Monaco-Matin

Omar Sy : « C’était le bon moment pour me raconter »

Star mais fidèle à ses origines, l’acteur se confie dans « Viens, on se parle », un livre issu de conversati­ons avec la journalist­e Elsa Vigoureux, où il évoque « tout ce qui [le] compose ».

- PROPOS RECUEILLIS PAR SAMUEL RIBOT / ALP 1. Viens, on se parle, Omar Sy et Elsa Vigoureux. Éditions Albin Michel, 288 pages, 19,90 euros.

Star planétaire depuis le succès d’Intouchabl­es en 2011, tête de gondole de Netflix avec la série Lupin, Omar Sy mène entre Paris et Los Angeles une carrière internatio­nale qui a fait de lui l’un des acteurs français les plus connus et les plus appréciés. Dans un livre d’entretiens il accepte pour la première fois de lever le voile sur sa vie, sa trajectoir­e, son rapport au succès et l’importance de ses liens familiaux. Entretien.

Vous n’étiez pas chaud au début pour faire ce livre. Pourquoi ?

Au départ, je n’en voyais pas l’intérêt. Aujourd’hui, le livre a toute sa raison d’être.

Parce que ça raconte le parcours d’un homme, mais que ça évoque surtout tout ce qui me compose : la trajectoir­e d’un jeune Français qui se retrouve exposé à ce niveau, qui suit ce chemin artistique, qui vit toutes ces rencontres incroyable­s en étant aussi un gamin de banlieue, un fils d’immigrés… C’est ce mélange-là qui fait, à mon avis, l’intérêt du livre. La forme aussi est importante, parce qu’il s’agit d’une conversati­on avec la journalist­e Elsa Vigoureux. Je ne voulais surtout pas d’un texte dans lequel je délivre ma « vérité ». Le format de la conversati­on permet d’éviter ce travers.

Dans le livre, vous apparaisse­z extrêmemen­t attaché à votre intimité. Comment avez-vous finalement accepté de vous livrer sur certains de ces sujets ?

C’est encore une fois grâce à ce mode d’écriture : dans une conversati­on, vous abordez des sujets plus facilement que dans un échange question-réponse. Après, je ne le cache pas : on pouvait tout se dire, mais tout ne pouvait pas forcément se retrouver dans le livre. J’aurais d’ailleurs pensé la censurer beaucoup plus ! Mais ce qui relève de l’intime ne m’a pas dérangé lorsque je l’ai lu. C’est pour ça qu’il y a dans le livre des choses que je n’avais jamais dites. Je pense que c’était le bon moment dans ma vie pour accepter de raconter ça. Avec ce livre, je parle aussi à ma famille : mes enfants, ma femme, mes parents, mes frères et soeurs. C’est une déclaratio­n d’amour pour les miens.

Dans ce livre, vous faites la distinctio­n entre « Omar » et « Omar Sy ». Qu’est-ce que cela signifie ?

Le Omar Sy dont je parle dans le livre, ça n’est pas vraiment moi* mais plutôt la projection que les autres font sur moi. J’ai fait ce travail il y a longtemps : je sais que ce personnage public, ce n’est pas moi et que ce que les gens projettent sur moi, je ne pourrai jamais leur donner. Je sais que je ne peux pas répondre aux attentes de tout le monde. Selon moi, d’ailleurs, ceux qui se mettent à faire ça prennent le risque de se perdre ou de devenir dingues. Mais je vous rassure : tout va bien, je suis en accord avec moi-même (sourire).

« Je suis Omar Sy, cette personne dont tout le monde parle, ce concept commercial », écrivezvou­s. C’est rare d’exprimer de façon aussi claire cette lucidité…

Je sais très bien qui je suis, d’une part, et ce que je peux représente­r, d’autre part. Ce concept commercial, j’en ai évidemment conscience, et heureuseme­nt, d’autant que j’en tire aussi avantage ! Je suis convaincu que, dans ma situation, cette lucidité est très importante pour continuer d’aller bien.

« En 2011, je vivais et j’offrais des choses incroyable­s aux gens. Il fallait croire en Dieu parce que sinon, on finit par croire que Dieu, c’est soi-même », confiez-vous. Il fallait que vous quittiez la France après le succès d’Intouchabl­es ?

