Ich bin ein Berliner
C’est à Berlin que Max Mara a présenté sa collection croisière 2020, un hommage de son directeur artistique Ian Griffiths à la chute du mur en 1989 et à l’architecture de la ville. Un défilé instantanément culte.
Des épaules présentes, mais pas outrancières. Du cuir couleur tabac. Du plissé à n’en plus fi nir. Des cabans ultra- longs, impeccables. Des pantalons aux jambes larges, à la fois fl uides et tenues. Du bleu princier, du rouge précieux, des lignes d’une pureté étonnante. Des fleurs blanches déposées sur les épaules de manteaux crème – hommage direct à la porcelaine de la manufacture de Meissen. D’ailleurs, le manteau est l’un des centres nerveux de la mode Max Mara. Ici, on n’est jamais très loin de l’androgynie, vibrant d’une audace sophistiquée que l’on devine proche d’une radicalité jadis décadente. Cette collection croisière de Max Mara reflète certaines icônes gender fluid ayant hanté Berlin comme Marlene Dietrich ou David Bowie, qui considérait Berlin comme “la plus grande extravagance culturelle qu’on puisse imaginer”. Leur esprit et leur aura étaient convoqués ce soir de juin dernier au Neues Museum, situé sur l’île aux musées de la capitale allemande. Un lieu témoin d’une passion pour l’architecture qui est aussi celle de Max Mara depuis ses débuts.
Pour la première fois, le célèbre musée berlinois servait de décor à un défi lé de mode. D’obédience néoclassique, le Neues Museum est impressionnant. Délaissé pendant soixante ans après avoir subi les bombardements de la Seconde Guerre mondiale, il a été restauré par l’architecte britannique David Chipperfield. Il expose aussi l’une des plus riches collections d’objets préhistoriques au monde – de quoi inspirer bracelets, colliers et boucles d’oreilles imaginés en collaboration avec la créatrice de bijoux Reema Pachachi. Ainsi, les 49 looks ont défi lé dans une ambiance à la fois religieuse et iconoclaste, empreinte de la solennité du passé tout en étant ultra- contemporaine. En bande- son, la voix de David Bowie, forcément, racontant le charisme de Marlene Dietrich, l’une des premières à porter des costumes d’hommes tout en leur imposant sa loi de star. En guise de point d’orgue, le passage de la légendaire Ute Lemper, 55 ans. Chanteuse de cabaret connue pour ses interprétations du répertoire de Kurt Weill, également actrice de comédies musicales, vue chez Robert Altman ou Woody Allen, elle fait partie des icônes allemandes qui ont creusé leur sillon à l’international.
Pour Ian Griffiths, directeur de la création de la marque italienne, il est crucial de proposer des silhouettes mythiques inspirées d’une pop culture à la marge – lui, l’ex- punk qui étudiait jadis l’architecture à Manchester et rêvait de design Bauhaus autant que de la trilogie berlinoise de Bowie. Mais il s’agit surtout de célébrer la destruction en 1989 d’un mur honteux, aberrant. Laquelle a provoqué une renaissance artistique très forte… Un anniversaire fort de résonances tant personnelles qu’universelles. Et qui confi rment les mots d’un certain John Fitzgerald Kennedy : “Tous les hommes libres, où qu’ils vivent, sont des citoyens de Berlin.”