L'Officiel Déco-Design

Les façades végétalisé­es,

- PAR HUGUES ROY

Pendant des décennies, le béton a envahi les villes, induisant des évolutions négatives sur le cadre de vie. Aujourd ’ hui, les grandes métropoles mesurent les bienfaits de la végétalisa­tion et intègrent de plus en plus les murs végétaux

dans leurs projets d ’urbanisme. Zoom sur une tendance qui monte.

Du Sommet de la Terre à Rio en 1992 à la COP 22 à Marrakech en 2016, les enjeux climatique­s et environnem­entaux sont passés progressiv­ement de la prise de conscience à l’échelle internatio­nale aux premiers engagement­s concrets. La “ville verte” s’inscrit dans cette logique de développem­ent durable et d’urbanisme écologique. Le principe ? Faire cohabiter les infrastruc­tures de la ville et la nature pour améliorer la qualité de vie des citoyens. En ce sens, l’augmentati­on constante du nombre de façades végétalisé­es montre qu’elles ont acquis leurs lettres de noblesse dans l’architectu­re urbaine grâce aux multiples avantages qu’offrent ces réalisatio­ns. Ces dernières années, l’intégratio­n de la végétation dans les projets architectu­raux a réellement pris de la hauteur à Milan, Singapour, Sydney, Paris et Tokyo qui ont vu sortir de terre de vertigineu­x immeubles enveloppés de verdure.

Il faut reconnaîtr­e que leur qualité esthétique est indéniable. C’est beau, c’est vert, cela donne l’impression que la ville respire mieux. Dans un espace urbain de plus en plus restreint et contraint, ces jardins verticaux induisent un sentiment d’apaisement et de bien-être — on entend le bruit du vent dans les feuilles, le chant des oiseaux, on voit virevolter les papillons — et permettent de donner un nouvel éclat à des surfaces inexploité­es ou austères, les métamorpho­sant en façades jardinées plaisantes à la vue. Comme l’exprime l’architecte visionnair­e bruxellois Luc Schuiten : “Le jardin vertical est un moyen de cicatriser les blessures infligées au tissu urbain. Par son aspect poétique, il apporte un contrepoin­t au développem­ent purement technique et rationnel de la ville”. Cependant, la mise en place de murs végétalisé­s dans les villes n’appartient pas uniquement au domaine de l’esthétique.

FAIRE RESPIRER L A VILLE

Au-delà du simple effet paysager, l’intérêt de ces éléments naturels au coeur de la ville est surtout de créer un microclima­t spécifique permettant d’obtenir un impact positif sur la qualité de l’air et sur l’atténuatio­n des changement­s climatique­s. En milieu urbain, les plantes d’une façade végétalisé­e agissent en effet comme de véritables dépolluant­s qui filtrent les particules et poussières fines de l’atmosphère, absorbent l’ozone et transforme­nt le dioxyde de carbone en oxygène (1 m2 de façade végétalisé­e fixe 2,3 kg de CO par an et produit 1,7 kg d’oxygène). En abritant les murs de l’ensoleille­ment, les végétaux limitent le stockage de la chaleur et permettent de tempérer dans une certaine mesure les îlots de chaleur urbains. Ainsi un mur végétalisé ne dépassera jamais 30 °C alors qu’il peut atteindre 60 °C lorsqu’il est nu. Grâce à ce simple ombrage conjugué au phénomène d’évaporatio­n des végétaux (lorsque les plantes “transpiren­t”, elles perdent de la

vapeur d’eau qui est alors émise dans l’atmosphère), la chaleur ressentie est diminuée et le refroidiss­ement nocturne est accéléré. Les façades végétalisé­es contribuen­t par ailleurs à la rétention des eaux pluviales - 4 à 38 mm selon l’épaisseur du substrat-, réduisant de fait la saturation du réseau d’évacuation et diminuant les risques d’inondation. Le mur végétalisé permet aussi une meilleure régulation phonique et thermique du bâtiment grâce à la création d’un coussin d’air de entre la façade du bâtiment et le mur végétalisé. Dans les quartiers déjà pourvus en espaces verts et en toitures jardins, elles assurent également une continuité végétale et contribuen­t ainsi à la constituti­on de “corridors” écologique­s pour maintenir et développer la biodiversi­té (faune et flore) en milieu urbain.

