Ultrasensibilité : QUAND LES ÉMOTIONS NOUS SUBMERGENT
En permanence à fleur de peau, les ultrasensibles ressentent le monde de manière plus profonde, intense et peuvent se sentir en décalage avec les autres. Le psychanalyste niçois Saverio Tomasella consacre une bande dessinée à ce trait de personnalité.
Au travail, une simple réflexion de votre chef provoque chez vous honte et culpabilité, quand d’autres auraient rapidement oublié la réprimande. À la maison, vous évitez systématiquement les disputes et les conflits, car vous êtes, selon les dires mêmes de votre moitié, une véritable « éponge à émotions ». La nuit, la lumière ou les bruits, même modérés, perturbent votre sommeil car votre cerveau turbine sans cesse… Peut-être êtes-vous une personne dite ultrasensible, c’est-à-dire que vous êtes plus réceptifs que d’autres aux stimuli même les plus subtils. « La haute sensibilité peut être source de souffrance dans une société qui la critique négativement et qui prône la performance. Nous vivons dans un monde froid et technique de sursollicitation numérique, qui manque de sensibilité. Les ultrasensibles ne sont pas valorisés dans leur singularité émotionnelle, et ont souvent la sensation de ne pas être compris », analyse Saverio Tomasella, docteur en psychologie et psychanalyste niçois.
Également fondateur de l'Observatoire de la sensibilité, le spécialiste vient de publier la bande dessinée Ultrasensibles, une histoire de famille (éditions Vuibert), qui aborde avec délicatesse, via des personnages attachants, la place de la sensibilité élevée dans notre monde moderne. Entretien.
Comment définir l’ultrasensibilité ?
C’est la capacité à ressentir des sensations et des émotions, à des degrés plus ou moins forts, face à des événements extérieurs, des situations où la relation humaine est au centre, mais aussi face à des non-événements comme des paysages immuables. Parmi ces personnes, certaines sont plus sensibles à ce qu’elles voient, d’autres à ce qu’elles entendent, touchent, goûtent ou sentent… Elles perçoivent le monde avec profondeur et une intensité accrues.
« Ces personnes perçoivent le monde avec une profondeur et une intensité accrues »
Comment l’explique-t-on ?
Il s’agit une différence physiologique. Chez les personnes ultrasensibles, le cerveau fonctionne différemment : le thalamus, centre de sélection des informations qui entrent dans le cerveau, est en sous-activité. Ainsi, ces personnes ont un filtre beaucoup moins efficace que les autres, et elles se retrouvent bombardées continuellement d'informations sensorielles.
Saverio Tomasella Docteur en psychologie et psychanalyste
Faut-il considérer cet état comme « pathologique » ?
Que les gens concernés se rassurent, il ne s’agit pas d’une maladie. Elaine Aron, experte mondiale sur le sujet, et tous les chercheurs sur la haute sensibilité considèrent qu’il s’agit d’un tempérament. Il n’est donc pas question de trouble, de maladie, de handicap, ou même de fragilité, mais d’une spécificité, d’une singularité, d’une particularité.
Concrètement, dans la vie quotidienne, comment se traduit-elle ?
Les personnes présentant ce trait de caractère ont un traitement sensoriel approfondi des informations. Résultat :
elles se sentent souvent débordées et épuisées et ont besoin de se ressourcer régulièrement. De plus, les personnes hautement sensibles ont des émotions plus variées, plus fortes et plus durables. Par exemple, elles expérimentent différentes nuances de joie ou de tristesse. Elles peuvent être très exaltées ou, au contraire, être plongées dans un spleen profond. Autre caractéristique : elles sont très attentives au langage non verbal, aux mimiques, aux grimaces, aussi sont-elles sensibles aux critiques et aux conflits. Enfin, elles sont très connectées à leur environnement. Des études ont montré qu’une personne ultrasensible – qui grandit et évolue dans un cadre bienveillant – sera moins susceptible que les autres d’avoir des comportements excessifs et problématiques et aurait une meilleure capacité à s’épanouir dans la vie.
Quels sont les risques ?
Comme elles ressentent les émotions plus intensément, ces personnes sont particulièrement exposées au stress,
à la déprime, à la dépression ou au burnout. Elles peuvent ressentir une fatigue mentale et de l’épuisement chronique.
Comment prévenir ces risques ?
Pour bien vivre leurs émotions, il est important que les personnes ultrasensibles restent elles-mêmes, apprennent de leurs erreurs et utilisent la sensibilité pour développer leur intelligence, plutôt que la bloquer, la brider ou l‘ensevelir. En effet, ce tempérament apporte souvent une profondeur d’empathie, une créativité et une intuition plus développée que la moyenne. Quelques habitudes du quotidien (lire ci-dessous) permettent souvent de mieux vivre avec cette sensibilité.