La guerre à Gaza s’invite à la finale de l’Eurovision
La participation d’Israël, hier soir, a entraîné une polémique internationale. L’organisation s’est retranchée derrière le principe de neutralité politique.
Des paillettes, de futurs tubes, des prestations parfois loufoques, les inénarrables commentaires de Stéphane Bern… et d’interminables distributions de points à forte saveur géopolitique. Si tous ces ingrédients contribuent, chaque année, à donner son charme à l’Eurovision, le dernier a, cette année, pris une dimension rarement atteinte, avec la participation d’Israël à la finale, hier soir.
L’État hébreu est pourtant un habitué du concours européen de chant (qui inclut aussi, depuis 2015, l’Australie) : il l’a même remporté à quatre reprises, en 1978, 1979, 1998 et 2018. Mais cette fois, en plein mouvement de contestation mondiale de l’offensive de Tsahal à Gaza, cette présence a déclenché une vive controverse.
Des renforts policiers du Danemark et de Norvège
À Malmö, qui compte la plus importante communauté d’origine palestinienne de Suède, pays hôte de cette édition, plus de 5 000 personnes étaient rassemblées hier dans le calme en signe de protestation. Jeudi, ce sont près de 12 000 manifestants, dont la militante pour le climat Greta Thunberg, qui s’y étaient déjà rassemblés.
Hier, une cinquantaine de personnes qui voulaient s’approcher de l’enceinte aux cris de « Libérez la Palestine » étaient maintenues à l’écart par des policiers lourdement armés, qui les laissaient néanmoins brandir leur bannière « Bienvenue au “Genocide Song Contest” ».
Le dernier avatar d’une polémique au plus haut niveau, qui a entraîné en conséquence la mobilisation de renforts de police venus de toute la Suède, mais aussi du Danemark et de Norvège, pour assurer la sécurité, alors que près de 100 000 fans sont venus de 90 pays. Les manifestants ont été dispersés par les forces de l’ordre en soirée, certains étant embarqués dans des camions. La chanteuse israélienne Eden Golan, 20 ans, avait décroché jeudi soir son ticket pour la finale avec la chanson Hurricane, qui a dû être modifiée car considérée comme faisant allusion à l’attaque du Hamas du 7 octobre. L’artiste a assuré que sa chanson parlait « d’une jeune fille qui traverse
ses propres problèmes, ses propres émotions ».
L’Union européenne de radio-télévision (UER) avait confirmé en mars la participation d’Eden Golan malgré de premières critiques. Neuf des participants ont appelé à un cessez-le-feu durable à Gaza. Et le candidat de la France, Slimane, a brièvement interrompu sa performance lors des répétitions hier après-midi sur place pour un court discours sur la paix. Avant la demi-finale, le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu avait jugé qu’Eden Golan avait « déjà gagné », la saluant dans un message vidéo pour avoir affronté « avec succès une horrible vague d’antisémitisme ».
Vendredi, le parti d’extrême gauche espagnol Sumar – dont la dirigeante Yolanda Diaz est numéro trois du gouvernement – avait lancé une pétition pour demander l’exclusion d’Israël. Berlin a répliqué en jugeant que « les appels au boycott contre la participation d’artistes israéliens » étaient « totalement inacceptables », Paris soulignant pour sa part que « la politique n’a pas sa place à l’Eurovision ».
Le précédent ukrainien
Mais la neutralité revendiquée par l’UER a été bousculée comme jamais. Mardi, le chanteur suédois Eric Saade était apparu le bras ceint d’un keffieh palestinien lors du numéro d’ouverture. Et les syndicats de la chaîne de télévision publique flamande VRT ont brièvement interrompu la retransmission jeudi soir pour diffuser un message condamnant des « violations des droits de l’homme par l’État d’Israël ». Un geste regretté par l’UER, qui avait déjà interdit au Président ukrainien Volodymyr Zelensky de s’exprimer lors du concours l’an dernier, au nom de la neutralité politique (bien que son pays ait remporté l’édition de 2022, année du début de l’offensive russe).
La prestation d’Eden Golan, hier, n’a toutefois donné lieu à aucun incident notable, à part quelques huées au début. Les résultats étaient attendus tard dans la nuit, mais la chanteuse faisait même partie des favorites.