Le chemin de Simon VERS LA RENAISSANCE
Victime d’un AVC à l’âge de cinq ans, Simon est le premier enfant en Europe à bénéficier d’un traitement par oxygénothérapie. Ses parents se mobilisent pour que d’autres aient cette chance.
Simon a 9 ans. « Presque dix », précise-t-il, malicieux, avant de retourner à l’exploration des rares plantes (et insectes) qui environnent le service hyperbare du CHU de Nice, où il sera pris en charge dans quelques minutes. Le garçonnet est un véritable « génie de la nature » .Etilen parle avec un petit air sérieux, soucieux de bien nommer chaque être vivant qu’il nous présente, à commencer par une sauterelle qu’il a saisie délicatement. À l’entendre discourir sans buter sur les mots, à le voir se mouvoir avec beaucoup d’agilité, on peine à comprendre que Simon est porteur d’un handicap lourd. Alors qu’à l’âge de 5 ans, il savait déjà lire, écrire, ce sont aujourd’hui des tâches qui sont, pour lui, très difficiles à accomplir. Sa mémoire, autrefois infaillible, surtout lorsqu’il s’agissait des animaux, est désormais très instable, comme nous l’expliqueront ses parents, Antoine et Émilie.
Qu’est-ce qui a conduit ce jeune Bordelais à perdre les mots, la mémoire, la lecture, cette capacité innée de double tâche ? Il faut remonter à juin 2020 et cette seconde où tout va basculer.
Double AVC ischémique
Simon est dans le salon avec sa famille, il trébuche et chute. Son cou heurte violemment l’angle d’une table basse. Il pleure, se plaint mais ne perd pas connaissance.
Ses parents sont inquiets, mais seront « empêchés » de se rendre aux Urgences, alors qu’en pleine crise sanitaire, il est recommandé de ne pas encombrer ces services. Mais la santé de Simon s’aggrave : il devient aphasique, ne reconnaît plus personne, pas même ses parents… « Son bras droit était paralysé, il souffrait de dyspraxie (problèmes de contrôle et de coordination des mouvements). Nous avons appelé les pompiers, et là tout est allé très vite. » Le résultat des examens réalisés en urgence est sans appel : Simon souffre d’un double AVC ischémique causé par la dissection d’une artère vertébrale. Le choc qu’il a subi a provoqué un saignement dans l’épaisseur même de la paroi de l’artère et l’a
nd
« déchirée » (d’où le terme de dissection) sans la rompre. « Ça a favorisé la formation de caillots qui sont allés dans son cerveau. » Pour les parents, le choc est immense. « On ne savait même pas que les enfants pouvaient être victimes d’AVC. » Leur enfant va-t-il vivre ? Quelles séquelles pourraitil garder ? Sera-t-il définitivement paralysé ? Les questions pleuvent, angoissées. Les médecins ne savent pas y répondre précisément. Mais ils se veulent un peu rassurants, en évoquant l’étonnante plasticité du cerveau des enfants qui explique des récupérations parfois inattendues contrastant avec l’étendue des lésions. Simon sera victime deux mois plus tard d’un nouvel AVC, et verra ses traitements médicamenteux fortement renforcés.
L’âge, un facteur non limitant
Lorsque leur enfant est autorisé à rentrer au domicile, Émilie et Antoine, constatant les progrès qu’il a accomplis au simple contact de ses frère et soeur, vont tout mettre en oeuvre pour lui donner toutes les chances de récupération : kiné, orthophoniste, psychomotricien, neuropsychologue, etc. Les séances s’enchaînent quotidiennement. En septembre, Simon fera même sa rentrée en CP, accompagné d’une auxiliaire de vie scolaire (il a été reconnu par la MDPH en situation de handicap), alors qu’il a encore de lourds troubles moteurs. Si, progressivement, ses troubles moteurs vont s’améliorer, les difficultés cognitives, elles, persistent, et les parents de Simon refusent de baisser les bras. « Il avait retrouvé sa motricité globale mais conservait des difficultés, principalement, en ce qui concerne les exercices en double-tâche ; à savoir la lecture ou encore l’écriture mais aussi de la fatigabilité. »
C’est par hasard, qu’Émilie, une nuit, « tombe » sur un article faisant référence au traitement par oxygénothérapie des AVC. Aussitôt, elle appelle plusieurs centres de médecine hyperbare. Et finira par joindre le Dr Carl Willem, médecin hyperbariste au CHU de Nice. Coïncidence : à l’occasion d’un congrès en Suisse, celui-ci a eu l’occasion de discuter du cas d’un enfant victime d’AVC et traité par oxygénothérapie. Le témoignage des parents de Simon le touche, et en concertation avec les autres médecins du service, il décide de proposer le traitement à l’enfant. Une première en Europe, mais l’équipe est confiante, forte de son expérience avec les adultes. Et l’âge de Simon n’est pas limitant. « Nous avons déjà l’habitude de traiter de très jeunes enfants, de quelques jours parfois, victimes d’intoxication au monoxyde de carbone. »
Après s’être pliés au protocole très contraignant l’an dernier – pas moins de 60 séances d’1 h 30 chacune dans le caisson hyperbare –, Simon et sa famille sont de retour à Nice actuellement pour les séances de consolidation. Encore une vingtaine, mais les enjeux sont de taille : de l’avis des médecins, mais aussi de sa famille, Simon a fait des progrès extraordinaires. Et il ne devrait pas s’arrêter là. Simon, une leçon de vie et de courage pour tous, à commencer par ses parents : « Simon nous a transformés et nous a montré combien l’impossible peut devenir possible ».
« Des difficultés dans l’écriture, la lecture... »