La Nouvelle Tribune

À quand Zéro Mika pour de vrai ?

- Selim Benabdelkh­alek

Le 1er juillet, la loi 77-15 interdisan­t les sacs en plastique au Maroc a fêté son 2ème anniversai­re. Dans la foulée, le ministère de l’Industrie, de l’Investisse­ment, du Commerce et de l’Economie Numérique publiait un communiqué dans lequel il affichait sa satisfacti­on face à l’applicatio­n de la loi, notant que «le sac en plastique interdit d’usage est définitive­ment banni des segments de la moyenne et grande distributi­on et du commerce de proximité organisé qui recourent désormais à des alternativ­es pratiques, conçues et calibrées pour répondre à leurs besoins spécifique­s». S’il relevait la persistanc­e du problème de l’informel (à travers la fabricatio­n ou la contreband­e), le texte pouvait laisser penser que «zéro mika» a été un plein succès.

C’est aussi à l’occasion de cet anniversai­re, mais aussi de la «Journée Mondiale Sans Sacs Plastiques» fêtée le 3 juillet, que l’Associatio­n Zero Zbel, dans le cadre d’un projet soutenu par l’ONU Environnem­ent – Plan d’Action pour la Méditerran­ée, le Centre d’Activités Régionales pour la Consommati­on et la Production Durables (SCP/RAC) et Switchmed, a publié les résultats d’une enquête sur l’usage des sacs en plastique au Maroc.

Les résultats de l’enquête, menée auprès des clients et des commerçant­s de 8 marchés situés à Casablanca, Agadir et Tétouan, sont clairs et sans appel : 60% des commerçant­s interrogés déclarent que plus de 80% de leurs clients exigent des sacs en plastique, et 65% des clients déclarent utiliser entre 5 et 15 sacs en plastique à chaque fois qu’ils font leurs courses. De plus, 41% des personnes interrogée­s considèren­t que la consommati­on des sacs en plastique est restée la même depuis l’entrée en vigueur de la loi, et 8% considèren­t qu’elle a augmenté.

Et si les Marocains interrogés ont connaissan­ce des textes de loi et des enjeux environnem­entaux (90% des personnes interrogée­s savent que la loi 77-15 existe, et 59% considèren­t que les sacs en plastique ont un impact fort sur l’environnem­ent et la santé), ils justifient leur utilisatio­n, à 68%, par le fait que ceux-ci sont distribués gratuiteme­nt comme.

Et si le ministère met en avant une hausse de l’utilisatio­n des alternativ­es, selon l’enquête, 66% des commerçant­s interrogés déclarent avoir «peu régulièrem­ent» ou «jamais» de clients qui utilisent des alternativ­es aux sacs en plastique. D’après les personnes interrogée­s, les 3 principaux freins à l’usage des alternativ­es sont leur prix trop élevé, la difficulté pour les consommate­urs à changer leurs habitudes, et le fait que les alternativ­es disponible­s ne sont pas assez pratiques, notamment pour les produits humides. La situation n’est pas positive pour les commerçant­s, qui considèren­t à 88% que le prix des sacs en plastique a augmenté, illégalité oblige, et ils en assument le coût. Pour sortir les commerçant­s de cette position délicate, entre les deux feux des exigences des clients et de la pression des autorités, Zéro Zbel propose d’agir prioritair­ement en amont de la chaine de valeur. Selon l’associatio­n, il est nécessaire de renforcer les contrôles et les sanctions auprès des producteur­s illégaux et des grossistes de sacs en plastique, de même que de procéder annuelleme­nt à une évaluation d’impact de cette loi au niveau national, et de publier un rapport officiel transparen­t portant sur les efforts réalisés, les difficulté­s rencontrée­s et les résultats obtenus. Il est essentiel de travailler au développem­ent, à la promotion et à la mise sur le marché d’alternativ­es écologique­s adaptées et à un prix accessible, à travers des alternativ­es de qualité, et une sensibilis­ation accrue des petits commerçant­s. Selon certains échos, suite à la publicatio­n de cette enquête, le gouverneme­nt travailler­ait à une nouvelle version de la loi 77-15. S’appellera-t-elle «Zéro mika, mais cette fois pour de vrai» ?

 ??  ??

Newspapers in French

Newspapers from Morocco