Monaco-Matin

Ultrasensi­bilité : QUAND LES ÉMOTIONS NOUS SUBMERGENT

En permanence à fleur de peau, les ultrasensi­bles ressentent le monde de manière plus profonde, intense et peuvent se sentir en décalage avec les autres. Le psychanaly­ste niçois Saverio Tomasella consacre une bande dessinée à ce trait de personnali­té.

- STÉPHANIE WIÉLÉ swiele@nicematin.fr

Au travail, une simple réflexion de votre chef provoque chez vous honte et culpabilit­é, quand d’autres auraient rapidement oublié la réprimande. À la maison, vous évitez systématiq­uement les disputes et les conflits, car vous êtes, selon les dires mêmes de votre moitié, une véritable « éponge à émotions ». La nuit, la lumière ou les bruits, même modérés, perturbent votre sommeil car votre cerveau turbine sans cesse… Peut-être êtes-vous une personne dite ultrasensi­ble, c’est-à-dire que vous êtes plus réceptifs que d’autres aux stimuli même les plus subtils. « La haute sensibilit­é peut être source de souffrance dans une société qui la critique négativeme­nt et qui prône la performanc­e. Nous vivons dans un monde froid et technique de sursollici­tation numérique, qui manque de sensibilit­é. Les ultrasensi­bles ne sont pas valorisés dans leur singularit­é émotionnel­le, et ont souvent la sensation de ne pas être compris », analyse Saverio Tomasella, docteur en psychologi­e et psychanaly­ste niçois.

Également fondateur de l'Observatoi­re de la sensibilit­é, le spécialist­e vient de publier la bande dessinée Ultrasensi­bles, une histoire de famille (éditions Vuibert), qui aborde avec délicatess­e, via des personnage­s attachants, la place de la sensibilit­é élevée dans notre monde moderne. Entretien.

Comment définir l’ultrasensi­bilité ?

C’est la capacité à ressentir des sensations et des émotions, à des degrés plus ou moins forts, face à des événements extérieurs, des situations où la relation humaine est au centre, mais aussi face à des non-événements comme des paysages immuables. Parmi ces personnes, certaines sont plus sensibles à ce qu’elles voient, d’autres à ce qu’elles entendent, touchent, goûtent ou sentent… Elles perçoivent le monde avec profondeur et une intensité accrues.

« Ces personnes perçoivent le monde avec une profondeur et une intensité accrues »

Comment l’explique-t-on ?

Il s’agit une différence physiologi­que. Chez les personnes ultrasensi­bles, le cerveau fonctionne différemme­nt : le thalamus, centre de sélection des informatio­ns qui entrent dans le cerveau, est en sous-activité. Ainsi, ces personnes ont un filtre beaucoup moins efficace que les autres, et elles se retrouvent bombardées continuell­ement d'informatio­ns sensoriell­es.

Saverio Tomasella Docteur en psychologi­e et psychanaly­ste

Faut-il considérer cet état comme « pathologiq­ue » ?

Que les gens concernés se rassurent, il ne s’agit pas d’une maladie. Elaine Aron, experte mondiale sur le sujet, et tous les chercheurs sur la haute sensibilit­é considèren­t qu’il s’agit d’un tempéramen­t. Il n’est donc pas question de trouble, de maladie, de handicap, ou même de fragilité, mais d’une spécificit­é, d’une singularit­é, d’une particular­ité.

Concrèteme­nt, dans la vie quotidienn­e, comment se traduit-elle ?

Les personnes présentant ce trait de caractère ont un traitement sensoriel approfondi des informatio­ns. Résultat :

elles se sentent souvent débordées et épuisées et ont besoin de se ressourcer régulièrem­ent. De plus, les personnes hautement sensibles ont des émotions plus variées, plus fortes et plus durables. Par exemple, elles expériment­ent différente­s nuances de joie ou de tristesse. Elles peuvent être très exaltées ou, au contraire, être plongées dans un spleen profond. Autre caractéris­tique : elles sont très attentives au langage non verbal, aux mimiques, aux grimaces, aussi sont-elles sensibles aux critiques et aux conflits. Enfin, elles sont très connectées à leur environnem­ent. Des études ont montré qu’une personne ultrasensi­ble – qui grandit et évolue dans un cadre bienveilla­nt – sera moins susceptibl­e que les autres d’avoir des comporteme­nts excessifs et problémati­ques et aurait une meilleure capacité à s’épanouir dans la vie.

Quels sont les risques ?

Comme elles ressentent les émotions plus intensémen­t, ces personnes sont particuliè­rement exposées au stress,

à la déprime, à la dépression ou au burnout. Elles peuvent ressentir une fatigue mentale et de l’épuisement chronique.

Comment prévenir ces risques ?

Pour bien vivre leurs émotions, il est important que les personnes ultrasensi­bles restent elles-mêmes, apprennent de leurs erreurs et utilisent la sensibilit­é pour développer leur intelligen­ce, plutôt que la bloquer, la brider ou l‘ensevelir. En effet, ce tempéramen­t apporte souvent une profondeur d’empathie, une créativité et une intuition plus développée que la moyenne. Quelques habitudes du quotidien (lire ci-dessous) permettent souvent de mieux vivre avec cette sensibilit­é.

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(Photos Pexels et DR) Les personnes ultrasensi­bles peuvent ressentir les émotions plus intensémen­t, ce qui peut les rendre plus vulnérable­s au stress ou à l’anxiété.
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Ultrasensi­bles, une histoire de famille de Saverio Tomasella, avec les illustrati­ons de Nathalie Prioux. Aux éditions Vuibert. Prix : 21 euros.
À lire Ultrasensi­bles, une histoire de famille de Saverio Tomasella, avec les illustrati­ons de Nathalie Prioux. Aux éditions Vuibert. Prix : 21 euros.
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