Tout ce qui m’était donné à ce moment-là était énorme, et je le réalisais pleinement. Mais je me disais :

« C’est beaucoup pour un être humain. »

Et dans ces circonstan­ceslà, on peut basculer dans autre chose, se croire supérieur, se voir comme un surhomme. Or, dans mon éducation, il n’y a ni surhomme ni sous-homme. Je veux bien avoir des particular­ités, et je le vis très bien, mais je ne suis pas extraordin­aire au sens strict du terme. Je voulais donc éviter de partir sur une fausse piste. Ce que je dis dans le livre, c’est que dans ces circonstan­ces-là, quand un succès pareil te tombe dessus, si tu ne crois pas en Dieu, tu cours effectivem­ent le risque de croire que tu en es un…

Vous dites que la célébrité est un piège. Vous considérez­vous à l’abri de ce piège ?

Je n’en ai aucune idée ! (Sourire) Ce qui est sûr, c’est que le piège a existé. Mais j’entretiens aujourd’hui un rapport avec la célébrité qui me convient. Est-ce que je suis dans le vrai par rapport à ça ? Ce n’est pas à moi de le dire.

Vous dites que vous doutez en permanence, mais que vous ne ressentez pas d’inquiétude…

Le doute est là en permanence, oui, mais c’est un moteur. C’est comme la peur : il s’agit de signaux qui provoquent une réaction, qui vous poussent à agir. L’inquiétude, au contraire, c’est paralysant. Je pense qu’il faut accepter d’être humain et de commettre des erreurs. Ça fait partie de l’apprentiss­age de la sagesse. Mais il ne faut pas être paralysé.

Vous dites : « Moi, je suis un pauvre. Ma vie, c’est un peu comme si j’étais en colonie de vacances chez les riches. » C’est une façon de rester fidèle à vos origines sociales ?

La première chose, c’est que cela fait partie de moi : je ne maîtrise pas cette origine sociale. La deuxième, c’est que même si je vis très bien ma condition sociale aujourd’hui, j’essaie de faire en permanence ce pas de côté. C’est comme ça qu’on grandit ; en restant capable de se regarder objectivem­ent.

Je m’y emploie tous les jours, même si je ne peux pas vous affirmer que j’y arrive !

Vous avez peu de projets cinématogr­aphiques en France. Pourquoi ?

Il y a deux facteurs : d’abord, je ne reçois pas de projets qui me proposent quelque chose de nouveau, que je n’ai pas encore fait. Or, je ne veux surtout pas me répéter. Ensuite, je veux m’investir dans des projets qui correspond­ent aux valeurs que j’ai envie de porter. Et c’est vrai que je n’en reçois pas beaucoup. C’est d’ailleurs pour ça que j’ai créé mes propres structures de production.

Vous dites avoir peu d’attirance pour les personnage­s sombres…

Je ne me vois pas interpréte­r un personnage sans possibilit­é de rédemption. Je pense qu’on a suffisamme­nt de destins sombres dans le monde aujourd’hui. J’ai envie de raconter autre chose en tant qu’acteur, et de voir autre chose en tant que spectateur.

C’est une déclaratio­n d’amour pour les miens”

Il y a des choses que je n’avais jamais dites”

Vous vous êtes exprimé sur les réseaux sociaux par rapport aux violences policières. Certains aimeraient que vous soyez un porte-voix. Comment voyez-vous cela ?

Lorsque je m’exprime sur les réseaux sociaux, ce n’est absolument pas prémédité. Ce sont des réactions.

Je n’ai pas de méthode de communicat­ion particuliè­re. Et si je suis le porte-voix de quelqu’un, ce n’est que de moi-même.

Le cinéma de Trappes, votre ville natale, a été baptisé hier de votre nom. Qu’est-ce que ça vous inspire ?

C’est le premier cinéma où je suis allé voir un film tout seul, sans mes parents. C’est quelque chose d’important, encore plus quand le cinéma devient ensuite une partie de ta vie. J’avoue que j’ai même du mal à réaliser : « Le Grenier à sel », dans ma ville, qui devient le cinéma « Omar Sy » !

Je suis hyper-touché par cette marque de reconnaiss­ance. Pour le gamin que je suis encore, c’est quelque chose de dingue !

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