Victoire de Castellane
Contrairement à ce qu’on pourrait imaginer, c’est Victoire de Castellane qui a proposé à Bernard Arnault de créer la joaillerie Dior et non l’inverse. “J’ai dit à Monsieur Arnault que je voulais créer une joaillerie qui n’existait pas.” En 1999, le monde de la joaillerie est bien différent de ce qu’il est aujourd’hui. Les maisons ne communiquent pas sur leur direction de la création. Elles s’abritent derrière la magie de leur nom, et bien malin celui qui connait celui de la “personne” qui imagine ou dessine les collections. En prenant vigoureusement la tête du département joaillerie et haute joaillerie de Dior, Victoire de Castellane fait davantage que de débarrasser la création de ses stigmates bourgeois, elle pave le chemin à ses consoeurs qui, depuis, se sont accaparé le premier plan de la scène créative, y compris au sein de la place Vendôme. Son style, qui est davantage une idéologie qu’une esthétique, s’autorise toutes les thématiques – pirates, plantes carnivores, vampires –, ne refusant que la tyrannie du bon goût. Ses fleurs femmes deviennent venimeuses quand l’actualité se voile un peu trop ouvertement de ténèbres, ses teintes de prédilection s’échappent du spectre chromatique autorisé par le sérail pour apprivoiser la laque ou s’épanouir dans des combinaisons inédites, sous le seul signe du désir et de la flamboyance.
Ses noeuds, rubans, pétales, coccinelles défient la mièvrerie en superposant dans leurs lignes une sorte de sourire complice qui nous intime de ne pas trop nous prendre au sérieux. Pour fêter ses 20 ans chez Dior, la directrice artistique a imaginé une collection baptisée Gem Dior qui cristallise plus qu’elle ne synthétise la beauté intrinsèque, tellurique, des pierres précieuses. Et pour s’échapper une fois encore des chemins battus, c’est sur YouTube, avec son complice Loïc Prigent, que la créatrice a édifié, en la désacralisant, la première des nombreuses rétrospectives que la postérité ne manquera pas de lui consacrer.