Monaco-Matin

UN DOCUMENTAI­RE, PAS LE TAPIS ROUGE

Christophe Rocancourt est à Cannes, où un documentai­re, réalisé par David Serero lui est consacré. Mais celui que les médias ont souvent surnommé « l’escroc des stars » (il s’en défend) ne montera pas sur le tapis rouge. Il s’en explique.

- ALEXANDRE CARINI acarini@nicematin.fr

On le découvre tapi dans l’angle mort d’un restaurant proche du Palais des Festivals, lunettes fumées sur le nez. Presque engoncé dans une veste molletonné­e, qui cadre mal avec la températur­e. Comme ça, quasi-incognito Christophe Rocancourt.

Une performanc­e, tant sa « gueule » parle à tout le monde. Y compris le FBI ou Interpol. Certes, le voilà de nouveau sur la Croisette. Mais pas question, comme en 2008 aux bras du mannequin Naomi Campbell, de monter les marches en vedette. Non, cette fois, Christophe se fait discret, malgré le documentai­re qui lui est consacré ce dimanche au Festival. Un film signé David Serero, tout simplement intitulé « Rocancourt ». « C’est presque un nom commun, maintenant ! rigole l’intéressé. Mais je suis là avant tout par solidarité pour David, car tout ça, je n’en ai plus envie. La lumière, aujourd’hui, je m’en tape. Je préfère la solitude et le silence. »

De palaces en prison

Lorsqu’on tape son nom sur un moteur de recherche, « escroc » continue de s’y accoler aussitôt. Une forme d’injustice, pense celui qui estime avoir payé sa dette. Et revendique le droit à l’oubli, si ce n’est au pardon. Surtout lorsque certains confrères le surnomment encore « l’escroc des stars ».

« Heureuseme­nt, aujourd’hui, beaucoup me disent aussi Monsieur Rocancourt, et ça devient même gênant pour ceux qui utilisent encore cette expression. Sur mon casier judiciaire, certes chargé, je n’ai aucune condamnati­on pour ça. Les stars, moi, je les fréquentai­s… » Cette époque, dans les années 1990, où le jeune Christophe, fils d’un docker et d’une prostituée séparés, passé de fugue en foyer durant son enfance pauvrissim­e, décide de fuir la capitale pour échapper à des ennuis judiciaire­s. Il s’y fera un nom en en usurpant certains (Rockefelle­r, De Laurentiis, van Hoven…). Fréquente le gratin mondain de Los Angeles, tel un petit diable parmi les « anges ». Arnaques auprès de personnes richissime­s en leur vendant des biens ou en leur prêtant de l’argent qu’il ne possédait pas, malgré un sacré train de vie. Jusqu’à la cavale, fatale, et la case prison. Sa notoriété, il l’a d’abord vécue cloîtré, sous haute sécurité.

« Dans ces prisons, la violence est un état de droit, où le plus fort mange le plus faible. Mais ça ne m’a pas brisé, malgré des conditions de détention inhumaines, parce que je me suis mis en mode survie, rapporte Christophe. Ce n’est qu’après, quand j’en suis sorti, que j’ai réalisé combien j’avais été impacté. À mon retour en France, j’allais sur les plateaux télé, les gens voulaient me toucher mais, moi, je n’avais qu’une envie, me retrouver seul entre les quatre murs de ma chambre, comme dans une cellule. »

Christophe, 57 ans, garde le tutoiement facile. Dégage toujours un charisme évident, même s’il n’est nd plus aussi flamboyant. Avec le recul, que penset-il du jeune Rocancourt ? « Je me dis que le gamin a quand même fait du chemin, au regard d’où il vient. Je n’ai pas pour autant d’indulgence envers moi, et je n’ai jamais prôné l’escroqueri­e. Mais j’ai fait des choix de vie et j’en ai assumé les conséquenc­es. Désormais, je ne rends compte qu’à Dieu, pas à l’homme. »

Il exhibe une carte de séjour suisse, où il réside désormais. Pour la sérénité du lac Leman, où il fait ses exercices physiques. Mais plus sûrement pour fuir la célébrité publique. Voire, échapper au fisc.

« Aujourd’hui, je n’ai pas de fiscalité en France », reconnaît celui qui a aussi su tirer profit de son histoire avec ses livres. Longtemps, le producteur Thomas

Langmann (qui a investi un million d’euros), a voulu en faire un longmétrag­e.

« Thomas, un ami, est venu me rendre visite en prison. Mais quand j’ai lu le scénario, c’était une catastroph­e. Il a eu le courage de ne pas en faire un mauvais film. »

Un acteur inné

Le projet a été repris par le producteur Philippe Godeau (« 11.6 ») qui en a racheté les droits, selon Christophe Rocancourt. Son ancien pote, Mickey Rourke, aurait-il pu tenir le rôle ? «Ah, quand il était jeune, peut-être. Mais ce n’est plus un ami… »

Avec son bagout et son « talent singulier » pour créer de l’empathie, on se dit qu’il aurait pu être acteur lui aussi, plutôt que verser dans l’escroqueri­e. Sourire de l’intéressé : «Ilyaunediz­aine d’années, André Téchiné m’avait proposé un premier rôle de casseur, mais j’ai refusé. Et puis, ici, sur le plateau du« Grand Journal », Al Pacino avait eu cette phrase à mon égard : ‘‘Lui, c’est le plus grand acteur au monde’’. Mais, moi, je ne pourrais pas. Mets-toi là, fais-ci, trop d’ordres à respecter… »

Lui préfère désormais jouir de sa liberté sans entrave. Fini les conneries ? « Ah, ne me tentez pas ! »

« La lumière, aujourd’hui, je m’en tape. Je préfère la solitude et le silence. »

 ?? ??

Newspapers in French

Newspapers from Monaco