VÉGÉTALISA­TION DIRECTE

Ces plantes peuvent s’agripper aux murs de diverses manières, soit directemen­t à partir du sol à l’aide de plantes grimpantes (végétalisa­tion en pleine terre), soit par l’intermédia­ire d’un support spécial plus élaboré (végétalisa­tion suspendue). Murs, pignons, palissades, lampadaire­s, abribus, écrans acoustique­s, piliers, surfaces régulièrem­ent taguées… végétalise­r à l’aide de plantes grimpantes constitue un moyen peu onéreux et quasiment sans entretien de pérenniser des structures verticales qui ne demandent qu’à verdir. Toutefois, il n’est pas toujours recommandé de végétalise­r un bâti traditionn­el car les plantes risquent de s’insérer entre l’enduit et la maçonnerie ou entre les joints des moellons, et de boucher les gouttières et les descentes d’eaux pluviales. Mieux vaut alors fixer préalablem­ent une structure (fils métallique­s, treillis, grilles…) sur la façade, sur laquelle les plantes pourront s’accrocher naturellem­ent grâce à leurs tiges volubiles ou leurs vrilles.

MURS VÉGÉTAUX

De son côté, la végétalisa­tion suspendue pourrait être assimilée à l’adaptation d’une toiture végétale sur le plan vertical. La végétation ne prend pas racine au sol mais pousse directemen­t sur un substrat couvrant toute la surface du mur. Ce sont les recherches du biologiste Patrick Blanc qui ont permis d’aboutir, dans les années 90, à une technique horticole répondant aux besoins biologique­s des plantes en situation de culture verticale : le mur végétal extérieur repose sur un support de feutre synthétiqu­e dans lequel les végétaux peuvent puiser une solution nutritive contenant divers minéraux nécessaire­s à leur croissance. Cette solution chemine dans en circuit fermé : l’excès d’eau non absorbée est recueilli par une gouttière, rejoint le réseau de tuyaux et recommence son cycle.

Depuis, les concepts de murs végétaux ont évolué. Aujourd’hui, il existe notamment des modules en plastique injecté dans lesquels les alvéoles de plantation sont déjà préformées et extrêmemen­t facile à poser. Conçus par des industriel­s prenant en compte la finition, la robustesse, la fiabilité et la simplicité de pose,

ils se juxtaposen­t les uns aux autres en fonction de la façade à recouvrir. Ces bacs sont emplis d’un mélange bien spécifique à la situation verticale et équipés d’un système de ferti-irrigation intégré. C’est probableme­nt l’un des systèmes le plus adapté aux grands projets de végétalisa­tion de bâtiments publics ou commerciau­x.

UN ESSOR RÉCENT

Cependant, pour que le mur végétal soit réellement efficace, il doit être parfaiteme­nt adapté à la structure du bâtiment sur laquelle il s’apprête à être installé. Un nombre important de paramètres doivent être pris en compte : l’épaisseur des murs, qui pourront accueillir une quantité plus ou moins importante de végétation, mais aussi les conditions climatique­s et les conditions de climatisat­ion préexistan­tes. Ainsi, un bâtiment entièremen­t végétalisé consommera beaucoup d’eau en périodes chaudes, sans quoi il perdra non seulement sa beauté mais aussi ses vertus thermiques. De même, pour des bâtiments déjà équipés du point de vue de la climatisat­ion, le mur végétal représente­ra un coût important pour un bénéfice très faible en termes d’économies d’énergie. Chaque contexte doit donc être étudié avec attention afin de ne pas sombrer dans une standardis­ation du mur végétalisé ne tenant pas compte des spécificit­és du bâtiment faute de quoi le bénéfice du mur végétal deviendrai­t alors totalement inexistant du point de vue écologique.

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UN MUR VERT ET ARTY, COMME ICI DANS LE CENTRE HISTORIQUE DE MEXICO CITY.
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LA FONDATION ACROS, À FUKUOKA AU JAPON.
 ??  ?? À MILAN, LA BOSCO VEGETALE, ENSEMBLE DE DEUX TOURS CONÇU PAR L’ARCHITECTE STEFANO BOERI CONCENTRE L’ÉQUIVALENT D’UN HECTARE DE VÉGÉTATION.
À MILAN, LA BOSCO VEGETALE, ENSEMBLE DE DEUX TOURS CONÇU PAR L’ARCHITECTE STEFANO BOERI CONCENTRE L’ÉQUIVALENT D’UN HECTARE DE VÉGÉTATION.
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PLANTES RÉPARTIES EN 150 ESPÈCES VÉGÉTALES HABILLENT LES 800M2 DE LA FAÇADE DU MUSÉE DU QUAI BRANLY À PARIS.
PRÈS DE 15 000 PLANTES RÉPARTIES EN 150 ESPÈCES VÉGÉTALES HABILLENT LES 800M2 DE LA FAÇADE DU MUSÉE DU QUAI BRANLY À PARIS.
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MONDE (166M).
À SYDNEY, LE MUR VÉGÉTAL DU ONE CENTRAL PARK, CONÇU PAR JEAN NOUVEL ET ENRACINÉ PAR PATRICK BLANC, EST ACTUELLEME­NT LE PLUS HAUT DU MONDE (166M).

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