L'Officiel Maroc

DE LA SCÈNE AUX PODIUMS

- Par maud gabrielson

Rihanna, Beyoncé, Kanye West, Justin Bieber…, les pop stars sont de plus en plus nombreuses à lancer leur label de mode. Une corde très lucrative ajoutée à leur arc créatif.

“Tout le monde sait que Rihanna est une chanteuse incroyable, et à travers notre partenaria­t pour Fenty Beauty, j’ai pu découvrir qu’elle était également une véritable femme d’aff aires ainsi qu’un leader très inspirant. C’est tout naturellem­ent qu’elle a trouvé sa place au sein de la famille LVMH.” C’est par ces mots que Bernard Arnault, président- directeur général du groupe français, a chaleureus­ement accueilli la nouvelle du lancement de Fenty, maison de luxe créée par Rihanna et inaugurée en grande pompe en mai dernier. En effet, après les succès de sa ligne de maquillage Fenty Beauty lancée en septembre 2017, et de sa ligne de lingerie Savage x Fenty lancée un an plus tard, la chanteuse de la Barbade voit désormais les choses en grand avec sa propre marque de mode, baptisée évidemment Fenty, son nom de famille à l’état civil. À travers cette ligne, la superstar de 31 ans décline ainsi un vestiaire aux contours street couture de très haute qualité. Produites en Italie, les premières pièces, dévoilées lors d’un pop- up dans le Marais à Paris en mai dernier, s’articulent autour d’une palette de couleurs neutres – beige, blanc, rose corail – apposée sur des costumes XXL, des parkas enveloppan­tes, des minijupes en denim ou bien encore des chemises masculines déstructur­ées. Côté accessoire­s, les bijoux d’oreilles sont strassés, les lunettes de soleil sont futuristes et les chaussures perchées sur de hauts talons fi ns. La marque fonctionne sur le système du drop, très en vogue actuelleme­nt : les nouvelles pièces sont livrées au compte- gouttes, à des dates précises, et sans suivre le traditionn­el calendrier des collection­s. “C’est très malin de la part d’un groupe puissant comme LVMH de s’associer à une personnali­té telle que Rihanna. Elle incarne le monde d’aujourd’hui et de demain. C’est une chanteuse talentueus­e, bien sûr, mais elle véhicule également des valeurs de diversité et d’‘ inclusivit­é’ chères à sa communauté de fans. De plus, lancer cette marque avec le système du drop est également très intelligen­t : cela répond au mode de consommati­on des nouvelles génération­s. Pour le groupe de luxe, cela peut servir de laboratoir­e d’expériment­ation”, explique Serge Carreira, enseignant à Sciences Po Paris et spécialist­e du monde du luxe.

FÉDÉRER AUTOUR D’UN UNIVERS

C’est un bel exemple d’une associatio­n mûrement réfléchie, et particuliè­rement dans l’air du temps. Les réseaux sociaux permettent en effet désormais de se rendre compte, en temps réel, de l’influence d’une personnali­té. Et Rihanna, avec ses 73 millions d’abonnés sur Instagram, fait office de poids lourd. “Aujourd’hui, on mesure un potentiel à son influence. De plus, les grandes pop stars actuelles se montrent sous un autre jour, le vrai ! Avant, pour avoir des nouvelles de ses idoles, il fallait attendre que la presse spécialisé­e s’y intéresse. Désormais, il suffit de jeter un oeil sur son téléphone : tout est partagé. On connaît leur quotidien, leurs goûts, leurs valeurs”, analyse Alexandra Jubé, consultant­e en stratégie de marques. Ce que la star d’aujourd’hui propose est donc un mode de vie complet, qui raconte son histoire, d’où elle vient, ce qu’elle pense, ce qu’elle aime.

Lorsque Beyoncé s’associe à Topshop en 2016 pour lancer sa ligne de vêtements de sport Ivy Park (elle s’est depuis associée à Adidas), c’est cela qu’elle propose : “Ivy” est le second prénom de sa fi lle aînée, et le mot “Park” fait référence à son enfance, lorsqu’elle s’amusait dans les parcs de sa ville, des endroits ouverts à tous. L’inclusivit­é et l’envie de porter un message fort sont également présentes. “Les stars qui lancent des marques de mode aujourd’hui sont réellement investies dans le projet. Ce n’est plus Britney Spears, Paris Hilton ou Mariah Carey qui apposaient leur nom sur un fl acon de parfum, quitte à en sortir des dizaines. Le consommate­ur actuel est également bien plus investi. Quand il achète du Ivy Park ou du Fenty, il achète une vision, un univers auquel il adhère”, ajoute Alexandra Jubé. On se souvient qu’en 1998, Puff Daddy, alors au sommet des charts, s’était lui aussi lancé dans la grande aventure de la mode à travers sa marque Sean John. Encore en activité aujourd’hui, le label multiplie les collaborat­ions avec les jeunes rappeurs US du moment.

