Fait-on « mieux » l’amour QUAND ON EST... AMOUREUX ?
Érotisation et libido font-ils bon ménage avec le sentiment amoureux ? La proximité émotionnelle favorise-t-elle la satisfaction sexuelle, ou l’inhibe-t-elle ? À ces questions complexes, le Dr Carol Burté, sexologue, apporte des réponses très nuancées.
Ne dit-on pas « faire l’amour », associant ainsi implicitement amour et sexe ? Le plaisir sexuel ne trouveraitil son apogée qu’au sein du couple ? Est-il possible de prendre du plaisir, voire encore davantage, avec quelqu’un dont on n’est pas ou plus amoureux ? Les réponses, tout en nuances, du Dr Carol Burté, spécialiste en médecine sexuelle.
Sexe, amour, faut-il déjà définir ce que l’on entend par ces mots ?
Oui, ça me semble important dans la mesure où chacun d’entre nous a sa propre définition. On appréhende la sexualité à l’aune de nos connaissances, expériences, de notre éducation aussi, même si, bien sûr, cette perception est influencée par la société dans laquelle on vit. Lorsque l’on parle d’amour, ça n’est pas très différent ; certains différencient bien l’attirance du sentiment amoureux ou de l’amour, d’autres disent aimer au bout de deux rendez-vous. Chacun a ses propres valeurs, croyances et limites en matière de relations intimes, qu’elles soient sentimentales ou sexuelles. Et on peut noter qu’après des siècles d’interdits, parler de sexualité devient, fort heureusement, de moins en moins tabou ; par contre, parler de sentiments semble au contraire le devenir.
Quand on évoque les liens entre sexe et sentiment, on pense surtout aux hommes, peu aux femmes. Pourquoi ?
Très longtemps, il a été « admis » qu’une femme devait forcément aimer son partenaire pour avoir des relations sexuelles avec lui. À l’opposé, concernant les hommes, il y a toujours eu une sorte de séparation entre sexe et sentiments. Aujourd’hui, la relation entre sexualité et amour est vécue, pensée, avec beaucoup plus de complexité ; les ressentis varient beaucoup d’une personne à l’autre, femme ou homme, et évoluent aussi avec le temps et les expériences de vie.
Spontanément, nous serions tentés de
penser que l’amour contribue à une meilleure expérience sexuelle...
Chez beaucoup de personnes, la confiance et la connexion émotionnelle favorisent effectivement une meilleure communication au sujet des désirs et des limites ; les partenaires qui s'aiment comprennent mieux les besoins, les préférences de l'autre, conduisant à une meilleure satisfaction sexuelle. L’intimité amoureuse renforce par ailleurs l'intimité physique ; se sentir connectés émotionnellement peut rendre l'expérience sexuelle plus intense et épanouissante. Enfin, les personnes engagées dans une relation amoureuse seront plus enclines à investir du temps et de l’énergie dans la satisfaction sexuelle de leur partenaire, créant ainsi une expérience plus enrichissante pour les deux.
« Condamnés » dès lors à aimer pour être sexuellement épanouis ?
Certainement pas ! L'idéalisation de l'amour peut créer des attentes élevées, voire démesurées, tant sur le plan émotionnel que sexuel, qui vont influencer la manière dont certaines personnes vivent la dimension sexuelle de la relation. Pour ces personnes, la relation doit être parfaite, à tous niveaux. Les partenaires ont alors plus de difficulté à accepter les imperfections de l’autre et les réalités de la vie sexuelle, ce qui peut entraîner des tensions dans la relation. Il peut y avoir aussi une crainte de décevoir le partenaire, qui va générer des inhibitions et des difficultés à s'exprimer pleinement sur le plan sexuel, voire conduire à des dysfonctions sexuelles. Certains, enfin, associent l'amour à des idéaux romantiques ; ils ont une vision particulière du sexe qui n’est pas forcément partagé par l’autre. Le risque aussi, pour ces couples qui idéalisent l’amour, c’est que lorsque le sentiment n’est plus là, quelle qu’en soit la raison, le désir s’efface – et donc la sexualité –, ce qui forcément
met le couple en péril.
Séparer sexe et sentiments peut-il constituer un atout pour la libido du couple ?
C’est en tout cas ce dont témoignent les personnes privilégiant les relations sans engagement émotionnel important. Pour elles, séparer le sexe des sentiments permet une plus grande liberté pour se concentrer davantage sur leur propre épanouissement sexuel, sur l'apprentissage de leurs désirs, de leurs limites et de ce qui leur procure du plaisir, sans se sentir liées émotionnellement à une autre personne.
Votre point de vue sur ce « clivage » ?
Il est certain qu’impliquer des sentiments dans une relation sexuelle peut parfois compliquer les choses. En séparant le sexe des sentiments, on peut maintenir des relations plus simples et claires. Cela peut permettre de se sentir libre pour avoir plus de relations et expérimenter davantage de fantasmes. Mais, en réalité, c’est souvent parce qu’elles ne veulent plus être blessées après avoir vécu une histoire d’amour malheureuse que certaines personnes séparent sexe et sentiments.
« Au sujet des hommes, il y a toujours eu une sorte de séparation entre sexe et sentiments » Dr Carol Burté spécialiste en émdecine sexuelle
Alors sexe et amour, vrais ou faux amis ?
La question du sexe et des sentiments est très complexe. La réponse est bien sûr individuelle et relationnelle. Le point commun est sans doute la communication et le respect des attentes de l’autre. Comme dans beaucoup de domaines, la bonne attitude n’est sans doute pas l’une ou l’autre, mais un peu des deux : vivre une sexualité épanouie, pour soi-même et pour l’autre, avec une bonne intimité émotionnelle tout en connaissant la fragilité de l’amour et du désir, et sans avoir peur ni de l’un ni de l’autre.