Elsa Peretti
Louis Comfort Tiffany n’a pas attendu la révolution initiée par les suffragettes pour confier aux femmes des postes clés. Lorsqu’il prend la direction artistique de Tiffany’s en 1902, succédant à son père, il nomme Julia Munson à la tête du département joaillerie. Elle est remplacée par une autre femme, Patricia Gay, à partir de 1914. Leurs créations respectives dévoilent une remarquable utilisation du filigrane, de l’émail champlevé, du pique-àjour, et se caractérisent par la vivacité de leurs couleurs déployées sur des colliers multigemme aux teintes inattendues. Même si la postérité n’a pas retenu leurs noms, elles ont contribué avec force à la renommée du joaillier américain.Rien à voir cependant avec l’impact décisif qu’eut Elsa Peretti dans l’univers de la création contemporaine. C’était déjà une artiste reconnue lorsqu’elle se mit à créer exclusivement pour Tiffany’s en 1974. Son premier bijou est né dans son Italie natale dans les années 60. À Barcelone, où elle s’installa ensuite, elle imagina son premier pendentif vase, premier d’une série dont le succès ne s’est jamais démenti. Au-delà de son style unique fait de lignes simples, de courbes organiques, d’éléments du quotidien (haricots, coeurs, pommes, larmes, citrouilles, pinces de crustacés, os, étoiles de mer), audelà du respect profond qu’elle manifeste pour les cultures dont elle s’inspire (ses bracelets en laque nécessitent 77 étapes pour être conformes à la technique ancestrale de l’urushi), il faut retenir le fait qu’Elsa Peretti a fortifié ce qu’on appellerait aujourd’hui l’“image de marque”. En réintroduisant les pièces en argent dans la ligne de bijoux Tiffany’s, en imaginant la ligne personnalisable Diamonds by the Yard – des diamants aux contours ronds et ovales simplement attachées à une chaîne en or ajustable –, la créatrice, également philanthrope, révolutionnaire et femme d’affaires avisée, a tout simplement proclamé que le luxe était l’affaire de tous.