Monaco-Matin

Festival de Cannes : l’ancien balayeur présente un film

Le Cannois David Hertzog, qui nettoyait les abords du Palais, est aujourd’hui producteur. Samedi, il présentera son documentai­re sur les deux dernières années du compositeu­r Michel Legrand.

- ALEXANDRE CARINI Il était une fois Michel Legrand,

Sa propre histoire est un film dans le film. Mériterait un scénario, voire un « makingof» , comme il en a désormais l’habitude d’en produire et réaliser. Ancien employé municipal au balayage des rues (notamment aux abords du Palais) à Cannes, David Hertzog revient comme auteur d’un magnifique documentai­re sur Michel Legrand, projeté en avantpremi­ère au Festival du film ! Un rêve éveillé. Une « success story » à l’américaine, qui n’a pourtant pas débuté sous les meilleurs auspices. Enfant de La Bocca, David n’était pas premier de la classe au collège de Ranguin, même s’il a pris le nom de Gérard Philipe.

« L’école, ce n’était pas trop mon truc, je n’étais pas turbulent, mais je n’y trouvais pas l’appétit pour apprendre… », confie le quasi-quinquagén­aire. À défaut des devoirs, le petit David aiguise sa curiosité à travers les arts. Avec le violon dès 7 ans pour sa corde sensible. Et puis le cinéma, qu’il découvre d’abord en étant ébloui par ses stars, avant d’en être ravi par ses images.

Son faible pécule investi dans une caméra et un banc de montage

« Pendant le Festival, ma mère m’emmenait sur la Croisette, où l’on croisait encore Kirk Douglas, Robert Mitchum. Avant même de voir des films, j’ai compris que le cinéma avait ce côté glamour, plus grand que la vie ! »

Il fréquente aussi le côté obscur de la force en salle avec L’Empire contre-attaque, et se marre avec Le Père Noël est une ordure. Mais le destin l’est aussi, parfois et, à 20 ans, c’est le drame et les larmes, avec la disparitio­n de sa mère.

« Ça a été très dur, car je vivais seul avec elle. Mais ce fut aussi un déclencheu­r dans ma vie à venir… » Pour subvenir à ses besoins, David hérite du poste d’employé municipal de sa maman. Affecté au service nettoyage, le jeune homme balaie tous les pourtours du Palais. Mais il parvient aussi à en pénétrer les ors durant le Festival, via des copains « ouvreurs ».

« Je me dépêchais de finir ma tournée balai. Au sous-sol, un sac avec un costume de prêt et des chaussures, m’attendait. On me faisait entrer en douce dans le Grand Auditorium, juste avant la projo. C’est ainsi que j’ai vu Pulp Fiction, assis à quelques sièges de Clint Eastwood ! », sourit-il. Forcément, le désir de cinéma, le souhait de participer à ce mondelà le taraude. Avec cette scène, aussi réelle qu’incroyable.

« Un soir, dans ma tenue de balayeur, je suis monté sur le tapis rouge, pour me figurer le point de vue des stars. Au sommet des marches, je me suis soudain allongé, bras en croix, les yeux vers les étoiles, en me disant : un jour, je reviendrai avec mon film ! »

David investit le faible pécule lié au décès maternel (environ 10 000 euros) dans une caméra et un banc de montage.

En autodidact­e aux USA

Il part en autodidact­e aux USA, pour filmer les fans de Star Wars, lors de la sortie tant attendue de La menace fantôme en 1999. Écume toutes les boîtes de prod’, avant que son premier doc’, réalisé au forceps, ne soit consacré sur une chaîne. David se gave alors de K7 vidéo et devient, à l’instar d’un Laurent Bouzereau Outre-Atlantique, un spécialist­e des making-of en France. On lui doit notamment les coulisses du tournage de Belphégor avec Sophie Marceau, des Chevaliers du ciel (avec Clovis Cornillac et Benoît Magimel) et de Joyeux Noël de Christian Carion, qui ont nourri les bonus des CD et cassettes.

Et puis, il y a cette rencontre avec Michel Legrand en 2017, évidemment à Cannes. David ose aborder le maître musicien lors d’un concert-terrasse durant le FIF, en lui disant : « Je suis un grand fan, et si j’existe, c’est un peu grâce à vous ! » Le début d’une grande complicité, d’une belle harmonie artistique, durant laquelle le cinéaste fréquente le compositeu­r dans sa maison de Montargis, mais le suit aussi partout lors de ses tournées à travers le monde. Une confiance réciproque, qui aboutit à un superbe documentai­re sur le compositeu­r à son crépuscule (1), qui retrouve la lumière au gré d’une projection au Festival. « Quand mon producteur Thierry Clermont-Tonnerre me l’a annoncé, j’ai pleuré comme un môme…, s’émeut encore David. Quand on tournait, Michel me disait toujours : on va aller à Cannes ? Mine de rien, je l’y emmène avec moi… »

1. projeté samedi 18 mai dans la sélection « Cannes Classics ».

 ?? (Photo Alexandre Carini) ?? David Hertzog, un destin hors du commun qui le ramène au Festival de Cannes avec un doc sur Michel Legrand, et une musique sur laquelle se sont aimés ses parents...
(Photo Alexandre Carini) David Hertzog, un destin hors du commun qui le ramène au Festival de Cannes avec un doc sur Michel Legrand, et une musique sur laquelle se sont aimés ses parents...

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