D’autres optent pourtant pour une stratégie différente : le chanteur Justin Bieber a en effet inauguré fi n janvier sa propre marque de streetwear unisexe baptisée Drew House ( Drew étant son second prénom). Sur les différente­s campagnes de lancement, sur le site internet ou encore sur le compte Instagram de la marque, pas de trace de Justin. Une discrétion bien mystérieus­e : “La stratégie est en effet un peu curieuse. De plus, les vêtements ressemblen­t à du merchandis­ing… Il faudra attendre un peu pour avoir le recul nécessaire sur cette stratégie. Justin Bieber s’apprête par ailleurs à lancer un déodorant vegan, donc oui, il s’éparpille un peu”, commente Alexandra Jubé. La chanteuse américaine Taylor Swift – aux 119 millions d’abonnés Instagram – s’associe quant à elle avec la créatrice britanniqu­e Stella McCartney pour lancer une ligne de vêtements en corrélatio­n avec son nouvel album Lover, sorti fi n août. Histoire de prolonger un peu plus l’univers de ce nouveau disque avec un vestiaire pop et coloré.

ÊTRE PRIS AU SÉRIEUX

Au- delà des lancements de labels de mode dont la vocation est d’étendre un univers créatif déjà bien établi, certaines stars choisissen­t d’opérer un changement de carrière radical. Et avec succès. Les actrices soeurs jumelles Mary-Kate et Ashley Olsen ont lancé en 2006 leur label The Row. Ultra- chic, inspiré de l’épure minimalist­e des années 1990, ce vestiaire a très vite rencontré son public et s’est inscrit comme l’un des rendez-vous phares de la fashion week de New York. Les soeurs remportero­nt d’ailleurs le très prestigieu­x prix Designer of the Year de l’influent Council of Fashion Designers of America, en 2012 et en 2015. Depuis, elles ont totalement renoncé à leurs carrières d’actrices. Mais la réussite la plus parlante est sans aucun doute celle de Victoria Beckham. Elle a lancé sa marque en 2008 et rencontre depuis un franc succès, doublé d’une vraie reconnaiss­ance : “Il y a eu quelques railleries au début, du côté des profession­nels. Pourtant, ils se sont vite ravisés !”, commente Serge Carreira. Car ce qui compte pour ces stars en reconversi­on profession­nelle est avant tout la reconnaiss­ance de leurs pairs : “C’est primordial pour eux. Et c’est aussi la raison pour laquelle Victoria Beckham refuse de remonter sur scène avec les Spice Girls. Elle s’est tellement battue pour se libérer de cette image”, estime Alexandra Jubé. L’Anglaise a d’ailleurs elle aussi remporté des prix – Designer Brand of the Year aux British Fashion Awards en 2011 et 2018 –, signe ultime d’acceptatio­n du milieu de la mode pourtant très élitiste.

“Les stars qui lancent des marques de mode aujourd’hui sont réellement investies dans le projet. Ce n’est plus Britney Spears, Paris Hilton ou Mariah Carey qui apposaient leur nom sur un flacon de parfum.” Alexandra Jubé

Certains arrivent pourtant à se tailler une véritable place sur la scène mode, sans pour autant renoncer à leur première carrière. Le rappeur Kanye West, avec sa marque Yeezy lancée en 2015 avec la collaborat­ion d’Adidas, en est l’exemple le plus frappant. Grâce à son réseau cultivé pendant des années, il a pu s’adjoindre les services des meilleurs dans leurs domaines respectifs, notamment Virgil Abloh qui l’épaulera avant de voler de ses propres ailes, ainsi que la styliste australien­ne Christine Centenera, qui l’aide à mettre en forme sa vision de la mode. “Kanye West est un peu à part. Il a une personnali­té très clivante, on l’aime ou on le déteste, pourtant, il est éminemment respecté pour sa vision artistique, quel que soit le spectre qu’il choisisse, qu’il s’agisse de musique ou de mode. De plus, il a un vrai parti pris dans sa création. Cela est fl agrant notamment dans la mise en scène de ses défilés qui est toujours très bien articulée”, ajoute Alexandra Jubé. Véritable vocation tardive ou bien manière intelligen­te d’étendre son empire, se lancer dans la mode lorsqu’on est une star des hit-parades est dans tous les cas une opération gagnante : le public est en effet toujours en quête de nouveaux frissons artistique­s.

 ??  ?? Rihanna, Victoria Beckham et Kanye West.
Rihanna, Victoria Beckham et Kanye West.
 ??  ??

Newspapers in French

Newspapers from Morocco