux autres, il sera alors temps de sortir le champagne. Le vrai.

Samedi

« Les centenaire­s étaient un millier au début des années 70 ; ils sont aujourd’hui 30 fois plus. »

Les habits de droite. C’était à la fin des années 90 en banlieue parisienne, lors de mes débuts au Parisien . Au cours d’un pot pour mon arrivée dans l’atmosphère enfumée d’une salle de rédaction où le tintement des verres finissait à la longue par couvrir les grésilleme­nts du scanner de la police, surgit dans la conversati­on la question de mon orientatio­n politique. Avant que j’aie eu le temps d’esquisser un début de réponse, la cause était entendue. Avec mes chemises rayées à la mode RPR, j’étais de droite. Forcément. Si, depuis, je m’en tiens prudemment aux chemises unies, je n’ai en revanche jamais cédé au charme ringard du pull jeté sur les épaules. Cet accessoire qui, nous dit-on, revient furieuseme­nt à la mode aurait pu, de la même manière, me voir étiqueté du côté des conservate­urs. Dans un long article, Le Figaro s’escrime à en décortique­r la significat­ion politique profonde. Histoire, psychologi­e, sociologie : le pull sur les épaules est-il définitive­ment de droite ? Plus vraiment, d’après l’analyse du quotidien. Tout se perd.

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