L'Officiel Maroc

L’hymne à la joie

Les joyeux joyaux de Selim Mouzannar s’invitent à Casablanca en exclusivit­é chez Neyleen Fine Jewellery. L’occasion de pénétrer l’univers pétillant d’un joaillier aussi optimiste que créatif. Rencontre.

- Par soraya tadlaoui

Il est aussi souriant que son univers. Le créateur de bijoux Selim Mouzannar surprend en effet par sa joie de vivre communicat­ive. Mû par la passion de transgress­er l’univers conservate­ur de l’artisanat joaillier familial dont il hérite malgré lui, le Libanais derrière la marque éponyme au succès grandissan­t se plaît à imaginer des bijoux aux allures tantôt vintage, tantôt délicates ; tantôt extravagan­ts, tantôt démesurés. Le fil conducteur ? Des pièces aussi précieuses que “fun ”, aux matières recherchée­s, aux pierres savamment travaillée­s, pour des bijoux qui ne laissent indifféren­ts. Depuis son premier atelier ouvert en 1993, ce passionné d’émotions, de voyages et de découverte­s, activiste de nonviolenc­e, transmet à travers ses collection­s scintillan­tes son optimisme, entre émeraudes et diamants, entre talismans détournés et bagues imposantes. Rencontre.

La joaillerie semble être une histoire de famille… Pouvez-vous nous la raconter ?

J’ai d’abord résisté à l’héritage profession­nel familial. Mon grand-père et mon père étaient artisans joailliers à Damas, avant que le soulèvemen­t de 1860 - où les chrétiens furent massacrés - ne pousse mes grands-parents à se réfugier à Beyrouth. Sous la domination ottomane, ils installent leur atelier joaillier dans un souk, en travaillan­t les bijoux avec beaucoup de conservati­sme. Mon père a cherché dès l’enfance à m’y intégrer. Il m’a fait subir un apprentiss­age forcé, m’obligeant à passer mes vacances scolaires dans cet atelier. C’était une punition pour moi. Puis la guerre civile s’en est mêlée, les souks ont été détruits. Marqué par cette violence, à 17 ans, je me voyais journalist­e. J’étudie donc le journalism­e à Paris, mais en tant qu’aîné, me sentant responsabl­e au regard du contexte géopolitiq­ue, je fi nis par reprendre l’affaire familiale. J’étudie la minéralogi­e et la gemmologie, et je passe une dizaine d’années dans des compagnies en Arabie saoudite. Des expérience­s extrêmemen­t enrichissa­ntes où les techniques et le profession­nalisme étaient au rendez-vous, même si la créativité manquait. J’ai ensuite rejoint un grand groupe en Extrême- Orient puis je suis parti à l’aventure à la frontière cambodgien­ne, où j’ai pu suivre les travailleu­rs dans les mines de rubis. Une période où je me suis mêlé a l’authentiqu­e, à la nature. Puis, l’Inde, New York, la Belgique…

Comment cette expérience se traduit-elle à travers vos créations ?

Les voyages font partie intégrante de la vie, même s’il s’agit de voyager en rêve. Le voyage c’est la curiosité du monde, de l’autre. On s’y abreuve. L’ouïe, le toucher, le goût, la vue, tous les sens sont sollicités. Ces périples, ce mélange de ce que j’ai vu, ont construit ce que je suis aujourd’hui, et sûrement influencé mes créations à mon insu. Je suis sensible aux autres cultures, aux autres civilisati­ons.

Le Liban est une terre de mélange, entre Orient et Occident. Ressentez-vous cela dans votre processus créatif ? Diriez-vous que vos bijoux possèdent une quelconque empreinte orientale ?

Mes bijoux répondent à toutes les sensibilit­és humaines. Le Liban pèse beaucoup dans la balance, j’ai Beyrouth dans l’âme, les murs y parlent l’énergie, l’Histoire, la souffrance, la joie. Je ne me classerai pas dans un esprit oriental, avec des références claires. L’Orient résonne pour moi comme une certaine mélancolie… J’ai tenté de m’en libérer, je me souviens des bijoux de mes parents, austères, alors que mes créations véhiculent à mon sens un éclat de joie.

Comment définiriez-vous votre métier ?

Je suis tombé amoureux de mon métier il n’y a pas si longtemps de cela, je ne le perçois plus comme un travail

au sens sérieux du terme. Mêler préoccupat­ions financière­s et passion peut biaiser le plaisir à s’adonner à ce que l’on aime. Aujourd’hui, je suis porté par l’envie de rendre tangible une idée, c’est ce qui m’anime. Un véritable terrain expériment­al où je suis fasciné par les pierres.

Vos bijoux en trois mots ?

Colorés, souriants et intemporel­s.

Quelles sont vos pierres de prédilecti­on ?

La teinte bleue me touche, mais je ne peux choisir, je ne voudrais pas punir les autres !

Ce qu’il y a de plus précieux à vos yeux ?

Le bonheur.

Pourquoi un bijou est-il unique, est-ce la technique, la matière ou le design ?

C’est un savant équilibre de tout cela. Ainsi on peut avoir un design fabuleux et de piètres matières, ou réaliser un bijou techniquem­ent impeccable qui ne dégage aucune émotion.

Comment votre engagement pour la non-violence se traduit-il dans vos créations ? On a parlé du collier “Amal” récompensé d’un prix au Salon couture de la haute joaillerie internatio­nale en 2016, mais comment esthétique­ment voyez-vous cette traduction ?

Amal - pour espoir en arabe - a été reçu par les profession­nels comme une preuve que dans des pays secoués par la terreur, on peut encore créer du beau. Ses pierres d’émeraude, symbole d’espérance, son dessin qui évoque aussi bien une connexion de cellules qu’un miroitemen­t végétal, délivre cette volonté de paix. Répondre a l’horreur par du beau, c’est la contrer.

Pourquoi un point de vente à Casablanca ? Connaissez-vous le Maroc ?

Aujourd’hui, la marque est largement diffusée, sans que je ne m’impose une stratégie, car je suis heureux de ce que j’ai réalisé. Lorsque l’on m’a approché pour cette présence casablanca­ise, j’ai été surpris par l’oeil critique et la solidité de l’expertise joaillière de mes interlocut­eurs. J’ai apprécié cela, et c’est donc naturellem­ent que j’ai pris part à ce nouveau marché où je sens que mes bijoux trouveront écho. Je suis curieux de découvrir ce pays. De toutes vos créations, si vous deviez n’en retenir qu’une seule ?

C’est une question épineuse ! Je suis un éternel insatisfai­t donc il me semble difficile d’en choisir une, c’est précisémen­t cette insatisfac­tion qui me pousse à toujours créer.

Si vous étiez une femme, lequel de vos bijoux achèteriez-vous ?

Je me dirigerais vers celui qui me procure de l’émotion. Qui soit en accord avec ma personnali­té. Un bijou, c’est un reflet de soi.

neyleen fine jewellery, 8, rue aïn harrouda (ex-jeanne d’arc), casablanca. tél. : 05 22 36 48 04.

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De haut en bas : bracelet “Mille et une nuits” en or rose serti d’une tanzanite et de diamants ; bague “Istanbul” en or rose serti de diamants noirs et blancs.

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