L’ATTIRANCE DES CONTRAIRES
Avec Clash, sa nouvelle signature joaillière, Cartier revisite le clou de Paris et son héritage avec une modernité déconcertante. Comment réinvente-t-on son propre langage ? Leçon de style avec Pierre Rainero, directeur Image, Style & Héritage de la Maison.
Il est intriguant, ce terme “Clash”. Il a des résonnances musicales, des rimes tentatrices et, surtout, il est très explicite. Ce sont tous les contraires, toutes les dualités, tous les opposés qui convergent. C’est ce que reflète en bijoux la Maison Cartier avec une collection avant-gardiste inspirée d’un héritage, rock mais minimaliste, précieuse mais quotidienne. Si l’on est désarçonné par l’épure et la modernité de cette ligne, on l’est plus encore lorsque l’on découvre que ses origines remontent à loin. Très loin. Dès 1948, pour ne citer qu’une seule inspiration de cette nouvelle collection. Références issues du patrimoine de Cartier mais interprétation puissamment contemporaine, force du design mais légèreté du porté, précieux des matériaux et caractère ludique du résultat, Clash raconte un univers où tous les degrés de ce qui s’oppose par essence se rencontrent et se marient.
Clash de Cartier, c’est un bijou qui milite dans le même temps pour le classicisme des formes et la nécessité de s’en aff ranchir, l’épure des lignes et l’excès d’énergie, l’esprit de sérieux et le sens du décalage. Il secoue l’héritage esthétique de la Maison : picots, boules, clous carrés. Fusionnés, ils composent un maillage cranté et singulier qui dessine la nouvelle signature joaillière de Cartier imaginée par les studios de création. Une sorte d’équilibrisme du chic qui mixe les codes de l’aristocratie et donne un coup de griffe aux conventions.
Disponible en tout or, sertie ou or et corail, la collection se compose de colliers, bracelets de différents formats, bagues aux épaisseurs variées, petites ou moyennes créoles. Une invitation au stacking, tant la fi nesse des créations donne envie de superposer bagues et bracelets, qui se répondent, s’emboîtent, jouent. Derrière cette signature joaillière, une effervescence créative que nous dévoile Pierre Rainero, gardien de l’esprit Cartier, celui qui, follement passionné par son métier et cette Maison connaît chaque code, chaque approche, chaque expression du style de la maison.
Clash semble symboliser une dualité d’approche. Du moderne et du classique qui se mêlent. Comment et pourquoi Cartier joue avec les codes pour donner naissance à une collection à la fois dans l’air du temps et intemporelle ?
Il y a deux points de départ. Le premier est un travail sur l’esthétique, sur les formes et les volumes, une mission première qui s’axe autour du style, du langage Cartier. Dans cette collection, tous les éléments font partie du vocabulaire Cartier depuis les années trente. Le deuxième aspect, c’est une volonté d’un discours incarné par ces bijoux et la personne qui les portera. Ces pièces ont des lectures successives, d’abord à travers les formes, entre rond, carré et pointu, mais aussi le toucher. Il y a une véritable approche ludique dans Clash, dès le dessin, on souhaite que ce bijou soit intime, quotidien, mobile, facilement appropriable, et que l’on puisse jouer avec, lui donner un mouvement. On se concentre sur l’équilibre pour pouvoir concevoir un tel bijou : il faut qu’on puisse le sentir sans qu’il ne soit un poids. Techniquement c’est un véritable défi. Chez Cartier, le
mouvement est fondamental, c’est une composante de notre identité et de notre savoir-faire. C’est notre compréhension du plaisir de porter un bijou, créer un lien, via le jeu.
Le nom “Clash” évoque l’opposition. Cette collection estelle disruptive ?
Pas vraiment, c’est notre mission d’explorer de nouveaux territoires. Finalement je dirais que nous sommes dans la disruption permanente ! Notre vocation c’est d’apporter des choses nouvelles. La Maison a été voulue comme cela par ses fondateurs, dès le départ, Cartier se caractérise par cette préoccupation d’accompagner ses clients au quotidien avec élégance et plaisir. Par exemple, Trintiy créée en 1924, est une bague pionnière, une bague qui roule autour du doigt.
Le vocabulaire esthétique, la philosophie de créer des bijoux d’aujourd’hui, les qualités sensuelles des pièces répondent à l’héritage de Cartier.
Pour Clash, le processus créatif est allé assez vite, au sein du studio de création nous étions tous d’accord. C’est la technique de mouvement qui a été plus longue à aboutir.
“LORSQU’UN DESSIN CONTIENT SES FILIATIONS FUTURES, SES VERSIONS POSTÉRIEURES POSSIBLES, CE QUE L’ON APPELLE UNE “IDÉE MÈRE” CHEZ CARTIER, ON SAIT QUE CE BIJOU A UNE FORCE. UNE ICÔNE, C’EST UN BIJOU QUI DURE, UN BIJOU DONT VOUS NE SAVEZ PLUS À QUELLE DATE IL A ÉTÉ CRÉÉ.”
Quelle est votre défi nition d’un bijou iconique ? Pouvez-vous savoir si un bijou a le potentiel de devenir un emblème ?
Nous ne le savons jamais. Nous savons lorsqu’un dessin est fort. Nous ressentons lorsqu’une collection apporte également quelque chose à la Maison. Lorsqu’un dessin contient également ses fi liations futures, ses versions postérieures possibles, ce que l’on appelle une “idée mère” chez Cartier, on sait que ce bijou a une force. Une icône, c’est un bijou qui dure, un bijou dont vous ne savez plus à quelle date il a été créé.
Si vous deviez résumer le savoir-faire propre à Cartier en trois adjectifs ?
Maison joaillière d’aujourd’hui. Plutôt que savoir-faire, c’est un “savoir- créer”. La création n’est pas qu’un dessin, c’est la maîtrise de toutes les étapes jusqu’à la réalisation. Maison, c’est le terme qui regroupe sous le même toit toutes les expertises pour aboutir à ce savoir- créer.
Posséder un tel héritage est-il un atout ?
Un héritage, c’est un style, un langage, un point de vue essentiel sur la création. Le notre est extraordinaire : la vision de fondateurs qui ont conçu un langage destiné à évoluer. Des principes et expressions créatifs ont été énoncés sans être figés dans leurs matérialisations. Par exemple en haute joaillerie, l’un des principes est le jeu avec la lumière.
La Maison réinvente régulièrement ses icônes. Comment y parvient- elle sans dénaturer leur esprit ?
La réinvention est contenue dans le design originel. Il donne déjà les pistes de ces réinventions, de ces enrichissements.
Comment pourriez-vous défi nir le “style” Cartier ?
C’est une question de justesse. C’est un point d’équilibre, qui n’appartient qu’à nous. Un bijou qui a du sens, qui va à l’essentiel, sans être ennemi du décor, mais tout est justifié dans la composition, rien n’est gratuit. Il n’y a “rien de trop”, même dans l’extravagance.
cartier, place des nations unies, boulevard moulay hassan i, tél. : 05 22 43 12 12.