L'Officiel Hommes (Morocco)

MODE

Figure emblématiq­ue du cinéma des 90s, sa chute est allée plus vite qu’en 24 images par seconde.Ou comment passer de films cultes aux sorties directemen­t en DVD. Avec la série “Mr. Robot”, diffusée sur France 2 depuis 2016, il est de retour au sommet.

- mode Auteur JEAN-PASCAL GROSSO Photograph­e WILLEM JASPERT Styliste JAMES SLEAFORD

M. Christian Slater

“Un soir, j’étais sur la terrasse d’une chambre d’hôtel, au 14e étage. Soudain, j’ai eu envie de me jeter du balcon la tête la première.”

Fin des années 90 – une bonne dizaine d’années après avoir été révélé au monde entier par Le Nom de la rose, de Jean-Jacques Annaud –, Christian Slater est au bout du rouleau. À 25 ans, ce fils d’un comédien rongé par la schizophré­nie et d’une mère agent artistique fait déjà figure de has been aux yeux d’une industrie qui l’aura pressé jusqu’à la dernière goutte. Sans avoir eu trop à se montrer imaginativ­e, il est vrai. Initié très tôt aux joies de l’alcool et aux soirées huppées, le gamin mal dégrossi – “Je me suis longtemps conduit comme un bébé, à mentir pour trouver des excuses à mes débordemen­ts…” – se gave de cocaïne et de tequila à longueur d’errances, bientôt rejeté par un milieu qui n’apprécie les bad boys que sur les écrans et non dans les pages des faits divers. Christian boit, Christian sniffe, Christian cogne femme et hommes, jusqu’aux représenta­nts de l’ordre venus s’interposer. “J’étais un crétin d’ivrogne. Aujourd’hui, je suis sobre.” Les démons de monsieur sont maîtrisés.

Mais loin de tout jeter au rebut, bien au contraire, Christian Slater est parvenu à trouver sa place dans des oeuvres marquantes. Propulsé sur le devant de la scène grâce à sa compositio­n de jeune capucin dépucelé par une sauvageonn­e à même la paille dans

Le Nom de la rose, face à un Sean Connery en figure tutélaire débarrassé­e (enfin !) de ses fantômes bondiens, il se fait héros de l’abécédaire de la culture tarantinie­nne True Romance, s’impose aux côtés d’Antonio Banderas et de Brad Pitt au sein du “all-starcast” d’Entretien avec un vampire, tourne sous la direction de John Woo dans Broken Arrow, de Kevin Reynolds dans Robin des Bois, prince des voleurs, de Michael Goldenberg dans Pluie de roses sur Manhattan… avant de se prendre les pieds dans le tapis la faute à ses addictions.

UN GRAND MOMENT DE PARDON

Très difficilem­ent certes, il arrive à s’accrocher aux branches avec Walter Hill et surtout Lars von Trier pour son diptyque salé Nymphomani­ac avec Charlotte Gainsbourg. “À une époque, concède-t-il résolument honnête, j’acceptais tout ce qui se présentait à moi. Il fallait que je prenne la vague, vous voyez ?” Et puis, arrive comme par enchanteme­nt un de ces grands moments de pardon comme Hollywood adore les cultiver, Mr. Robot, nébuleuse série où un hacker part en guerre contre une multinatio­nale forcément mal intentionn­ée. Christian Slater y partage, en mentor excentriqu­e, le haut de l’affiche avec la révélation Rami Malek. C’est une résurrecti­on autant critique que publique : “Je sentais que nous tournions quelque chose de spécial, assure-t-il, même si à la télévision, vous n’êtes jamais certain de rafler la mise.”

Aujourd’hui, après avoir croisé la gloire, essuyé le chaos et traversé le marasme, le temps semble à nouveau au beau fixe. Le trublion des studios, sorte de Robert Downey Jr. bis du temps de sa jeunesse tourmentée, a laissé place au comédien conscienci­eux, devenu entretemps père de famille, époux, divorcé puis remarié. Christian Slater aurait-il trouvé ce que, naïvement, on nomme l’équilibre ? Comme il le confiait à Lars von Trier dans les pages du magazine américain Interview : “Je vais mieux que je ne veux le reconnaîtr­e. J’ai toujours ce syndrome du verre à moitié vide. Il en faut des efforts pour sortir du trou noir dans lequel j’avais choisi de vivre mentalemen­t.”

“Je me suis longtemps conduit comme un bébé, à mentir pour trouver des excuses à mes débordemen­ts…” Christian Slater

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