LE CINÉMA DANS TOUS SES ÉTATS
Extrêmement prolifique, Quentin Dupieux signe son troisième long-métrage en moins d’un an… et se paie le luxe, cette fois, d’ouvrir le Festival de Cannes. Dans la veine inventive de ses précédentes livraisons, « Le Deuxième Acte » est une comédie aussi décalée que surprenante. Le maître d’oeuvre délaissant rapidement sa prétendue intrigue pour poser une réflexion aussi drôle que brillante sur le cinéma et ses travers. Jubilatoire. Il faut dire que le film démarre fort, très fort et dicte son ton lors de deux plans séquences. Sous un ciel grisâtre, des amis marchent en direction de ce « Deuxième Acte », bar-restaurant sans envergure situé au milieu de nulle part. L’un d’eux – Louis Garrel – veut se débarrasser de sa copine en la jetant dans les bras de son ami – Raphaël Quenard. La situation vole en éclats lorsque ce dernier flirte avec la zone grise en tenant des propos sur l’homosexualité.
Son partenaire l’interrompt et brise le quatrième mur pour lui rappeler qu’ils sont filmés et qu’il doit employer des termes plus adaptés. Quelques minutes plus tard, la chérie en question – Léa Seydoux – discute avec son père – Vincent Lindon –, lequel coupe à son tour la scène, trouvant le 7e art futile en comparaison de tous les évènements dramatiques qui se déroulent dans le monde. Seul hic, il retourne aussitôt sa veste lorsque son agent l’appelle pour lui annoncer que l’Américain Paul Thomas Anderson souhaite l’engager dans son prochain film. Formidable directeur d’acteurs, Quentin Dupieux s’appuie sur la complicité de son quatuor pour faire naître le débat. Il joue sur les images de ses stars, qui, de leur côté, font preuve d’autodérision. Successivement, la vanité, les caprices, la situation des figurants, Me Too, l’intelligence artificielle ou encore la situation précaire des salles obscures sont successivement abordés avec malice lors de ce geste à vif, volontairement foutraque, et ô combien pertinent.
Sous un ciel grisâtre, des amis marchent en direction de ce « Deuxième Acte », bar-restaurant sans envergure situé au milieu de nulle part.