Monaco-Matin

Béatrice Ephrussi de Rothschild LA BARONNE BIEN AIMÉE

A sa mort, il y a quatre-vingt-dix ans, sa célèbre villa de Saint-Jean-Cap-Ferrat est revenue à l’Académie des Beaux arts.

- ANDRE PEYREGNE

Il y a quatre-vingt-dix ans, en 1934, disparaiss­ait la baronne Béatrice Ephrussi de Rothschild. Elle n’avait pas de descendant. Elle laissait par testament à l’Académie des Beaux-Arts l’un des plus beaux joyaux architectu­raux de la Côte d’Azur : la villa du cap Ferrat, qui porte aujourd’hui son nom.

On connaît la silhouette de palais italien de cette idyllique demeure, sa façade rose dressée vers le ciel, ses portes gothiques, ses fenêtres vénitienne­s, ses jardins à la française qui montent jusqu’au temple de l’amour.

Mais on connaît moins les épisodes de la saga familiale qui ont conduit Béatrice en ce lieu. C’est ce que nous vous racontons aujourd’hui.

Une villa à Cannes

Tout a commencé au XVIIIe siècle avec Mayer Amschel Rothschild dans un ghetto de Francfort en Allemagne. Cet homme de génie sut faire fructifier son commerce de prêt sur gages et le transforme­r en banque.

Par la suite, il envoya cinq de ses fils ouvrir des succursale­s à Londres,

Paris, Vienne, Naples. C’est Jacob qui, ayant transformé son prénom en James, régna à Paris. Faisant prospérer ses affaires, il contrôla la compagnie des Chemins de fer du Nord ainsi qu’une partie de la compagnie ParisLyon-Méditerran­ée qui allait conduire le train jusque sur nos rivages. Ainsi, son épouse Betty put-elle venir à Cannes où elle fit construire la villa qui est devenue aujourd’hui la médiathèqu­e de la ville.

Grand amateur d’art, James fit construire, lui, son château de Ferrières (Seine et Marne). Il y installa ses collection­s.

Une enfance dans le luxe

Sa passion artistique, il la transmit à son fils Alphonse, lequel, tout en faisant fructifier ses affaires, continua à acquérir des oeuvres d’art et à faire des dons aux musées français. Il fut élu à l’Académie des Beaux-Arts.

C’est lui qui est le père de Béatrice, notre baronne. Celle-ci passa son enfance dans le luxe et les arts, entre un hôtel particulie­r près de la place de la Concorde à Paris et le château de Ferrières.

A 19 ans, en juin 1883, elle épousa le millionnai­re russe Maurice Ephrussi, ami de ses parents, plus âgé qu’elle de quinze ans, issu d’une famille d’Odessa dont la fortune venait de l’exportatio­n de blé.

Deux villas à Monaco

Lorsqu’il eut dilapidé une partie de sa fortune au jeu, atteignant jusqu’à 12 millions de francs de dettes en 1904, le père de Béatrice mit le hola. Le couple se sépara sans divorcer – car le divorce était mal vu à l’époque. Béatrice satisfit

A la villa Ephrussi de Rothschild au cap Ferrat, l’année 2024 a été intitulée « Année Béatrice » par sa directrice Muriel Mayette-Holz et sa directrice des collection­s Oriane Beaufils. L’année 2024 est, en effet, à la fois celle des quatre-vingt-dix ans de la mort de la baronne, décédée le 7 avril 1934 et, par voie de conséquenc­e, alors sa passion du voyage. La voici sur la Côte d’Azur. Monaco l’attire. Elle y acquiert deux villas (aujourd’hui détruites), s’installe dans un appartemen­t à l’Hôtel de Paris.

Mais avant d’arriver à Monaco se trouve le cap Ferrat – un endroit presque vierge, en dehors du port de Saint-Jean, où le roi des Belges Léopold II a su trouver refuge. A l’entrée du cap s’étend une colline rocheuse sur laquelle se dressent quelques moulins à vent. Béatrice tombe amoureuse du lieu. C’est là qu’elle décide de faire construire la villa de ses rêves. - Mais, Madame la baronne, on ne peut rien construire sur ce promontoir­e rocheux !

- Eh bien qu’on le rase ! On en fera l’un des plus beaux sites de la côte...

Béatrice de Rothschild engagea l’architecte Jacques-Marcel Auburtin, prix de Rome d’architectu­re, lui fit la liste de ses souhaits. En 1912, la colline rocheuse avait disparu, des jardins de rêve s’étalaient à la place, la merveilleu­se villa était construite et inaugurée. La baronne y vint à plusieurs reprises jusqu’à sa mort. celle des quatre-vingt-dix ans du legs de la villa à l’Académie des Beaux Arts, mais aussi l’année des cent soixante-ans de la naissance de la baronne. Béatrice Ephrussi de Rothschild est née, en effet, le 14 septembre 1864 à l’hôtel Talleyrand à Paris (ancien Consulat des États-Unis). Pour célébrer ce double événement, la direction de la villa a décidé d’offrir jusqu’au 31 décembre 2024 une entrée gratuite à la villa et à ses collection­s

Le nom d’Ile de France

Sur ce terrain à la forme allongée où l’on voit la mer de part et d’autre, elle se croyait sur un paquebot. Ce paquebot s’appelait « Ile de France » – un navire qui lui rappelait des souvenirs. Aussi donnat-elle ce nom à sa villa. Lorsqu’elle était présente, elle faisait porter à ses jardiniers des bérets et des tenues de marins. Et elle prenait le large...

« Je revois le visage de Madame Ephrussi, aux traits fins encadré de cheveux d’argent », se souvient le chroniqueu­r André de Fouquières. Le paquebot immobile du cap Ferrat voguera avec elle jusqu’en 1934. Le 7 avril de cette année-là, elle mourut à Davos en Suisse, à l’âge de 69 ans, d’une tuberculos­e. Dans son testament qui léguait sa villa à l’Académie des Beaux-Arts, elle demandait que les plus de cinq mille objets qui se trouvaient dans ses diverses résidences de Paris ou Monaco y soient réunis pour en faire un musée. Cela fut fait. De toutes ses demeures, c’est à celle-ci qu’elle tenait le plus. C’est là qu’on honore sa mémoire. Son souvenir l’habite toujours.

En 1912, la colline rocheuse avait disparu, des jardins de rêve s’étalaient à la place, la merveilleu­se villa était construite et inaugurée

à toutes les femmes prénommées Béatrice. Un beau geste que la baronne aurait certaineme­nt aimé. A noter également : la villa est une des deux représenta­ntes, avec la basilique Notre-Dame de la Garde de la région PACA au concours du Monument préféré des Français 2024, dont le prix sera remis en direct sur France 3 par Stéphane Bern en septembre prochain à l’occasion des Journées européenne­s du Patrimoine.

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(DR) Portrait de la baronne Béatrice.
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(Photo archives Cyril Dodergny) La villa est l’oeuvre de la baronne.
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