Monaco-Matin

« Le conformism­e, c’est la mort »

Caroline Loeb, qui enflamma les années 80 avec « C’est la ouate », n’avait plus foulé le tapis rouge depuis 1987. La touche-à-tout, bientôt sur les planches à Cannes, se confie.

- PROPOS RECUEILLIS PAR GAËLLE ARAMA

Elle déboule, pétulante brindille dans une jupe bleu électrique et chemisier à pois, sur une plage de la Croisette. « Je suis une dingue de couleurs ! » Si sa vie ne baigne plus vraiment dans « la ouate », ce tube de 1986 qui la propulsa au sommet de la gloire, Caroline Loeb, 68 ans, multiplie les projets artistique­s. Théâtre, cinéma, télévision. Gouaille gourmande, débit mitraillet­te et pied au plancher. Rencontre.

C’est votre retour au Festival ?

Je suis venue à Cannes en 1987 pour le film Coeurs croisés de Stéphanie de Mareuil où j’avais le rôle principal. Le Festival d’aujourd’hui n’a plus grand-chose à voir. C’est devenu très bling bling. Tape à l’oeil. Trop de bijoux, trop de robes longues et pas assez de cinéma.

Quels sont les films du Festival qui vous ont marqué ?

Un des plus beaux films de ces dernières années, c’est Perfect Days de Wim Wenders. Un voyage philosophi­que.

Une pure merveille. J’ai beaucoup aimé aussi les films de Ruben östlund.

Votre film doudou ?

Le Magicien d’Oz (de Victor Fleming). C’est le film de mon enfance. J’ai passé toute ma jeunesse à la cinémathèq­ue à voir quatre à cinq films par jour ! Le cinéma a toujours été très important pour moi, pour la mise en scène de théâtre aussi. J’ai été nourrie d’expression­nisme allemand, de comédie musicale et de cinéma hollywoodi­en.

Avec quels réalisateu­rs rêveriez-vous de tourner ? Pour un rôle dramatique ?

Avec Michael Haneke. Son cinéma me touche, sa lucidité, sa dureté aussi. Mais pourquoi pas un rôle comique dans un film de Ruben östlund ? Dans Sans filtre, je me souviens de cette milliardai­re, grotesque et pathétique, se faisant servir du champagne sur le bateau. Cela m’amuserait de jouer un rôle comme ça ! (Rires).

Chanteuse mais aussi actrice, productric­e, metteuse en scène, auteure… Qu’est ce qui vous anime ?

La création, c’est le coeur de ma vie, c’est ce qui me tient debout. On vit des temps violents. En face, je mets des choses que je trouve intelligen­tes, poétiques, drôles. On ne peut pas subir ! On bouge avec les moyens du bord. Avec la création, s’exprime le meilleur de nous-même. J’ai l’impression d’être à ma place. Mieux que du bla-bla de soirée…

Au théâtre, vous avez revisité George Sand (« George Sand et moi »), puis Françoise Sagan « Françoise par Sagan ». Qu’est ce qui vous inspire chez elles ?

Il y a un mot-clef : liberté. Chacune a cassé les codes, a inventé une façon d’être une femme dans la société. J’adore les gens

anticonfor­mistes. Pour moi, le conformism­e, c’est la mort.

Quelles femmes d’aujourd’hui vous inspirent ?

L’écrivaine Constance Debré. C’est punk, lucide, brillant, puissant. J’adore aussi Brigitte Fontaine. Quel personnage génial et quelle intelligen­ce ! Avec une vision du monde très personnell­e. Je chante deux de ses chansons dans mon spectacle « Les Caroline ».

Car vous êtes au théâtre à Paris en ce moment…

Tous les dimanches au théâtre Les enfants du paradis dans un spectacle très gai, bourré d’énergie.

Avec Caroline Montier, on reprend des chansons de Juliette, Odette Laure, Mistinguet­t… Cet été, nous sommes au Festival d’Avignon, au Théâtre Barretta. On s’y amuse tellement ! J’y vais depuis 20 ans. Ma fille a fait son premier

Avignon à 6 mois. La vie devrait être tout le temps comme le Festival… d’Avignon ! (Rires)

Pas mal d’autodérisi­on dans ce spectacle…

Oui, c’est la moindre des choses ! Clin d’oeil à l’auteur comique Gaston Ouvrard, j’y raconte qu’un jour, une dame m’arrête dans la rue : « Vous êtes Michel Leeb ! Mais si, à l’époque, vous étiez Michel Leeb ! ». (Rires)

Ou une autre : « Je vous reconnais, c’est vous qui chantiez « j’ai la ouate qui se dilate ? ! ».

Justement, vous imaginez votre vie sans ce fameux tube « C’est la ouate » ?

Il a complèteme­nt changé ma vie. C’était un fantasme

de faire un tube, d’être une pop star. Après, la réalité a été beaucoup compliquée. Le plus difficile a été d’y survivre.

Je me suis battue depuis plus de vingt ans. Pour faire et produire mes spectacles. Cela a été dur. La ouate, cela a été tellement fort ! La chanson est rentrée dans le corps des gens. Mais bon, c’est mon mythe de Sisyphe à moi.

Le clip du titre est toujours censuré ?

Ha, ils sont c... ces Américains ! Du puritanism­e mal placé pour un petit sein de rien du tout !

Bientôt sur les écrans ?

J’ai tourné dans la série Miss Fallaci (Paramount) dans laquelle je joue Chanel. Je suis aussi dans La doc et le véto avec Michel Cymès, diffusé le 11 juin sur France 3.

Et la semaine prochaine, je commence le tournage du film Fables mortelles de Delphine Lemoine, pour France TV aussi avec Elsa Lunghini et Philippe Lelièvre.

“La création, c’est ce qui me tient debout”

 ?? (Ph. Frantz Bouton) ?? Dans une robe au dos nu plongeant, Caroline Loeb sur le tapis rouge il y a quelques jours.
(Ph. Frantz Bouton) Dans une robe au dos nu plongeant, Caroline Loeb sur le tapis rouge il y a quelques jours.

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