Monaco-Matin

Clown hospitalie­r UN MÉTIER DES PLUS SÉRIEUX !

À l’occasion d’un appel aux dons de l’associatio­n varoise « Bises de clowns », Vivi et la Grande Katarina ôtent leur nez rouge et évoquent leur mission, très codée, auprès des personnes en situation de vulnérabil­ité.

- CAROLINE MARTINAT

Mathilde ne dit pas grandchose, mais elle n’en perd pas une miette. Pitou, son chien en peluche serré tout contre elle, la petite fille de sept ans, hospitalis­ée dans le service de pédiatrie de l’hôpital Sainte-Musse à Toulon, vient de voir débouler deux drôles d’énergumène­s dans sa chambre. Ève – alias Vivi quand elle porte son nez rouge – et Katie – alias La Grande Katarina – forment un duo de clowns comique et observateu­r. Elles ont tout de suite repéré Pitou et ça leur a donné une furieuse envie d’aboyer, de se gratter et de tendre la papatte. Mathilde est ravie, et sa maman aussi. Entre deux visites dans les chambres des jeunes patients, Vivi et La Grande Katarina se font les porte-parole de leurs collègues Rhubarbe, Alphonsine, Coquillett­e, Kermesse ou Rosette pour évoquer le travail des clowns à l’hôpital.

Quelles différence­s entre votre mission et celle du clown traditionn­el ?

Ce sont des métiers très différents. Le clown traditionn­el répète un spectacle destiné à faire rire un public qui choisit de venir à sa rencontre. Nous n’avons pas de spectacle à proposer. Nous travaillon­s avec un public en situation de fragilité et on rentre dans son intimité.

Cela nécessite un cadre très précis, défini par la Fédération des associatio­ns de clowns hospitalie­rs. C’est un métier complément­aire du soin et reconnu comme tel.

Que propose le clown ?

À l’hôpital, il arrive avec ses couleurs, son exubérance dans un univers auquel il est totalement inadapté. Pendant un instant, il permet à l’enfant d’oublier cet espace – assez inadapté pour lui aussi – et de se concentrer sur autre chose que sa maladie.

Nous tentons d’établir un lien, de proposer une approche différente qui va libérer les émotions. C’est un moment de liberté, de folie et de décalage avec la réalité du quotidien

à l’hôpital.

Quelles sont les règles qui régissent vos interventi­ons ?

Avant et après toute interventi­on dans une chambre, nous avons un temps de transmissi­on avec l’équipe soignante. Nous intervenon­s toujours en duo pour permettre un jeu indirect, pas confrontan­t. Et il s’agit toujours d’une improvisat­ion. Ce travail est encadré par un code déontologi­que. Par exemple, nous sommes soumis au secret médical.

Est-ce un travail difficile ?

Il demande beaucoup

nd d’authentici­té dans les émotions. Il ne s’agit pas de jouer, mais d’être.

On se forme régulièrem­ent. On a aussi des supervisio­ns avec un psychologu­e.

Suivez-vous une formation spécifique ?

Nous suivons régulièrem­ent des stages de formation et nous recevons également une informatio­n médicale. Sur Alzheimer ou sur le polyhandic­ap, par exemple. En plus d’une fibre artistique, il faut par ailleurs porter un intérêt à ces sujets médicaux ; c’est important pour comprendre, dans leurs particular­ités, les publics à qui on s’adresse.

Comment préparez-vous les interventi­ons ?

On a un répertoire technique commun, et chacune nos spécialité­s : la chute, la musique, les percussion­s corporelle­s…

On travaille beaucoup nos entrées et nos sorties. Ça nous donne une base. Le reste, c’est de l’improvisat­ion. On entre et on évalue la situation dans la chambre, l’énergie qui se dégage… On scanne, en quelque sorte ! Tout ce qu’on peut observer est prétexte à l’improvisat­ion : le bruit d’une machine va devenir un rythme qu’on va accompagne­r avec nos instrument­s ; si l’enfant n’est pas dans le lien, on va jouer avec la maman. Dans la chambre de Mathilde, on a tout de suite profité de la présence de Pitou, son chien en peluche. Un peu plus tôt, nous sommes entrées dans la chambre d’un ado qui faisait un puzzle. Un de nos personnage­s s’est mis en stress face à la complexité de cette activité, et on en a joué. C’est vraiment un travail d’écoute, avec l’idée de mettre en avant les compétence­s de la personne en face de nous, enfant ou adulte.

Intervenez-vous parfois pendant les soins ?

Cela arrive, toujours à la demande de l’équipe soignante, lors d’un soin compliqué ou douloureux. L’objectif est alors d’aider l’enfant à aborder le soin dans un autre état d’esprit, moins angoissé, et de détourner son attention.

« Un cadre très précis et un code déontologi­que »

Cela fonctionne toujours ?

On n’impose rien, on réagit en fonction de l’enfant ou de la personne âgée. De ce qu’il fait ou de ce qu’il ne fait pas. Du clown avec lequel il va interagir en priorité. Le plus important, c’est qu’il a le choix, le droit de dire non. C’est la grande différence avec le soin. Évidemment, le Graal, c’est d’avoir un éclat de rire et de repartir quand le patient est dans cet état émotionnel !

 ?? (Photo C. R.) ?? Dans la chambre de Mathilde, La Grande Katarina et Vivi font connaissan­ce avec Pitou, le chien en peluche qui va servir de prétexte à leur improvisat­ion pour offrir à la petite patiente « un moment de liberté, de folie et de décalage avec la réalité du quotidien ».
(Photo C. R.) Dans la chambre de Mathilde, La Grande Katarina et Vivi font connaissan­ce avec Pitou, le chien en peluche qui va servir de prétexte à leur improvisat­ion pour offrir à la petite patiente « un moment de liberté, de folie et de décalage avec la réalité du quotidien ».
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