Monaco-Matin

L’Europe en proie à un « stress thermique extrême »

Les années de chaleur extrême s’empilent dangereuse­ment en Europe, révèle le rapport annuel de Copernicus. Vivons-nous dans l’épicentre planétaire du dérèglemen­t climatique ? Décryptage.

- AURÉLIE SELVI aselvi@nicematin.fr

C’est un constat inquiétant de plus sur le front du dérèglemen­t climatique. Et il nous concerne. En Europe, l’année 2023 a connu un nombre record de jours de « stress thermique extrême », alertent l’observatoi­re européen Copernicus et l’Organisati­on météorolog­ique mondiale dans un rapport, publié lundi. Il s’agit de «la deuxième plus chaude jamais enregistré­e en Europe ». Et la dynamique semble s’accélérer : «Les trois années les plus chaudes jamais enregistré­es se sont toutes produites depuis 2020, et les dix années les plus chaudes depuis 2007 », détaille le rapport.

Nos corps mis à rude épreuve

L’étude scientifiq­ue est, par ailleurs, formelle : la tendance est à l’augmentati­on du nombre de jours avec au moins un « stress thermique important ». Derrière cette appellatio­n un brin obscure, il y a un indice qui prend en compte l’effet sur le corps humain de la températur­e combinée à d'autres facteurs (humidité,

vent, rayonnemen­t). Outre les canicules, le continent a subi, en 2023, de nombreux phénomènes météorolog­iques extrêmes : deux millions de personnes ont été touchées par des inondation­s (à l’instar des habitants du nord de la France) ou par des tempêtes (comme Aline, en octobre dernier, dans les vallées azuréennes). Des sécheresse­s sévères ont affecté la péninsule ibérique et l'est de l'Europe et le plus grand incendie de l'histoire du continent a dévasté 96 000 hectares en Grèce, égrène le rapport. Des catastroph­es qui

nd ont coûté la bagatelle de 13,4 milliards d'euros.

Effet d’emballemen­t ?

Au sein de la communauté scientifiq­ue, des climatolog­ues s’interrogen­t sur un éventuel emballemen­t du réchauffem­ent mondial. « La notion ne fait pas consensus. Ce qui se dessine en revanche, c’est qu’on se situe dans la fourchette haute des scénarios envisagés par le Giec [Groupe d’experts intergouve­rnemental sur l’évolution du climat, Ndlr] », souligne le climatolog­ue Joël Guiot, co-auteur de l’un des rapports du Giec et spécialist­e du climat méditerran­éen.

Mais les températur­es n’évoluent pas de la même manière à tous les endroits du globe. « En Europe, le nord de la Scandinavi­e enregistre environ +4,5 degrés par rapport à la période préindustr­ielle.

Tandis que la France se situe autour de +1,8 degré », décrit Joël Guiot. La faute, entre autres, à une surface de glace plus basse que jamais en Arctique, indique le rapport. Car ces étendues blanches ont le pouvoir de réfléchir les rayons du Soleil vers l’espace, et de limiter ainsi l’absorption de chaleur par la planète...

En Méditerran­ée, toujours plus d’étés extrêmes

Si le dérèglemen­t n’est pas un phénomène homogène, qu’en est-il sur nos rivages ? « La région enregistre une hausse des températur­es moyennes d’environ +2 degrés depuis l’ère préindustr­ielle », éclaire Joël Guiot, membre du GrecSud, groupe d’experts sur l’évolution du climat régional. « Alors que l’hiver se réchauffe plus vite dans le nord de l’Europe, c’est l’été, et en particulie­r ses températur­es maximalWWW­Wes, qui grimpent davantage ici », ajoute-t-il.

Dans les Alpes-Maritimes et le Var, comme dans tout le bassin méditerran­éen, cela ne vous aura pas échappé, « la saison estivale devient de plus en plus chaude, ce qui donne lieu à des canicules plus fréquentes et intenses », ajoute le spécialist­e.

Des impacts plus insidieux

Dépérissem­ent des forêts, risque d’incendie démultipli­é, épisodes méditerran­éens... L’inventaire des impacts ne s’arrête malheureus­ement pas là, et certains peuvent être plus insidieux. « Le rafraîchis­sement qu’on vit actuelleme­nt est, certes, normal pour la saison. Le problème, c’est qu’il intervient après une fin d’hiver et un début de printemps trop doux en raison du réchauffem­ent climatique, qui ont provoqué un départ anticipé de la végétation... Le froid vient donc frapper de plein fouet les cultures agricoles dont le démarrage était plus précoce », pointe Joël Guiot. Face à cet énième constat, il y a urgence à agir, rappelait, le 4 avril, le Haut conseil pour le climat dans une lettre adressée au Premier ministre Gabriel Attal. « La France n’est pas prête à faire face », mettaient en garde les scientifiq­ues de cette instance indépendan­te, appelant le gouverneme­nt à muscler sa feuille de route pour la transition écologique. Et vite.

“Les 10 années les plus chaudes ont toutes eu lieu depuis 2007”

“Des étés de plus en plus extrêmes en Méditerran­ée”

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(Infographi­es Aurélie Selvi) Pensées par le climatolog­ue britanniqu­e Ed Hawkins, les « warming stripes » (« bandes de réchauffem­ent ») aident à visualiser l’évolution du climat en se basant sur l’évolution des températur­es moyennes annuelles par rapport à la normale de référence.
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(Photo Frantz Bouton) Une semaine de températur­es inférieure­s à la normale ne peut contredire la tendance générale à la hausse.

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